Samedi 30 novembre 2024, à Paris, une foule noire de mauritaniens, bien organisée et compacte, s'affaire, place Trocadéro, à déployer ses banderoles dénonçant l'impunité en Mauritanie après le génocide contre les peuls perpétré de 1989 à 1991.
Les manifestants ont bravé le froid pour venir commémorer la pendaison à INAL, camp de concentration dans le Nord du pays, de 28 soldats peuls sur ordre d'une junte dont la chaîne de commandement avait été entièrement arabisée après une 1ère purge ethnique opérée en 1987.
Les organisateurs pendaient symboliquement au cou des premiers arrivés une corde portant la photo d'un martyr, faisant ainsi revivre cette horrible nuit du 27 au 28 novembre 1990 où des soldats noirs, pris au hasard, furent numérotés au feutre de 1 à 28, comme du bétail, avant qu'on leur passe la corde au cou.
Ces martyrs, étouffés, tressautaient devant leurs bourreaux cruels jusqu'à plus d'air dans les poumons. ils ont été éternellement réduits au silence parce qu'ils étaient NOIRS et NON ARABES. Dans ce camp de l'horreur, près de 300 militaires peuls seront assassinés. Non à l'oubli de tous les martyrs du Génocide. Une déclaration a été distribuée aux participants et aux passants.
Le cortège s'est ébranlé vers 15:45. La junte avait instruit les forces de l'ordre françaises pour interdire à des manifestants pourtant pacifiques l'accès à son ambassade, un aveu de sa culpabilité, de son refus de toute confrontation avec les victimes et les ayant-droits. Dans ce cas, pourquoi continuer à poster des doléances dans leur boîte aux lettres sise rue Montevidéo ?
L'arrière du cortège était très prisé par les historiens. Ibrahima Abou Sall, Ibrahima Wélé, Sammba Jah... de l'arrière ils voyaient toutes les formes de devoir de mémoire qui s'accomplissaient sous leurs yeux. Du silence aux slogans criés avec force à l'avant. Justice! Justice ! Pas de pardon sans coupable ! Moawiya assassin! Ghazouani complice!...
Le ridicule ne tue pas! Le Général-Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, qui nie mordicus les exécutions extrajudiciaires et les graves violations de Droits Humains en Mauritanie, était invité ce 1er décembre à Dakar pour commémorer le massacre en 1944 de tirailleurs sénégalais par la France. Et pourtant le camp d'INAL est un autre camp de Thiaroye: des militaires enfermés dans une caserne, lâchement assassinés par leur propre armée.
Kiwoowo yiyataa ɗi mum!
Pourquoi répondre aux appels à manifester ?
Participer aux manifestations de la Diaspora en Europe ou aux États-Unis peut être très efficace pour mettre en échec les violentes répressions à l'intérieur du pays de personnes souhaitant signifier leur deuil en souvenir d'INAL. Respect à Thomas Diallo, à Bababé et toutes les villes où il y a des résistants.
Il a été suggéré par certains manifestants de ne pas trop s'appesantir sur Ghazouani, Meguett ou d'autres noms de mortels, cela peut éloigner de l'essentiel, à savoir l'accomplissement des devoirs de Vérité, de Mémoire, de Justice et de Réparation
Durant la marche, il y a eu quelques digressions politiques sans incidence sur le principal objet de cette belle manifestation: marquer le deuil à chaque 28 novembre en souvenir des 28 pendus à INAL. Et, par extension, en mémoire de tous les morts du génocide. Félicitations aux organisateurs vu la mobilisation et la présence d'importantes figures de la diaspora.
Pour la commémoration INAL en 2025, si voulez avoir le portrait d'un martyr autour du cou, tâchez de venir dès... 14:00!
3 décembre 2024
Sammba NDEET
Paris, France
INFORMATION
Il y avait une ambiance trop festive au Trocadéro, non propice au deuil et au recueillement. C'est pourquoi le départ de la manifestation mauritanienne du 30/11 était environ 100 mètres plus loin. Toujours bien chercher les drapeaux du regard.
