1°) Boolumbal.org : Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
DIAGANA Mamadou Youssouf (DMY) : Se présenter n'est pas une tâche facile car c'est un exercice qui m'a toujours été difficile mais pour une première fois et par respect à vos lecteurs internautes je tenterai de le faire avec modestie.
Je m'appelle DIAGANA Mamadou Youssouf dit Ibnou né à Kaédi en 1960. J'ai effectué mes études primaires et secondaires dans cette ville avant d'aller passer ma terminale à Nouakchott. Après le baccalauréat en 1982 et à l’issue d’un concours d’Officiers de l’armée nationale que j’ai réussi en Octobre 1982, j’ai été en formation à l’EMIA (Ecole Militaire Interarmes d’Atar) pour une formation de 2 ans. Après ma formation, j'ai été muté à la 2éme région militaire dans les unités opérationnelles à Bir Moghrein avant d’être envoyé en spécialisation en France en 1986 à l’école de cavalerie de Saumur pour une formation en armes blindées et cavalerie.
A mon retour en Août 1987, j’ai été muté au GABAN (Groupement Blindé de l’Armée Nationale), jusqu’aux évènements du pseudo coup d’état de 1987 ou j’ai été arrêté avec beaucoup de mes frères d’armes et amis. En 1988, j'ai été muté à l’EMIA comme commandant de Brigades des jeunes sous Officiers de l’armée où j’ai servi jusqu’à notre arrestation le 06 décembre 1990 sous le fallacieux prétexte d’un autre complot de coup d'état.
Je suis actuellement Président de l’Organisation Contre les Violations des Droits Humains (OCVIDH), et je fus membre fondateur de plusieurs ONG de Droits de l’homme en Europe dont OCVIDH, CAMME, AVOMM, COME. et d’autres structures informelles CODIMAU, CSGP ,FNDD-France etc. pour la promotion des Droits de l’homme en Mauritanie, la lutte implacable contre le racisme, contre l’impunité des tortionnaires, contre l’esclavage, pour la démocratie et pour l'établissement de la vérité sur les tueries extrajudiciaires et toutes les autres formes discriminatoires qui entravent l’unité nationale pour que surgisse l’essor de développement de la Mauritanie riche de ses ressources nationales et de sa diversité multiculturelle.
2°) Boolumbal.org : Votre engagement associatif est connu de tous. Qu’est-ce qui, aujourd’hui, mobilise votre temps et votre énergie ?
DMY : Comme je vous l'ai dit en me présentant, mon temps et mon énergie ne sont mobilisés que par le seul but du combat que mon association et moi-même menons contre l’impunité, le rétablissement de la vérité sur les tueries extrajudiciaires et toutes les violations des Droits de l’Homme qui ont été commises dans notre pays. Tant que ces questions et celles de l’esclavage, des déportations des populations noires vers les pays limitrophes, le Sénégal et le Mali ne sont pas élucidés et traitées avec des mesures d’accompagnement durables permettant la stabilité et la justice pour ces centaines de milliers de Mauritaniens mis volontairement à l’écart dans le seul souci d’épurer la Mauritanie de sa composante Noire et d’asseoir une politique discriminatoire, raciste fondée sur la domination de la seule race Arabo-Bérbere, vous comprendrez dès lors que mon combat sera sans relâche et que le temps ne compte pas pour les Droits Humains car c'est un combat des tous les jours. Comment compter son temps, son engagement et son énergie quand on quitte les geôles avec les souvenirs macabres de plus de 534 de nos camarades assassinés de sang froid sous nos yeux ?Comment cautionner cette forfaiture avec autant de légèreté, sans laisser un enseignement historique à nos enfants ? Et comment pourrai-je encore ne pas consolider cet engagement tant que le devoir de mémoire, de justice et de réparation n’est pas observé dans mon pays malgré l’ampleur de la barbarie? Faire autrement, c’est oublier et l’oubli n’aura pas de place dans nos petites têtes. L’horreur des camps nous hante. Nos yeux ont tellement pleuré que seule la justice peut les consoler. Les cris de nos amis et frères d'armes lynchés, ligotés, enterrés jusqu’au coup nous reviennent tout le temps; d’où la légitimité de notre engagement à en découdre avec tout pouvoir qui tenterait de ne pas lire et appliquer le droit.
En un mot, cette énergie, cet engagement sont destinés à ces camarades et amis innocents fauchés, à la fleur de l’âge, à l'amour des leurs, à la lutte contre l’esclavage, le racisme, les violations des Droits humains etc.
Les mobiles de mon engagement sont multidimensionnels et la liste est sommairement évoquée dans la présentation puisqu’il touche aux droits humains même en dehors de notre pays la Mauritanie.
Personne ne devrait être insensible à cette situation dramatique dans notre pays, ni par notre culture ni par la religion supposée être depuis des millénaires le ciment de notre unité nationale malheureusement mise à rude épreuve par les politiques véreux. Le général Abdel Aziz même s'il se dédouane de ne pas appartenir à ce groupe d'individus, il est aujourd’hui sur cette même pente glissante. Il lui appartient d'envoyer des signaux forts pour le règlement de ces épineux problèmes.
3°) Boolumbal.org : Vous êtes président de l’association OCVIDH. Quelles sont les activités aujourd’hui à l’actif de l’organisation ?
DMY : Les activités de l'OCVIDH sont connues de tous et ne souffrent d'aucune ambiguïté. Nous agissons, hier comme aujourd’hui et encore plus demain, efficacement contre toutes les violations des droits de l’homme, plus particulièrement en Mauritanie où nous connaissons plus ou moins les ruses, les méthodes et les manières d'agir des différents appareils répressifs de l'état.
Notre ONG vient, à la limite de ses moyens, en aide aux personnes victimes du racisme, des déportations, de l’esclavage et d’autres traitements inhumains et dégradants.
Indépendamment de la Mauritanie, nous avons tissé des relations avec beaucoup d’associations et de mouvements politiques de très grandes envergures et de renommées internationales, entre autres, la Fédération Internationale des Droits de l'Homme, Amnesty international, la Ligue des Droits de l’Homme,
SURVIE, la CIMADE, agir ensemble pour les Doits de l’homme, Redress etc. La liste est très longue, et notre ONG a pu sensibiliser et conscientiser toutes ces grandes ONG sur le cas de la Mauritanie. D’ailleurs, nous n'oublierons jamais l’aide ô combien précieuse que la FIDH a apportée à ma plainte contre Ely Ould Dah en juillet 1999 et qui a abouti à sa condamnation par contumace le 01 juillet 2005 par la cour d’assises de Nîmes grâce à la procédure dans le cadre de la compétence universelle appliquée pour la première fois par la justice Française.
L’OCVIH assiste pratiquement à toutes les conférences et colloques et autres activités de ces associations sœurs et à chaque fois elle remet les pendules à l’heure afin que l’exception Mauritanienne soit passée en revue.
D'ailleurs dans ce cadre, du 09 au 11 novembre 2009 lors d’un colloque international à Bruxelles l’OCVIDH, par ma voix a pu soulever un débat au niveau Européen, à savoir comment pouvoir sur le plan international introduire la pratique de l’esclavage dans les poursuites envisageables dans le cadre de la compétence universelle.
Les questions de l’impunité des esclavagistes qui se promènent en Europe a été soulevée et les prochaines rencontres nous aideront à avancer, puisque l’harmonisation de la justice Européenne est loin d’être acquise d’après les spécialistes de cette question.
Au niveau Africain, nous avons également tissé des liens avec beaucoup d’associations et travaillons avec intelligence avec elles. En guise d'exemple, l’OCVIDH était membre du collectif des 103 enfants volés au Tchad.
Notre ONG avec brio a impressionné par sa capacité de mobilisation et de solidarité, ce qui n’est pas rien sur le plan continental..
