Dans le « mal écouté », il y’a le « mal dit » et le « non dit »: Réponse à un compagnon de lutte de Conscience et Résistance (CR), un peu oublieux…



Dans le « mal écouté », il y’a le « mal dit » et le « non dit »: Réponse à un compagnon de lutte de Conscience et Résistance (CR), un peu oublieux…

Dans sa réponse à un passage de mon interview au journal sénégalais «Le Nouvel Horizon» en date du 7 mai, mon compagnon de lutte et Porte-parole de Conscience et Résistance, El Arby Ould Saleck m’accuse d’avoir imputé à leur organisation «la préméditation du Coup d’Etat du 6 août 2008 et une certaine ambigüité».

Il y’aurait donc eu «malentendu» entre nous dû au fait, probablement, que je les aurais «mal écouté», comme l’indique le titre de sa réponse.Tout en réitérant mon jugement sur le caractère patriotique et démocratique de CR, qui explique notre très long compagnonnage –qui date de la fin des années 80 et s’est poursuivi sans relâche-

Et auquel je tiens tout particulièrement pour diverses raisons, le devoir m’impose de redire ici ce que j’ai affirmé dans ladite interview : CR a cultivé l’ambigüité à propos de ce Coup d’Etat insolite et inacceptable à tous points de vue.


Si je me suis trompé en l’affirmant, la réponse de M. El Arby ne l’a pas démontré. Bien au contraire, il m’a conforté dans mes impressions non sur la «duplicité» de mes amis (ce que je n’ai pas dit) mais sur la confusion totale dans laquelle CR s’est laissé piégée, avant et après le putsch.

La réponse du Porte-parole de CR confirme officiellement leur participation à la «fronde parlementaire» qui a débouché sur le putsch des Généraux. «L’Organisation engagera ses modestes capacités d’influence, à susciter une crise au sommet de l’Etat, par la démission du Président de la République, sous la pression de la fronde parlementaire et de la rue.» dit-il sans ambages. C’est clair et c’est net.

Comment cette organisation qui n’a pas de députés peut elle en arriver à susciter cette «crise au sommet de l’Etat» (en dehors de la rue, bien silencieuse durant toute cette période) «sous la pression de la fronde parlementaire». Mystère ! Pour ma part, je ne vois que l’usage par l’organisation, de ses fameuses et redoutables «modestes capacités d’influence» ayant abouti à une alliance au moins objective avec les «frondeurs».

Pour parvenir à la «démission du Président de la République», M. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah, CR aura donc nécessairement frayé avec les frondeurs, ces autres «mécaniciens et appariteurs zélés de la dictature de Ould taya», cette «gent nocive que deux décennies de népotisme gras ont enracinée en la «Mauritanie des profondeurs» pour reprendre les terrifiantes formules du Porte-parole.

Cette contribution à la fronde, moralement très importante, n’est pas, pour M. El arby, une participation au Coup d’Etat (que je ne leur ai jamais imputé dans l’interview, soit dit en passant). Car, nous assure t-il, «A aucun moment, il n’a été question d’un coup d’Etat militaire, donc non plus d’un concours à ce dessein». Don’t act. Personnellement, je crois en la sincérité d’une telle assertion. Mais quelle naïveté ! Quelle énorme et tragique naïveté !!

La «Fronde» elle-même fut une tentative de coup d’Etat civil ! Une tentative qui, parce qu’elle a lamentablement échouée, s’est muée en Coup d’Etat militaire. Deux séquences d’une même rubrique, deux moments d’une même triste histoire : celle d’une «démission forcée» du Président de la République, initiée par des soutiens «indépendants» devenus ses pires ennemis en l’espace d’une crise de confiance -et alliés conjoncturellement à des adversaires politiques traditionnels dont le RFD et CR, animés par bien d’autres motifs, bien entendu.