Cet article était participatif, i.e des participants à la manifestation ont contribué à la collecte de données relatives à l'événement et l'ont partagé avec l'auteur. Remerciements à tous les contributeurs, en particulier à Kadia Sow et Dinawoury pour la haute qualité de leurs images.
NOTES
Pour avoir une idée de l'ampleur du génocide, il est recommandé de lire le livre-référence qui traite l'épuration ethnique au sein des forces armées et de sécurité. "L'ENFER D'INAL. Mauritanie: l'horreur des camps" est paru en 2000 aux éditions L'Harmattan. Mahamadou Sy, l'auteur, était présent à la manifestation. Il a rendu possible le 1er pèlerinage à INAL en 2011, retrouvant sans mal les lieux du drame, bien que le camp ait été transformé/déguisé en terrain de foot. Ce rescapé militaire de la 2ème purge ethnique au sein de l'armée (1990-1991), grâce à une mémoire phénoménale et une plume rigoureuse, a su retracer l'Enfer vécu par les prisonniers dans cette sinistre caserne. Son œuvre, d'une grande honnêteté intellectuelle, est une preuve factuelle du génocide contre les peuls. Ne pas oublier le bilan civil: des centaines de morts et au moins 120 milles noirs non arabes déportés vers le Sénégal et le Mali.
Le Colonel Moawiya Ould Sid'Ahmed TAYA, chef de la junte de 1984 à 2005, est le principal responsable du génocide. Après une révolution de palais, il a été exilé au Qatar. Suite à la défaite en 1991 de Saddam Hussein, son soutien pour l'expansion de l'idéologie supremaciste arabe visant la dénégrification du pays, TAYA revient dans le giron de la France. Pour plaire au Président François Mitterrand, il se conforme au discours de la Baule en troquant son treillis militaire contre un costume de faux démocrate. C'est cette métamorphose de Chef d'état-major en Président civil qui persiste encore en Mauritanie.
Le Général Mohamed Ould Cheikh GHAZOUANI, artisan de l'arabisation totale de l'Armée Nationale dont il était Chef d'État-major, a été élu Président en 2019. Il n'est répertorié dans aucune liste de tortionnaires ou assassins mais une dizaine de jeunes noirs ont été tués durant son règne, dont 5 dans la seule ville de Kaédi. Précisons que depuis la démocratisation de façade opérée en 1991, c'est toujours le candidat des trois États-majors qui gagne l'élection présidentielle. GHAZOUANI s'est ainsi fait réélire en 2024 pour un second et dernier mandat, sauf coup d'Etat. Il a à son actif deux putschs réussis (2005 et 2008). Les militaires seront difficiles à déboulonner par les urnes car ils contrôlent tout le processus électoral, de la commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) à la proclamation des résultats définitifs par le Conseil Constitutionnel.
L'expression complète est "Kiwoowo yiyataa ɗi mum! Yiyata ko ɗi keediiɗo mum", équivalent du proverbe français "il voit la paille dans l'œil de son voisin, mais pas la poutre dans le sien". Cette expression pulaar veut dire : "celui qui chasse les oiseaux qui dévastent les champs des autres ne voit pas ceux qui attaquent son propre champ". Le Général GHAZOUANI a préféré chasser avec sa fronde les oiseaux du Sénégal et du Rwanda, laissant ses champs du génocide mauritanien en friche.
VIDÉOS ET REPORTAGE PHOTO...
Les veuves Diari TOUMBO et Fatim BA réclament la ...JUSTICE ! https://youtube.com/shorts/Wh9obLK-XTI?si=r0W3yhXIM4mEKkBQ
Les manifestants ont bravé le froid pour venir commémorer la pendaison à INAL, camp de concentration dans le Nord du pays, de 28 soldats peuls sur ordre d'une junte dont la chaîne de commandement avait été entièrement arabisée après une 1ère purge ethnique opérée en 1987.
Les organisateurs pendaient symboliquement au cou des premiers arrivés une corde portant la photo d'un martyr, faisant ainsi revivre cette horrible nuit du 27 au 28 novembre 1990 où des soldats noirs, pris au hasard, furent numérotés au feutre de 1 à 28, comme du bétail, avant qu'on leur passe la corde au cou.