Nos activités sont multidimensionnelles, elles sont prioritairement destinées la Mauritanie et aux mauritaniens du fait de l’ampleur de la barbarie des années 1986 à 1992. L’OCVIDH, se donne tous les jours la force et le courage, à travers son site www.ocvidh.org et d'autres sites partenaires, de dénoncer avec vérité et clarté, sans déformer l'histoire triste et révoltante qu'est la nôtre, les crimes commis par le colonel Taya et ses acolytes actuellement au plus haut sommet de l’état se faisant dédouaner par des discours démagogiques de lutte contre la pauvreté, de lutte contre la gabegie et l'utilisations d'autres "pilules" à effet d'endormissement des esprits faibles et vulnérables.
Etaler toutes nos actions c’est aussi donner un peu de chances à nos tortionnaires d'esquiver les pièges judiciaires qui leur sont tendus alors que nous les pourchassons dans le monde notamment en Europe. C'est pourquoi, l’OCVIDH, ne ratera plus jamais une seule occasion de traîner ces tortionnaires devant la justice internationale une fois repérés en Europe ou sur tout autre territoire défendant les Droits Humains. Soyez rassurés tout simplement que notre ONG ne chôme pas et que ses activités en dehors de ces grands chantiers se poursuivent dans Massy et ailleurs.
Notre participation aux journées des Associations de Massy, l'organisation et la tenue de la journée de notre organisation de l’OCVIDH, les journées de la jeunesse dans Massy avec toutes les associations de Massicoises, les séries de conférence de sensibilisation de conscientisation et les projections de film sur l’horreur des camps sont de bons témoignages de notre engagement quotidien.
La liste de nos activités est longue malgré nos modestes moyens. Nous essayerons de nous améliorer tant bien que mal afin de laisser un excellent héritage aux générations futures.
4°) Boolumbal .org : Quel bilan faites-vous de vos longues années de lutte ?
DMY : Il est difficile de faire un bilan eu égard à la complexité du combat que nous menons. Cependant, la sensibilisation et la conscientisation de nos populations sur les questions de droit de l’homme, de démocratie, de justice, d’égalité et de citoyenneté ont eu un regain d’intérêt dans l’esprit de nos compatriotes et la peur a totalement changé de camp grâce aux plaintes initiées par les militants depuis l’étranger. Il y a eu une floraison d’associations de droit de l’homme et villageoises afin de pouvoir contrecarrer les intentions malveillantes des pouvoirs successifs. Plusieurs actions humanitaires connues ou non inventoriées sur la place publique ont été réalisées pour soulager les souffrances de nos victimes. Le combat de l’OCVIDH pour un retour digne de nos compatriotes, l’éradication de l’esclavage et l’impunité est sans concession et ne souffre d’aucune entorse. Plusieurs personnalités de l’opposition intérieure ou veuves ont pu faire des déplacements en Europe soit pour un procès soit sur invitation à une conférence de l’OCVIDH à Massy et sans compter l’aide quotidienne apportée à nos adhérents, sur le plan administratif, recherche de logement, demande d’asile et les tracasseries liées à toutes les conditions de vie en Europe.
A vous dire la vérité et avec la sincérité qui doit nous guider, je suis entouré au niveau de mon bureau exécutif d’une équipe dynamique, redoutable et qui travaille d’arrache pied pour la promotion des Mauritaniens et je ne pourrai pas finir ce passage sans remercier mes collaborateurs puisque grâce à eux des actions ponctuelles et spontanées de l’OCVIDH ont été menées. Vous avez remarqué tout récemment le travail remarquable effectué par l'ocvidh auprès de la diaspora Africaine et caribéenne à Paris suite aux propos racistes et négationnistes de Jean Paul GUERLAIN à l'endroit de la communauté Noire et l’immense travail auprès des Massicois où siège notre ONG.
Globalement, nous ne pouvons absolument pas rougir de déception pour notre bilan compte tenu des circonstances géopolitiques, la politique de division des systèmes successifs en Mauritanie et la volonté de sabordage de nos ONG par quelques rares (heureusement) militants dont les seules aspirations sont motivées par le confort matériel, la mise en scène de soi, l'hypocrisie et la division. Ces petits esprits n'ont rien à faire ni à se trouver dans un combat collectif. Le combat pour les droits humains demande d'abord une grande lucidité avant d'agir. C'est un combat qui demande à établir la différence entre vitesse et précipitation surtout pour les noirs mauritaniens.
5°) Boolumbal.org : La Mauritanie vient de fêter le cinquantenaire de son indépendance. Quel message avez-vous à lancer?
DMY : Le message que je lance à mes compatriotes est de leur dire de prendre, à partir de ce jour, notre vraie indépendance. Comment pouvons-nous parler d’indépendance du 28 Novembre pendant que tout le sud Mauritanien préparait au même moment l’anniversaire des pendaisons de leurs enfants dans les casernes militaires? La date d’indépendance n’a plus donc la même signification pour tous les Mauritaniens. Il va falloir que les génocidaires soient traduits devant les tribunaux, et que l’on permette aux familles de faire leur deuil avant de penser à des célébrations en trompe l’œil au cours desquelles les tortionnaires sans vergogne se distribuent des décorations et se congratulent au nez et à la barbe des victimes. Je dirai à mon peuple que durant cinquante ans d'indépendance, nous avons malheureusement plus perdu que gagné. Nous refusons résolument la perte de ce demi siècle et c’est donc à partir d’aujourd’hui qu’il faut se battre contre les arbitraires et c’est possible de gagner si l’on se donnait la main, arrêtions les considérations régionales, tribales, ethniques ou autres. Seule la méritocratie pourra sauver notre pays "l’homme qu’il faut à la place qu’il faut."C’est celui de faire comprendre au pouvoir en place que sa méthode ne convainc plus, le discours sur la gabegie, la pauvreté, sur le retour des déportés, la bonne gouvernance, l’éducation nationale, la santé, n’était que des slogans de campagne et c’est extrêmement grave que les Mauritaniens soient complément oubliés pendant qu’une poignée d'hommes roule dans l’opulence engendrée par nos richesses nationales.
Je dirai aux autorités de mon pays d’arrêter cette hémorragie qui est devenue fatale à la cohésion nationale. Que le racisme institutionnalisé ne survivra pas éternellement et qu'il est temps de trouver une solution aux questions nationales en organisant des journées de concertation et de réconciliation nationales. Je leur dirai de régler sans délai la question du génocide dont les populations noires ont été victimes. Le devoir de vérité, de mémoire et de réparation s’impose afin que le deuil puisse être observé. En un mot, je leur dirai que la gestion du pays DOIT ËTRE L'APANAGE de l’ensemble de ses enfants sans exclusive et que c’est la seule solution pour relever le défi du siècle par le mérite. Les conseils ne finissent pas puisque tout est à refaire dans ce pays au mille poètes.
6°) Boolumbal.org : Ces dernières années, quelques fissures sont apparues dans la relation stable des associations. Comment vivez-vous ce phénomène ?
DMY: Plus qu'un phénomène, c'est une consternation!Vivre la désunion, la dispersion de nos moyens face aux injustices et à l'arbitraire que nous avons connus me semble naturellement absurde, incompréhensible voire révoltante. Je n'ai nullement l'intention de polémiquer à travers votre question mais je suis soucieux de vous apporter un éclairage. Faut-il alors revenir sur l’historique de nos associations de droits de l’homme en Europe et plus particulièrement celles de la France?