Bien sûr, la thèse de l’ «accident» pour justifier la mutation du putsch civil en putsch militaire, défendue par M. Ould Abdel Aziz lui-même lors de sa toute première intervention publique est non seulement plausible mais même probable. Mais, du point de vue historique, elle est anecdotique : ce qui importait c’était le renversement du Président élu, son départ avant fin mandat, que ce soit par la voie parlementaire (démission), judiciaire (Haute Cour de justice) ou militaire (putsch).

J’ai bien peur que parmi les «modestes moyens d’influence» dont a pu user CR pour aider au renversement de SIDIOCA, figure notamment, en pleine Fronde, l’intervention massive et nocive de la fameuse député verte Mme Isler beguin venue prêter main forte aux frondeurs, en pleine crise, par l’ isolement du Président légitime, en critiquant d’avance, tout usage par ce dernier, de la seule arme politique, juridique et morale dont il disposait pour disperser ses adversaires et mettre un terme (au moins provisoirement) à son encerclement : la dissolution du Parlement.

Car Mme Isler Béguin jouera un rôle de premier plan, aux côtés du Président d’alors de CR, pour isoler diplomatiquement le Président parmi les élus européens et, au-delà , au sein d’une partie de l’opinion publique bien-pensante européenne, à côté probablement de certains représentants diplomatiques accrédités à Nouakchott . Ayant été dissuadé, de toutes parts, de dissoudre (y compris par la Françafrique et ses avatars), le Président sera contraint d’utiliser la seule et ultime arme à double tranchant dont il disposait alors : le limogeage du Généralissime et de ses autres collègues.

Aujourd’hui, 9 longs mois après le Coup d’Etat militaire, je ne doute pas de la détermination de CR à lutter contre lui. Mais cette détermination n’a pas été aussi constante que l’affirme M . El Arby. Et les choses ont changé tant dans l’ «assurance» des putschistes à rester au pouvoir que dans l’ampleur de la résistance populaire au coup de force.

Lorsque les Généraux se sont emparés en définitive du pouvoir, CR a sorti un communiqué en date du 11 août 2008. On y retrouve, certes, une condamnation formelle du coup d’Etat, une «condamnation de principe» dont l’ancien Président de CR dira, à propos de celle émanant de la communauté internationale, «nous (la) comprenons». Là n’est pas l’essentiel car qui, de nos jours, ne condamne pas, par principe, un Coup d’Etat ?

Mais on y retrouve surtout une défense et illustration des thèses frondeuses des putschistes qui explique, plus que tout, en quoi, la condamnation par CR, du putsch en lui-même, n’était et ne pouvait être que symbolique.
En une phrase bien sentie, tout y passe en matière d’insulte politique et de diffamation de droit commun, concernant le Président de la république et sa famille.

Le Président y est décrit, par un groupe se déclarant par ailleurs, une organisation de Justes, comme «faible et têtu (qui) voulait à la fois la paix intime, protéger sa famille d’une éventuelle enquête en enrichissement illicite, satisfaire aux exigences des Généraux qui l’ont crée et s’émanciper vite d’eux, par l’alliance avec les symboles les plus décriés de la corruption.».
Le Président, affecté d’une «lente fracture dans (sa) personnalité» est seul responsable de la « logique de confrontation » avec les frondeurs, en raison de «l’influence de son épouse et de quelques fidèles et parents de l’ancien Président, le colonel Ould Taya aujourd’hui exilé au Quatar.». M. Baba Tandia ne pouvait être plus direct dans la mise en cause injuste de l’intégrité morale d’autrui…Cette prise de position politique, raffinée par une analyse psychologico- psychanalytique pointue du Président légitime rejoint à tout point de vue celle de l’aile Roummouz El vessad des frondeurs.
Par conséquent, y fait défaut toute mention des ambitions personnelles de ces derniers, y compris de celle du Général Aziz, dont le profil, curieusement, est toujours systématiquement passé sous silence, par une organisation qui passe pour avoir, d’après son porte-parole, «vocation d’avant-garde (et) revendique, sur le mode explicite du défi, l’irrévérence envers les idées reçues, les tabous, la morale des préjugés et l’onctuosité électoraliste.» Etc. Etc. Etc.