C’est le 25 novembre 1995 que l’AVOMM a été créée par moi-même avec quatre de mes amis et anciens militaires ici présents en Europe, afin de pouvoir concentrer nos moyens et nos efforts contre l’impunité et venir en aides aux veuves et orphelins de militaires. Elle a eu donc à accueillir tous ces anciens militaires et contribuer à l’acquisition de leurs statuts de réfugiés politiques, ce qui n'est pas faux car ils le sont véritablement. En Août 2000, une mésentente d’une très grande ampleur est apparue en son sein. Lors de l’acquisition du statut de réfugié du colonel Baby Housseynou, il nous a été reproché tout en indexant notre direction d’avoir joué un rôle important en ce sens. Alors, pour préserver mon honneur en tant Secrétaire général, j’ai démissionné du bureau, puis suivi par trois de mes amis de combat dont Feu Dia Ousmane, paix à son âme! Choqués par cette accusation gratuite qui n'a aucun fondement, nous avons vite créé officiellement le 03 octobre 2000 l’OCVIDH, et nous avons continué à travailler en parallèle sans aucune animosité malgré que le divorce fût très dur voire invraisemblable. Fort donc de cette expérience à la fois amère et périlleuse, je pensais à mon humble avis et conviction personnelle que c’était fini et que plus jamais ces genres de situation ne pouvaient nous arriver et c’est d’ailleurs cette analyse qui m’a conduit à insérer dans nos statuts et règlement intérieur la présidence tournante entre les quatre membres fondateurs de l’OCVIDH, pour pouvoir éviter toutes infiltrations du pouvoir de Taya, que nous soupçonnons sur notre division précitée. Pourquoi vivons-nous encore une autre division? C'est simple à expliquer: toute association est régie par des statuts et règlement intérieurs, elle est régulée par un bureau exécutif et ses décisions importantes sont décidées très souvent par un bureau et validées par une assemblée générale surtout quand il s’agit d’une assemblée de victimes, d'où la question de génocide, de tortures et autres violations des droits les habitent.
Alors on ne peut faire d’impasse sous quelque motif que ce soit pour aller parler au nom d’une ONG sans mandat ni de son bureau ni de son assemblée de victimes. On ne pouvait donc absolument jamais accepter de vendre l’OCVIDH à la démagogie d'un dirigeant ni sa manière de vouloir saborder le règlement dudit passif humanitaire. Je pense que l’histoire nous donne totalement raison sur cette question et les langues commencent à se délier. La sagesse aurait prévalu si une concertation avait eu lieu auparavant. L’emballement, la précipitation, les coups bas et les campagnes de dénigrement dont j'ai été victime tout cela pour revenir à la case départ sont désastreuses et honteuses pour la communauté Noire. Sachons que les ONG que nous avons créées ne nous appartiennent plus. Elles appartiennent à toutes les victimes et à tous ceux qui nous aiment et nous soutiennent mauritaniens et autres nationalités. Comment je vis ce "phénomène"? Je le vis très mal, en tant que militant de droits de l’homme et victime. Je le vis très mal surtout venant des amis que j’ai côtoyés et avec qui j'ai partagé beaucoup d'intimités et entendre nos enfants nous poser des questions de savoir où se trouve untel ou untel est une situation embarrassante et intenable. Hélas « l’histoire d’une vie c’est l’histoire d’un échec » tant que la roue de l’histoire continuera à rouler, nous nous croiserons inéluctablement et d’ailleurs c’est chose faite puisque le général Abdel Aziz a fini par rouler tout le monde dans sa farine et il ne restera qu’à nous, malheureusement, de chercher à recoller les morceaux et c’est dommage pour la cause que nous défendons depuis belle lurette.
Ce problème que j’évoque sur l’OCVIDH est malheureusement le même à la CAMME, voire dans différents mouvements et partis politiques, c’est dire que la politique de diviser pour mieux régner du général et avant lui d'autres a bien marché partout.
Il ne reste qu’à nous d’ouvrir un nouveau pan du combat et comprendre les enjeux nationaux, pour éviter ainsi des aventures peu productives pour la communauté des victimes et la Mauritanie dans son ensemble. Comme on dit"mieux vaut tard que jamais"
Je ne finirai pas ce sujet sans m'incliner devant la mémoire de nos frères et amis que sont Murtudo JOOP, Saidu KÂNE et Usman JAH, qui nous ont quittés en nous laissant dans nos divisions inutiles. Qu’avons-nous alors à la place du cœur ?
7°) Boolumbal.org : Pensez-vous qu’il faille travailler dans le sens d’un rapprochement des associations ?
DMY : Je pense que la tentative de rapprochement des associations est une excellente chose! Faut-il le rappeler que cela a eu le mérite d’être tenté au moins deux fois par mes soins. Concrètement, lors de la création informelle de la CAMME le 17 septembre 2005, juste après le procès d’Ely Ould Dah et du coup d’état du 03 Août 2005 contre le génocidaire Taya, nous avons convié tous les anciens militaires et corps constitués, tout grade confondus à un rassemblement autour de cette structure malgré nos associations respectives pour mieux sceller notre combat et dégager les pistes du règlement du passif imputé à nos tortionnaires. Malheureusement, les champions de la division ont trouvé les moyens de torpiller et de travestir cette idée géniale qui nous aurait aujourd’hui évités l’effritement et le désordre que nous connaissons. La création de la CAMME n’était destinée ni à détruire les associations existantes ni à leur faire ombrage puisqu’elle était au début informelle pour être à la suite officielle sous l’insistance des autorités Françaises, vu le caractère des réunions tenues dans différents lieux publics. Un autre cas concret de la tentative de rapprochement fut la rédaction par le Comité de Suivi et de Gestion des Préjudices (CSGP) d’un rapport rédigé par un éminent avocat Maître Touré Moctar, en ayant pris au préalable le temps d’y fédérer toutes les associations, mouvements et partis politiques. D’ailleurs ce rapport a été victime de son succès puis remis au Président de l’époque Sidi Ould Cheikh Adallahi, qui au moins a tenu à associer la diaspora aux journées de concertation qui ont eu lieux en octobre 2008 à Nouakchott.
C’est dire combien la tâche était difficile! Ce comité avait été saboté aussi à son tour alors qu’il établit dans son rapport les auteurs des crimes, les villages vidés de leurs habitants pendant les déportations, les noms des rescapés victimes, les noms des militaires assassinés dans les camps de torture, la pratique de l’esclavage et le même rapport dégageait des pistes pour le règlement du génocide Mauritanien.
Alors toutes ses tentatives d’harmoniser nos volontés de combat face à l’impunité, d’inventorier nos doléances pour entreprendre ensemble des décisions, de pouvoir parler d'un seul langage n’a pas été complètement possible, puisqu’il y avait toujours une ou deux organisations qui se désolidarisaient de l’initiative et je pouvais encore prendre d’autres exemples comme la création de FNDD-France pour dire non et tous ensemble suite au putsch honteux du général Aziz. Et j’en passe…
Je pense comme vous que cette guerre des petites chapelles doit cesser, les mises en scène doivent cesser, la tentation d'être au devant de la scène pour le simple plaisir d'apparaître devant les projecteurs doit être bannie. La cause que nous servons est supérieure à nos considérations personnelles! Sans cohésion ni harmonie, sans une vraie concertation autour de nos problèmes fondamentaux, les autorités useront toujours de la carte de la division et de la supercherie pour faire voler en éclats nos revendications légitimes de justice, de mémoire et de réparation. Et toutes ces divisions ne peuvent être profitables qu’aux gestionnaires des cimetières d’Inal, de Jreida, d’Azlat, de Mbeika etc.
J’adhère à cette question de rapprochement mais avec beaucoup plus de sérieux. Chanter l’unité alors qu'il y'a des divisions et pour revenir à chaque fois à la case départ n’est pas un bon héritage que nous laissons aux générations futures.
Je citerai Albert camus qui disait « le malheur qu’il y a dans le monde provient souvent de l’ignorance, la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté si elle n’est pas éclairée », sur le plan moral, socioculturel, scientifique ou technologique, toute bonne volonté non éclairée nous conduit aux catastrophes. Que Dieu nous en préserve !
8°) Boolumbal.org : Que pensez-vous en tant qu’ancien officier de l’armée de cette école militaire qui a ouvert ses portes en Mauritanie et dont l’immense majorité des élèves est issue de l’ethnie maure ?
DMY : Une armée républicaine devrait être le creuset de l’unité nationale. Elle aurait pu être ce laboratoire pour créer les conditions d’une unité nationale. Elle fut autrement lors de la guerre du Sahara. Quelques décisions racistes et des commandements sur le terrain employaient des missions suicidaires où seuls les soldats Noires étaient sélectionnés pour leur exécution. Et ces soldats n’avaient pas constaté cet état de fait car motivés par la seule idée de défendre la Mauritanie, leur patrie. Puis arrive comme chef de l’armée, le colonel Ould Taya le 12 Décembre 1984 et dès 1985, il trouve l’astuce et l’imagination de marginaliser très progressivement les Négro-africains en les privant de tous les bons postes de commandement, les réduisant à la subordination quel que soit leur grade ou à des postes de second rôle ou les mutant dans les zones désertiques les plus reculées pour créer le découragement ou l’abandon du métier. Dès 1985, dans notre armée, il était courant de voir un soldat Arabo-Berbère désobéir son chef ou refuser de respecter les consignes puisqu’il se sent protégé par sa tribu ou son cousin lambda à l’état major national. Cette dégradation de la situation s’est poursuivie progressivement.
En octobre 1987, pour avoir tout simplement cogité sur la possibilité d’un changement, pour avoir commencé à subir de grosses injustices du commandement qui est devenu sourd et muet aux demandes et réclamations, le 06 Décembre 1987, trois officiers noirs furent exécutés à l’issue d’un procès inique et d’autres emprisonnés avec de lourdes peines disproportionnées. D’autres ont été purement et simplement remerciés de l’armée comme des malpropres, d’autres réintégrés pour être suivis au quotidien comme du lait sur le feu par le 2ème bureau des renseignements généraux de l’état. Il fallait que le colonel finisse pour de bon son épuration au sein de l’armée, dès septembre 1990, l’alibi d’un autre complot de Négro-africains sur toute l’étendue des régions militaires est brandi, c’était le summum des violations et des purges, plus de 534 militaires assassinés et pendus et plus de 3500 radiés de l’armée, tous souffrent jusqu’à nos jour des séquelles de tortures.
. Déjà la discrimination commence aux concours d’entrée à l’EMIA (école militaire inter arme d’Atar), il suffirait de prendre la liste des promotions qui y défilent pour mieux comprendre l’enjeu et le rôle discriminatoire que joue l’armée dans les mentalités et les rapports économiques socioculturels et politiques de la Mauritanie peut être nous pourrons y revenir la prochaine fois.
Nos autorités à travers ces recrutements ethniques et tribaux veulent asseoir la domination d’une composante ethnique Arabo-Berbère sur les autres Négro-africains et Harratine et la création de ce lycée militaire destiné aux seules enfants des généraux, colonels, chefs tribu et autres privilégiés ou alliés du pouvoir n’est rien d’autre que l’illustration de vouloir pérenniser le pouvoir militaire et de préparer leur ascendance à la relève .C’est honteux que l’on fasse la différence dans mon pays entre le fils de l’éleveur Demba à celui du Général Mohamed, c’est inacceptable et moralement incompréhensible.
Les méthodes de purification ethnique citées plus haut amènent les généraux de manière subtile à jouer avec le jeu, en créant cette école monocolore, qui servira de lieu de sensibilisation , de conscientisation , et d’explication du danger , du diable, du voisin venu d’ailleurs , ce qui malheureusement n’a pas réussi en Afrique du Sud, en côte d’Ivoire ou au Rwanda ne pourra réussir nulle part ailleurs dans le monde.
Cette école est discriminatoire, elle devait appartenir au peuple, on devait y accéder par le mérite et non par le clientélisme, le népotisme et d’autres considérations injustifiées.
. Je ne peux que m’insurger contre cette école de la honte, dont mon ami Biram Ould Dah Ould Abeid de l’IRA en Mauritanie qui, par sa voix et son aura, se bat pour qu’elle devienne l’école de la république et non celle des généraux ou des tribus.
9°) Boolumbal.org : Une dernière question. Que préconisez-vous pour éradiquer ce mal qu’est l’esclavage en Mauritanie ?
DMY : L’esclavage est l’un des fondements sur lequel les pouvoirs successifs s’appuient pour se maintenir au pouvoir et cette catégorie de gens, féodaux, tribalistes, ne veulent pas très honnêtement de l’éradication de l’esclavage et c’est pourquoi, nous assistons à la non application des ordonnances et décrets. Il ne sera jamais dans leur programme de l’éradiquer, c’est pourquoi à nous militants des droits humains de prendre notre courage en main pour casser les chaînes de l’esclavage en Mauritanie car si la démocratie avait été une réalité en Mauritanie, un homme, une voix, cette couche qui représente plus de quarante pour cent de la population aurait changé la tendance. Pour éradiquer ces phénomènes inhumains et dégradants, d’une autre époque, il serait souhaitable pour tous que des structures d’accueil soient trouvées permettant de couper tout lien entre ces maîtres esclavagistes et leurs esclaves et permettre leur insertion professionnelle par la formation l’éducation, la sensibilisation mais dans une totale liberté d’entreprendre et décider.
Trouver des moyens avec un personnel qualifié et de bonnes moralités pour le suivi et l’accompagnement de cette population éprouvée.
Demander par l’arbitrage des ONG nationaux et internationaux, la mise en place des arsenaux juridiques pour poursuivre tous les criminels. Classer dans notre juridiction la pratique de l’esclavage comme un crime. Décréter sur le plan national, une journée de lutte contre l’esclavage
Exiger la volonté politique face au phénomène et permettre aux ONG de porter plainte sans aucune obstruction ni ingérence de la part de l’état.
En réalité les idées ne manquent pas ni les moyens humains pour venir à bout de cette pratique honteuse, c’est bien la volonté politique qui fait défaut, je ne finirai pas cette question sans rendre hommage à mes amis de l’IRA, de AHME et de SOS esclaves et aux FLAM pour le travail abattu pendant ces dernières années et à abattre dans les années à venir pour une éradication définitive de cette question honteuse et gênante pour notre pays. Nous y arriverons inchaallah.
10°) Boolumbal.org : Un dernier mot ?
DMY : D’abord, un grand merci à votre site de m’avoir donné la parole et vous souhaite longue vie sur la toile.
Ensuite, avant de vous quitter, je fais un appel à tous les militants des Droits Humains sur la possibilité de leur présence au forum social qui aura lieu l’année prochaine très exactement le 6 février 2011 à Dakar. C’est l’occasion, à la porte de la Mauritanie, sous le regard des centaines de déportés Mauritaniens de venir dénoncer les conditions indignes de leur retour, sa lenteur et le traitement inhumain de leurs dossiers
En fin, je lance un appel à tous ceux qui ont été embarqués dans le navire de la démagogie du Général, de comprendre que notre combat est loin d’être fini et de revenir à la raison. Il n’y a pas de fatalité à se tromper mais le plus important est de se ressaisir. Nous devons travailler pour le bien de la Mauritanie de demain. Notre pays aura besoin de tous ses enfants Arabo-Berbères, Harratine et Négro-Africains
Voyons ce qui se passe en côte d’Ivoire. Même une armée si républicaine soit elle, ne peut sauver UNE SITUATION QUI LA DEPASSE. La Mauritanie est notre pays que nous aimons tous et que nous chérissons. A nos dirigeants de prendre le destin de notre pays avec sérieux et patriotisme, en le mettant dans le chemin de la démocratie et du mérite. Il serait alors temps que le pouvoir suive le chemin de la sagesse, de l'entente entre tous les citoyens. Le racisme et la mauvaise gouvernance ne peuvent tenir pour méthode de gestion d’un pays.
Au moment où je boucle les réponses aux questions, je viens d’apprendre, à même temps que la Diaspora mauritanienne en Europe, avec consternation, l’arrestation de notre compatriote et frère Biram Ould Dah Ould Abeid, Président de l’IRA- Mauritanie par la police mauritanienne et selon les informations qui nous parviennent de la Mauritanie, il se trouve blessé à cause des brutalités policières dont il a été victime.
Quel message veut nous envoyer le régime du Général Aziz ? Assurément, la violence et le retour des vieilles méthodes de son mentor Maawiya Ould Sid ’Ahmed Taya.
Nous condamnons cette arrestation et exigeons la libération sans condition de notre compatriote Biram Ould Dah Ould Abeid
Que Dieu sauve mon pays !