En vérité, la position de CR a consisté, à sa manière, à prendre acte du Coup d’Etat, comme le reflète sa seule revendication d’après putsch : l’organisation, par la junte, d’élections libres et démocratiques, en dehors de toute candidature de l’un de ses membres, car «En Afrique qui apprête l’urne en détermine le contenu», dit le communiqué précité.

La page du Président légitime était donc ainsi définitivement tournée, en un tournemain. Plus tragiquement, le fait de savoir si une élection après un coup d’Etat contre le Président légitime pouvait donner à ses tombeurs le droit d’organiser de telles élections, ne se pose même pas à CR.

Il n’était pas question de rétablissement de l’ordre constitutionnel bafoué et, en conséquence, de retour, même momentané du Président légitime. D’ailleurs, le «seul» problème sérieux que posait à CR l’existence du HCE comme instance suprême de la junte était sa composition et non la légitimité même de cette existence… Aussi CR demande t-elle au HCE «de se départir de membres présumés tortionnaires sous peine d’accentuer l’isolement de la Mauritanie et de provoquer des poursuites en justice, contre l’ensemble de la junte…».

Le HCE et a fortiori les ministres, n’est donc pas en cause mais seulement ceux qui sont internationalement «grillés».Corriger la «Correction», en somme…
J’ai enfin la faiblesse de persister à croire que la position activement pro-frondeuse de l’ancien Président de CR et le déphasage de la réaction de l’organisation vis-à-vis de sa participation au gouvernement des putschistes a été de nature à alimenter l’impression non de duplicité mais d’ambigüité qui entoure la position de CR dans ce coup d’Etat, jusqu’au jour récent où l’organisation s’est définitivement séparée de ce dernier et a appelé en substance à résister par tous les moyens pacifiques, sans rien faire contre une éventuelle insurrection.

Mais CR étant une organisation libre et démocratique, il est remarquable que son Président a tout juste été «déchu de la charge de Président de CR, le 2 septembre 2008» ( tout en demeurant membre !), nonobstant le fait, notoire, à Nouakchott qu’il «frayait» publiquement avec les putschistes dès avant l’arrivée au pouvoir des militaires, et très certainement avant sa nomination au Commissariat très stratégique des droits de l’homme.

Mais, pire, ce n’est que le 28 Avril 2009 (soit 7 mois après sa nomination !) que CR «clarifie le statut , jusque là ambigu, de Mohamed Lemine Ould Dadde, actuel Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile», pour reprendre Taquadoumy du 24 avril 2009, après la déclaration l’excluant «sans appel» de l’organisation…

Voilà les quelques commentaires que m’inspire la réaction du porte parole de CR concernant la portée de ce que j’ai pu dire dans l’interview avec le journaliste sénégalais avec lequel, je le rassure, il n’ya, connivence ni implicite ni explicite. Ce dernier m’a fait l’honneur de me poser des questions dont une concernant CR. Je n’ai pas eu besoin de «forcer» l’histoire pour y répondre.

Nul ne sait de quoi demain pourrait être fait. Mais je prends pour argent comptant ce que le porte-parole de CR affirme en creux, en forme déguisée de défi sur le mode «haa yeeso ko laawol»(qui vivra verra)que de leur côté, ils ne finiront pas «par entériner le fait accompli, sous le prétexte –devenu réflexe- de préserver la paix civile, même au prix « graduel », de la résignation « consensuelle et processuelle». Quant au reste, en définitive, c’est par l’action et non par des sentences même spirituellement allusives, que se lève l’ambigüité.

Source: Flamnet


Mardi 19 Mai 2009
Boolumbal Boolumbal
Lu 467 fois



Recherche


Inscription à la newsletter