Propos recueillis par SARR Abdoulaye Demba Sarr
DIAGANA Mamadou Youssouf (DMY) : Se présenter n'est pas une tâche facile car c'est un exercice qui m'a toujours été difficile mais pour une première fois et par respect à vos lecteurs internautes je tenterai de le faire avec modestie.
Je m'appelle DIAGANA Mamadou Youssouf dit Ibnou né à Kaédi en 1960. J'ai effectué mes études primaires et secondaires dans cette ville avant d'aller passer ma terminale à Nouakchott. Après le baccalauréat en 1982 et à l’issue d’un concours d’Officiers de l’armée nationale que j’ai réussi en Octobre 1982, j’ai été en formation à l’EMIA (Ecole Militaire Interarmes d’Atar) pour une formation de 2 ans. Après ma formation, j'ai été muté à la 2éme région militaire dans les unités opérationnelles à Bir Moghrein avant d’être envoyé en spécialisation en France en 1986 à l’école de cavalerie de Saumur pour une formation en armes blindées et cavalerie.
A mon retour en Août 1987, j’ai été muté au GABAN (Groupement Blindé de l’Armée Nationale), jusqu’aux évènements du pseudo coup d’état de 1987 ou j’ai été arrêté avec beaucoup de mes frères d’armes et amis. En 1988, j'ai été muté à l’EMIA comme commandant de Brigades des jeunes sous Officiers de l’armée où j’ai servi jusqu’à notre arrestation le 06 décembre 1990 sous le fallacieux prétexte d’un autre complot de coup d'état.
Je suis actuellement Président de l’Organisation Contre les Violations des Droits Humains (OCVIDH), et je fus membre fondateur de plusieurs ONG de Droits de l’homme en Europe dont OCVIDH, CAMME, AVOMM, COME. et d’autres structures informelles CODIMAU, CSGP ,FNDD-France etc. pour la promotion des Droits de l’homme en Mauritanie, la lutte implacable contre le racisme, contre l’impunité des tortionnaires, contre l’esclavage, pour la démocratie et pour l'établissement de la vérité sur les tueries extrajudiciaires et toutes les autres formes discriminatoires qui entravent l’unité nationale pour que surgisse l’essor de développement de la Mauritanie riche de ses ressources nationales et de sa diversité multiculturelle.
2°) Boolumbal.org : Votre engagement associatif est connu de tous. Qu’est-ce qui, aujourd’hui, mobilise votre temps et votre énergie ?
DMY : Comme je vous l'ai dit en me présentant, mon temps et mon énergie ne sont mobilisés que par le seul but du combat que mon association et moi-même menons contre l’impunité, le rétablissement de la vérité sur les tueries extrajudiciaires et toutes les violations des Droits de l’Homme qui ont été commises dans notre pays. Tant que ces questions et celles de l’esclavage, des déportations des populations noires vers les pays limitrophes, le Sénégal et le Mali ne sont pas élucidés et traitées avec des mesures d’accompagnement durables permettant la stabilité et la justice pour ces centaines de milliers de Mauritaniens mis volontairement à l’écart dans le seul souci d’épurer la Mauritanie de sa composante Noire et d’asseoir une politique discriminatoire, raciste fondée sur la domination de la seule race Arabo-Bérbere, vous comprendrez dès lors que mon combat sera sans relâche et que le temps ne compte pas pour les Droits Humains car c'est un combat des tous les jours. Comment compter son temps, son engagement et son énergie quand on quitte les geôles avec les souvenirs macabres de plus de 534 de nos camarades assassinés de sang froid sous nos yeux ?Comment cautionner cette forfaiture avec autant de légèreté, sans laisser un enseignement historique à nos enfants ? Et comment pourrai-je encore ne pas consolider cet engagement tant que le devoir de mémoire, de justice et de réparation n’est pas observé dans mon pays malgré l’ampleur de la barbarie? Faire autrement, c’est oublier et l’oubli n’aura pas de place dans nos petites têtes. L’horreur des camps nous hante. Nos yeux ont tellement pleuré que seule la justice peut les consoler. Les cris de nos amis et frères d'armes lynchés, ligotés, enterrés jusqu’au coup nous reviennent tout le temps; d’où la légitimité de notre engagement à en découdre avec tout pouvoir qui tenterait de ne pas lire et appliquer le droit.
En un mot, cette énergie, cet engagement sont destinés à ces camarades et amis innocents fauchés, à la fleur de l’âge, à l'amour des leurs, à la lutte contre l’esclavage, le racisme, les violations des Droits humains etc.
Les mobiles de mon engagement sont multidimensionnels et la liste est sommairement évoquée dans la présentation puisqu’il touche aux droits humains même en dehors de notre pays la Mauritanie.
Personne ne devrait être insensible à cette situation dramatique dans notre pays, ni par notre culture ni par la religion supposée être depuis des millénaires le ciment de notre unité nationale malheureusement mise à rude épreuve par les politiques véreux. Le général Abdel Aziz même s'il se dédouane de ne pas appartenir à ce groupe d'individus, il est aujourd’hui sur cette même pente glissante. Il lui appartient d'envoyer des signaux forts pour le règlement de ces épineux problèmes.
3°) Boolumbal.org : Vous êtes président de l’association OCVIDH. Quelles sont les activités aujourd’hui à l’actif de l’organisation ?
DMY : Les activités de l'OCVIDH sont connues de tous et ne souffrent d'aucune ambiguïté. Nous agissons, hier comme aujourd’hui et encore plus demain, efficacement contre toutes les violations des droits de l’homme, plus particulièrement en Mauritanie où nous connaissons plus ou moins les ruses, les méthodes et les manières d'agir des différents appareils répressifs de l'état.
Notre ONG vient, à la limite de ses moyens, en aide aux personnes victimes du racisme, des déportations, de l’esclavage et d’autres traitements inhumains et dégradants.
Indépendamment de la Mauritanie, nous avons tissé des relations avec beaucoup d’associations et de mouvements politiques de très grandes envergures et de renommées internationales, entre autres, la Fédération Internationale des Droits de l'Homme, Amnesty international, la Ligue des Droits de l’Homme,
SURVIE, la CIMADE, agir ensemble pour les Doits de l’homme, Redress etc. La liste est très longue, et notre ONG a pu sensibiliser et conscientiser toutes ces grandes ONG sur le cas de la Mauritanie. D’ailleurs, nous n'oublierons jamais l’aide ô combien précieuse que la FIDH a apportée à ma plainte contre Ely Ould Dah en juillet 1999 et qui a abouti à sa condamnation par contumace le 01 juillet 2005 par la cour d’assises de Nîmes grâce à la procédure dans le cadre de la compétence universelle appliquée pour la première fois par la justice Française.
L’OCVIH assiste pratiquement à toutes les conférences et colloques et autres activités de ces associations sœurs et à chaque fois elle remet les pendules à l’heure afin que l’exception Mauritanienne soit passée en revue.
D'ailleurs dans ce cadre, du 09 au 11 novembre 2009 lors d’un colloque international à Bruxelles l’OCVIDH, par ma voix a pu soulever un débat au niveau Européen, à savoir comment pouvoir sur le plan international introduire la pratique de l’esclavage dans les poursuites envisageables dans le cadre de la compétence universelle.
Les questions de l’impunité des esclavagistes qui se promènent en Europe a été soulevée et les prochaines rencontres nous aideront à avancer, puisque l’harmonisation de la justice Européenne est loin d’être acquise d’après les spécialistes de cette question.
Au niveau Africain, nous avons également tissé des liens avec beaucoup d’associations et travaillons avec intelligence avec elles. En guise d'exemple, l’OCVIDH était membre du collectif des 103 enfants volés au Tchad.
Notre ONG avec brio a impressionné par sa capacité de mobilisation et de solidarité, ce qui n’est pas rien sur le plan continental..
Nos activités sont multidimensionnelles, elles sont prioritairement destinées la Mauritanie et aux mauritaniens du fait de l’ampleur de la barbarie des années 1986 à 1992. L’OCVIDH, se donne tous les jours la force et le courage, à travers son site www.ocvidh.org et d'autres sites partenaires, de dénoncer avec vérité et clarté, sans déformer l'histoire triste et révoltante qu'est la nôtre, les crimes commis par le colonel Taya et ses acolytes actuellement au plus haut sommet de l’état se faisant dédouaner par des discours démagogiques de lutte contre la pauvreté, de lutte contre la gabegie et l'utilisations d'autres "pilules" à effet d'endormissement des esprits faibles et vulnérables.
Etaler toutes nos actions c’est aussi donner un peu de chances à nos tortionnaires d'esquiver les pièges judiciaires qui leur sont tendus alors que nous les pourchassons dans le monde notamment en Europe. C'est pourquoi, l’OCVIDH, ne ratera plus jamais une seule occasion de traîner ces tortionnaires devant la justice internationale une fois repérés en Europe ou sur tout autre territoire défendant les Droits Humains. Soyez rassurés tout simplement que notre ONG ne chôme pas et que ses activités en dehors de ces grands chantiers se poursuivent dans Massy et ailleurs.
Notre participation aux journées des Associations de Massy, l'organisation et la tenue de la journée de notre organisation de l’OCVIDH, les journées de la jeunesse dans Massy avec toutes les associations de Massicoises, les séries de conférence de sensibilisation de conscientisation et les projections de film sur l’horreur des camps sont de bons témoignages de notre engagement quotidien.
La liste de nos activités est longue malgré nos modestes moyens. Nous essayerons de nous améliorer tant bien que mal afin de laisser un excellent héritage aux générations futures.
4°) Boolumbal .org : Quel bilan faites-vous de vos longues années de lutte ?
DMY : Il est difficile de faire un bilan eu égard à la complexité du combat que nous menons. Cependant, la sensibilisation et la conscientisation de nos populations sur les questions de droit de l’homme, de démocratie, de justice, d’égalité et de citoyenneté ont eu un regain d’intérêt dans l’esprit de nos compatriotes et la peur a totalement changé de camp grâce aux plaintes initiées par les militants depuis l’étranger. Il y a eu une floraison d’associations de droit de l’homme et villageoises afin de pouvoir contrecarrer les intentions malveillantes des pouvoirs successifs. Plusieurs actions humanitaires connues ou non inventoriées sur la place publique ont été réalisées pour soulager les souffrances de nos victimes. Le combat de l’OCVIDH pour un retour digne de nos compatriotes, l’éradication de l’esclavage et l’impunité est sans concession et ne souffre d’aucune entorse. Plusieurs personnalités de l’opposition intérieure ou veuves ont pu faire des déplacements en Europe soit pour un procès soit sur invitation à une conférence de l’OCVIDH à Massy et sans compter l’aide quotidienne apportée à nos adhérents, sur le plan administratif, recherche de logement, demande d’asile et les tracasseries liées à toutes les conditions de vie en Europe.
A vous dire la vérité et avec la sincérité qui doit nous guider, je suis entouré au niveau de mon bureau exécutif d’une équipe dynamique, redoutable et qui travaille d’arrache pied pour la promotion des Mauritaniens et je ne pourrai pas finir ce passage sans remercier mes collaborateurs puisque grâce à eux des actions ponctuelles et spontanées de l’OCVIDH ont été menées. Vous avez remarqué tout récemment le travail remarquable effectué par l'ocvidh auprès de la diaspora Africaine et caribéenne à Paris suite aux propos racistes et négationnistes de Jean Paul GUERLAIN à l'endroit de la communauté Noire et l’immense travail auprès des Massicois où siège notre ONG.
Globalement, nous ne pouvons absolument pas rougir de déception pour notre bilan compte tenu des circonstances géopolitiques, la politique de division des systèmes successifs en Mauritanie et la volonté de sabordage de nos ONG par quelques rares (heureusement) militants dont les seules aspirations sont motivées par le confort matériel, la mise en scène de soi, l'hypocrisie et la division. Ces petits esprits n'ont rien à faire ni à se trouver dans un combat collectif. Le combat pour les droits humains demande d'abord une grande lucidité avant d'agir. C'est un combat qui demande à établir la différence entre vitesse et précipitation surtout pour les noirs mauritaniens.
5°) Boolumbal.org : La Mauritanie vient de fêter le cinquantenaire de son indépendance. Quel message avez-vous à lancer?
DMY : Le message que je lance à mes compatriotes est de leur dire de prendre, à partir de ce jour, notre vraie indépendance. Comment pouvons-nous parler d’indépendance du 28 Novembre pendant que tout le sud Mauritanien préparait au même moment l’anniversaire des pendaisons de leurs enfants dans les casernes militaires? La date d’indépendance n’a plus donc la même signification pour tous les Mauritaniens. Il va falloir que les génocidaires soient traduits devant les tribunaux, et que l’on permette aux familles de faire leur deuil avant de penser à des célébrations en trompe l’œil au cours desquelles les tortionnaires sans vergogne se distribuent des décorations et se congratulent au nez et à la barbe des victimes. Je dirai à mon peuple que durant cinquante ans d'indépendance, nous avons malheureusement plus perdu que gagné. Nous refusons résolument la perte de ce demi siècle et c’est donc à partir d’aujourd’hui qu’il faut se battre contre les arbitraires et c’est possible de gagner si l’on se donnait la main, arrêtions les considérations régionales, tribales, ethniques ou autres. Seule la méritocratie pourra sauver notre pays "l’homme qu’il faut à la place qu’il faut."C’est celui de faire comprendre au pouvoir en place que sa méthode ne convainc plus, le discours sur la gabegie, la pauvreté, sur le retour des déportés, la bonne gouvernance, l’éducation nationale, la santé, n’était que des slogans de campagne et c’est extrêmement grave que les Mauritaniens soient complément oubliés pendant qu’une poignée d'hommes roule dans l’opulence engendrée par nos richesses nationales.
Je dirai aux autorités de mon pays d’arrêter cette hémorragie qui est devenue fatale à la cohésion nationale. Que le racisme institutionnalisé ne survivra pas éternellement et qu'il est temps de trouver une solution aux questions nationales en organisant des journées de concertation et de réconciliation nationales. Je leur dirai de régler sans délai la question du génocide dont les populations noires ont été victimes. Le devoir de vérité, de mémoire et de réparation s’impose afin que le deuil puisse être observé. En un mot, je leur dirai que la gestion du pays DOIT ËTRE L'APANAGE de l’ensemble de ses enfants sans exclusive et que c’est la seule solution pour relever le défi du siècle par le mérite. Les conseils ne finissent pas puisque tout est à refaire dans ce pays au mille poètes.
6°) Boolumbal.org : Ces dernières années, quelques fissures sont apparues dans la relation stable des associations. Comment vivez-vous ce phénomène ?
DMY: Plus qu'un phénomène, c'est une consternation!Vivre la désunion, la dispersion de nos moyens face aux injustices et à l'arbitraire que nous avons connus me semble naturellement absurde, incompréhensible voire révoltante. Je n'ai nullement l'intention de polémiquer à travers votre question mais je suis soucieux de vous apporter un éclairage. Faut-il alors revenir sur l’historique de nos associations de droits de l’homme en Europe et plus particulièrement celles de la France?
C’est le 25 novembre 1995 que l’AVOMM a été créée par moi-même avec quatre de mes amis et anciens militaires ici présents en Europe, afin de pouvoir concentrer nos moyens et nos efforts contre l’impunité et venir en aides aux veuves et orphelins de militaires. Elle a eu donc à accueillir tous ces anciens militaires et contribuer à l’acquisition de leurs statuts de réfugiés politiques, ce qui n'est pas faux car ils le sont véritablement. En Août 2000, une mésentente d’une très grande ampleur est apparue en son sein. Lors de l’acquisition du statut de réfugié du colonel Baby Housseynou, il nous a été reproché tout en indexant notre direction d’avoir joué un rôle important en ce sens. Alors, pour préserver mon honneur en tant Secrétaire général, j’ai démissionné du bureau, puis suivi par trois de mes amis de combat dont Feu Dia Ousmane, paix à son âme! Choqués par cette accusation gratuite qui n'a aucun fondement, nous avons vite créé officiellement le 03 octobre 2000 l’OCVIDH, et nous avons continué à travailler en parallèle sans aucune animosité malgré que le divorce fût très dur voire invraisemblable. Fort donc de cette expérience à la fois amère et périlleuse, je pensais à mon humble avis et conviction personnelle que c’était fini et que plus jamais ces genres de situation ne pouvaient nous arriver et c’est d’ailleurs cette analyse qui m’a conduit à insérer dans nos statuts et règlement intérieur la présidence tournante entre les quatre membres fondateurs de l’OCVIDH, pour pouvoir éviter toutes infiltrations du pouvoir de Taya, que nous soupçonnons sur notre division précitée. Pourquoi vivons-nous encore une autre division? C'est simple à expliquer: toute association est régie par des statuts et règlement intérieurs, elle est régulée par un bureau exécutif et ses décisions importantes sont décidées très souvent par un bureau et validées par une assemblée générale surtout quand il s’agit d’une assemblée de victimes, d'où la question de génocide, de tortures et autres violations des droits les habitent.
Alors on ne peut faire d’impasse sous quelque motif que ce soit pour aller parler au nom d’une ONG sans mandat ni de son bureau ni de son assemblée de victimes. On ne pouvait donc absolument jamais accepter de vendre l’OCVIDH à la démagogie d'un dirigeant ni sa manière de vouloir saborder le règlement dudit passif humanitaire. Je pense que l’histoire nous donne totalement raison sur cette question et les langues commencent à se délier. La sagesse aurait prévalu si une concertation avait eu lieu auparavant. L’emballement, la précipitation, les coups bas et les campagnes de dénigrement dont j'ai été victime tout cela pour revenir à la case départ sont désastreuses et honteuses pour la communauté Noire. Sachons que les ONG que nous avons créées ne nous appartiennent plus. Elles appartiennent à toutes les victimes et à tous ceux qui nous aiment et nous soutiennent mauritaniens et autres nationalités. Comment je vis ce "phénomène"? Je le vis très mal, en tant que militant de droits de l’homme et victime. Je le vis très mal surtout venant des amis que j’ai côtoyés et avec qui j'ai partagé beaucoup d'intimités et entendre nos enfants nous poser des questions de savoir où se trouve untel ou untel est une situation embarrassante et intenable. Hélas « l’histoire d’une vie c’est l’histoire d’un échec » tant que la roue de l’histoire continuera à rouler, nous nous croiserons inéluctablement et d’ailleurs c’est chose faite puisque le général Abdel Aziz a fini par rouler tout le monde dans sa farine et il ne restera qu’à nous, malheureusement, de chercher à recoller les morceaux et c’est dommage pour la cause que nous défendons depuis belle lurette.
Ce problème que j’évoque sur l’OCVIDH est malheureusement le même à la CAMME, voire dans différents mouvements et partis politiques, c’est dire que la politique de diviser pour mieux régner du général et avant lui d'autres a bien marché partout.
Il ne reste qu’à nous d’ouvrir un nouveau pan du combat et comprendre les enjeux nationaux, pour éviter ainsi des aventures peu productives pour la communauté des victimes et la Mauritanie dans son ensemble. Comme on dit"mieux vaut tard que jamais"
Je ne finirai pas ce sujet sans m'incliner devant la mémoire de nos frères et amis que sont Murtudo JOOP, Saidu KÂNE et Usman JAH, qui nous ont quittés en nous laissant dans nos divisions inutiles. Qu’avons-nous alors à la place du cœur ?
7°) Boolumbal.org : Pensez-vous qu’il faille travailler dans le sens d’un rapprochement des associations ?
DMY : Je pense que la tentative de rapprochement des associations est une excellente chose! Faut-il le rappeler que cela a eu le mérite d’être tenté au moins deux fois par mes soins. Concrètement, lors de la création informelle de la CAMME le 17 septembre 2005, juste après le procès d’Ely Ould Dah et du coup d’état du 03 Août 2005 contre le génocidaire Taya, nous avons convié tous les anciens militaires et corps constitués, tout grade confondus à un rassemblement autour de cette structure malgré nos associations respectives pour mieux sceller notre combat et dégager les pistes du règlement du passif imputé à nos tortionnaires. Malheureusement, les champions de la division ont trouvé les moyens de torpiller et de travestir cette idée géniale qui nous aurait aujourd’hui évités l’effritement et le désordre que nous connaissons. La création de la CAMME n’était destinée ni à détruire les associations existantes ni à leur faire ombrage puisqu’elle était au début informelle pour être à la suite officielle sous l’insistance des autorités Françaises, vu le caractère des réunions tenues dans différents lieux publics. Un autre cas concret de la tentative de rapprochement fut la rédaction par le Comité de Suivi et de Gestion des Préjudices (CSGP) d’un rapport rédigé par un éminent avocat Maître Touré Moctar, en ayant pris au préalable le temps d’y fédérer toutes les associations, mouvements et partis politiques. D’ailleurs ce rapport a été victime de son succès puis remis au Président de l’époque Sidi Ould Cheikh Adallahi, qui au moins a tenu à associer la diaspora aux journées de concertation qui ont eu lieux en octobre 2008 à Nouakchott.
C’est dire combien la tâche était difficile! Ce comité avait été saboté aussi à son tour alors qu’il établit dans son rapport les auteurs des crimes, les villages vidés de leurs habitants pendant les déportations, les noms des rescapés victimes, les noms des militaires assassinés dans les camps de torture, la pratique de l’esclavage et le même rapport dégageait des pistes pour le règlement du génocide Mauritanien.
Alors toutes ses tentatives d’harmoniser nos volontés de combat face à l’impunité, d’inventorier nos doléances pour entreprendre ensemble des décisions, de pouvoir parler d'un seul langage n’a pas été complètement possible, puisqu’il y avait toujours une ou deux organisations qui se désolidarisaient de l’initiative et je pouvais encore prendre d’autres exemples comme la création de FNDD-France pour dire non et tous ensemble suite au putsch honteux du général Aziz. Et j’en passe…
Je pense comme vous que cette guerre des petites chapelles doit cesser, les mises en scène doivent cesser, la tentation d'être au devant de la scène pour le simple plaisir d'apparaître devant les projecteurs doit être bannie. La cause que nous servons est supérieure à nos considérations personnelles! Sans cohésion ni harmonie, sans une vraie concertation autour de nos problèmes fondamentaux, les autorités useront toujours de la carte de la division et de la supercherie pour faire voler en éclats nos revendications légitimes de justice, de mémoire et de réparation. Et toutes ces divisions ne peuvent être profitables qu’aux gestionnaires des cimetières d’Inal, de Jreida, d’Azlat, de Mbeika etc.
J’adhère à cette question de rapprochement mais avec beaucoup plus de sérieux. Chanter l’unité alors qu'il y'a des divisions et pour revenir à chaque fois à la case départ n’est pas un bon héritage que nous laissons aux générations futures.
Je citerai Albert camus qui disait « le malheur qu’il y a dans le monde provient souvent de l’ignorance, la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté si elle n’est pas éclairée », sur le plan moral, socioculturel, scientifique ou technologique, toute bonne volonté non éclairée nous conduit aux catastrophes. Que Dieu nous en préserve !
8°) Boolumbal.org : Que pensez-vous en tant qu’ancien officier de l’armée de cette école militaire qui a ouvert ses portes en Mauritanie et dont l’immense majorité des élèves est issue de l’ethnie maure ?
DMY : Une armée républicaine devrait être le creuset de l’unité nationale. Elle aurait pu être ce laboratoire pour créer les conditions d’une unité nationale. Elle fut autrement lors de la guerre du Sahara. Quelques décisions racistes et des commandements sur le terrain employaient des missions suicidaires où seuls les soldats Noires étaient sélectionnés pour leur exécution. Et ces soldats n’avaient pas constaté cet état de fait car motivés par la seule idée de défendre la Mauritanie, leur patrie. Puis arrive comme chef de l’armée, le colonel Ould Taya le 12 Décembre 1984 et dès 1985, il trouve l’astuce et l’imagination de marginaliser très progressivement les Négro-africains en les privant de tous les bons postes de commandement, les réduisant à la subordination quel que soit leur grade ou à des postes de second rôle ou les mutant dans les zones désertiques les plus reculées pour créer le découragement ou l’abandon du métier. Dès 1985, dans notre armée, il était courant de voir un soldat Arabo-Berbère désobéir son chef ou refuser de respecter les consignes puisqu’il se sent protégé par sa tribu ou son cousin lambda à l’état major national. Cette dégradation de la situation s’est poursuivie progressivement.
En octobre 1987, pour avoir tout simplement cogité sur la possibilité d’un changement, pour avoir commencé à subir de grosses injustices du commandement qui est devenu sourd et muet aux demandes et réclamations, le 06 Décembre 1987, trois officiers noirs furent exécutés à l’issue d’un procès inique et d’autres emprisonnés avec de lourdes peines disproportionnées. D’autres ont été purement et simplement remerciés de l’armée comme des malpropres, d’autres réintégrés pour être suivis au quotidien comme du lait sur le feu par le 2ème bureau des renseignements généraux de l’état. Il fallait que le colonel finisse pour de bon son épuration au sein de l’armée, dès septembre 1990, l’alibi d’un autre complot de Négro-africains sur toute l’étendue des régions militaires est brandi, c’était le summum des violations et des purges, plus de 534 militaires assassinés et pendus et plus de 3500 radiés de l’armée, tous souffrent jusqu’à nos jour des séquelles de tortures.
. Déjà la discrimination commence aux concours d’entrée à l’EMIA (école militaire inter arme d’Atar), il suffirait de prendre la liste des promotions qui y défilent pour mieux comprendre l’enjeu et le rôle discriminatoire que joue l’armée dans les mentalités et les rapports économiques socioculturels et politiques de la Mauritanie peut être nous pourrons y revenir la prochaine fois.
Nos autorités à travers ces recrutements ethniques et tribaux veulent asseoir la domination d’une composante ethnique Arabo-Berbère sur les autres Négro-africains et Harratine et la création de ce lycée militaire destiné aux seules enfants des généraux, colonels, chefs tribu et autres privilégiés ou alliés du pouvoir n’est rien d’autre que l’illustration de vouloir pérenniser le pouvoir militaire et de préparer leur ascendance à la relève .C’est honteux que l’on fasse la différence dans mon pays entre le fils de l’éleveur Demba à celui du Général Mohamed, c’est inacceptable et moralement incompréhensible.
Les méthodes de purification ethnique citées plus haut amènent les généraux de manière subtile à jouer avec le jeu, en créant cette école monocolore, qui servira de lieu de sensibilisation , de conscientisation , et d’explication du danger , du diable, du voisin venu d’ailleurs , ce qui malheureusement n’a pas réussi en Afrique du Sud, en côte d’Ivoire ou au Rwanda ne pourra réussir nulle part ailleurs dans le monde.
Cette école est discriminatoire, elle devait appartenir au peuple, on devait y accéder par le mérite et non par le clientélisme, le népotisme et d’autres considérations injustifiées.
. Je ne peux que m’insurger contre cette école de la honte, dont mon ami Biram Ould Dah Ould Abeid de l’IRA en Mauritanie qui, par sa voix et son aura, se bat pour qu’elle devienne l’école de la république et non celle des généraux ou des tribus.
9°) Boolumbal.org : Une dernière question. Que préconisez-vous pour éradiquer ce mal qu’est l’esclavage en Mauritanie ?
DMY : L’esclavage est l’un des fondements sur lequel les pouvoirs successifs s’appuient pour se maintenir au pouvoir et cette catégorie de gens, féodaux, tribalistes, ne veulent pas très honnêtement de l’éradication de l’esclavage et c’est pourquoi, nous assistons à la non application des ordonnances et décrets. Il ne sera jamais dans leur programme de l’éradiquer, c’est pourquoi à nous militants des droits humains de prendre notre courage en main pour casser les chaînes de l’esclavage en Mauritanie car si la démocratie avait été une réalité en Mauritanie, un homme, une voix, cette couche qui représente plus de quarante pour cent de la population aurait changé la tendance. Pour éradiquer ces phénomènes inhumains et dégradants, d’une autre époque, il serait souhaitable pour tous que des structures d’accueil soient trouvées permettant de couper tout lien entre ces maîtres esclavagistes et leurs esclaves et permettre leur insertion professionnelle par la formation l’éducation, la sensibilisation mais dans une totale liberté d’entreprendre et décider.
Trouver des moyens avec un personnel qualifié et de bonnes moralités pour le suivi et l’accompagnement de cette population éprouvée.
Demander par l’arbitrage des ONG nationaux et internationaux, la mise en place des arsenaux juridiques pour poursuivre tous les criminels. Classer dans notre juridiction la pratique de l’esclavage comme un crime. Décréter sur le plan national, une journée de lutte contre l’esclavage
Exiger la volonté politique face au phénomène et permettre aux ONG de porter plainte sans aucune obstruction ni ingérence de la part de l’état.
En réalité les idées ne manquent pas ni les moyens humains pour venir à bout de cette pratique honteuse, c’est bien la volonté politique qui fait défaut, je ne finirai pas cette question sans rendre hommage à mes amis de l’IRA, de AHME et de SOS esclaves et aux FLAM pour le travail abattu pendant ces dernières années et à abattre dans les années à venir pour une éradication définitive de cette question honteuse et gênante pour notre pays. Nous y arriverons inchaallah.
10°) Boolumbal.org : Un dernier mot ?
DMY : D’abord, un grand merci à votre site de m’avoir donné la parole et vous souhaite longue vie sur la toile.
Ensuite, avant de vous quitter, je fais un appel à tous les militants des Droits Humains sur la possibilité de leur présence au forum social qui aura lieu l’année prochaine très exactement le 6 février 2011 à Dakar. C’est l’occasion, à la porte de la Mauritanie, sous le regard des centaines de déportés Mauritaniens de venir dénoncer les conditions indignes de leur retour, sa lenteur et le traitement inhumain de leurs dossiers
En fin, je lance un appel à tous ceux qui ont été embarqués dans le navire de la démagogie du Général, de comprendre que notre combat est loin d’être fini et de revenir à la raison. Il n’y a pas de fatalité à se tromper mais le plus important est de se ressaisir. Nous devons travailler pour le bien de la Mauritanie de demain. Notre pays aura besoin de tous ses enfants Arabo-Berbères, Harratine et Négro-Africains
Voyons ce qui se passe en côte d’Ivoire. Même une armée si républicaine soit elle, ne peut sauver UNE SITUATION QUI LA DEPASSE. La Mauritanie est notre pays que nous aimons tous et que nous chérissons. A nos dirigeants de prendre le destin de notre pays avec sérieux et patriotisme, en le mettant dans le chemin de la démocratie et du mérite. Il serait alors temps que le pouvoir suive le chemin de la sagesse, de l'entente entre tous les citoyens. Le racisme et la mauvaise gouvernance ne peuvent tenir pour méthode de gestion d’un pays.
Au moment où je boucle les réponses aux questions, je viens d’apprendre, à même temps que la Diaspora mauritanienne en Europe, avec consternation, l’arrestation de notre compatriote et frère Biram Ould Dah Ould Abeid, Président de l’IRA- Mauritanie par la police mauritanienne et selon les informations qui nous parviennent de la Mauritanie, il se trouve blessé à cause des brutalités policières dont il a été victime.
Quel message veut nous envoyer le régime du Général Aziz ? Assurément, la violence et le retour des vieilles méthodes de son mentor Maawiya Ould Sid ’Ahmed Taya.
Nous condamnons cette arrestation et exigeons la libération sans condition de notre compatriote Biram Ould Dah Ould Abeid
Que Dieu sauve mon pays !
Propos recueillis par SARR Abdoulaye Demba Sarr