Ces martyrs, étouffés, tressautaient devant leurs bourreaux cruels jusqu'à plus d'air dans les poumons. ils ont été éternellement réduits au silence parce qu'ils étaient NOIRS et NON ARABES. Dans ce camp de l'horreur, près de 300 militaires peuls seront assassinés. Non à l'oubli de tous les martyrs du Génocide. Une déclaration a été distribuée aux participants et aux passants.
Le cortège s'est ébranlé vers 15:45. La junte avait instruit les forces de l'ordre françaises pour interdire à des manifestants pourtant pacifiques l'accès à son ambassade, un aveu de sa culpabilité, de son refus de toute confrontation avec les victimes et les ayant-droits. Dans ce cas, pourquoi continuer à poster des doléances dans leur boîte aux lettres sise rue Montevidéo ?
L'arrière du cortège était très prisé par les historiens. Ibrahima Abou Sall, Ibrahima Wélé, Sammba Jah... de l'arrière ils voyaient toutes les formes de devoir de mémoire qui s'accomplissaient sous leurs yeux. Du silence aux slogans criés avec force à l'avant. Justice! Justice ! Pas de pardon sans coupable ! Moawiya assassin! Ghazouani complice!...
Le ridicule ne tue pas! Le Général-Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, qui nie mordicus les exécutions extrajudiciaires et les graves violations de Droits Humains en Mauritanie, était invité ce 1er décembre à Dakar pour commémorer le massacre en 1944 de tirailleurs sénégalais par la France. Et pourtant le camp d'INAL est un autre camp de Thiaroye: des militaires enfermés dans une caserne, lâchement assassinés par leur propre armée.
Kiwoowo yiyataa ɗi mum!
Pourquoi répondre aux appels à manifester ?
Participer aux manifestations de la Diaspora en Europe ou aux États-Unis peut être très efficace pour mettre en échec les violentes répressions à l'intérieur du pays de personnes souhaitant signifier leur deuil en souvenir d'INAL. Respect à Thomas Diallo, à Bababé et toutes les villes où il y a des résistants.
Il a été suggéré par certains manifestants de ne pas trop s'appesantir sur Ghazouani, Meguett ou d'autres noms de mortels, cela peut éloigner de l'essentiel, à savoir l'accomplissement des devoirs de Vérité, de Mémoire, de Justice et de Réparation
Durant la marche, il y a eu quelques digressions politiques sans incidence sur le principal objet de cette belle manifestation: marquer le deuil à chaque 28 novembre en souvenir des 28 pendus à INAL. Et, par extension, en mémoire de tous les morts du génocide. Félicitations aux organisateurs vu la mobilisation et la présence d'importantes figures de la diaspora.
Pour la commémoration INAL en 2025, si voulez avoir le portrait d'un martyr autour du cou, tâchez de venir dès... 14:00!
3 décembre 2024
Sammba NDEET
Paris, France
INFORMATION
Il y avait une ambiance trop festive au Trocadéro, non propice au deuil et au recueillement. C'est pourquoi le départ de la manifestation mauritanienne du 30/11 était environ 100 mètres plus loin. Toujours bien chercher les drapeaux du regard.
Cet article était participatif, i.e des participants à la manifestation ont contribué à la collecte de données relatives à l'événement et l'ont partagé avec l'auteur. Remerciements à tous les contributeurs, en particulier à Kadia Sow et Dinawoury pour la haute qualité de leurs images.
NOTES
Pour avoir une idée de l'ampleur du génocide, il est recommandé de lire le livre-référence qui traite l'épuration ethnique au sein des forces armées et de sécurité. "L'ENFER D'INAL. Mauritanie: l'horreur des camps" est paru en 2000 aux éditions L'Harmattan. Mahamadou Sy, l'auteur, était présent à la manifestation. Il a rendu possible le 1er pèlerinage à INAL en 2011, retrouvant sans mal les lieux du drame, bien que le camp ait été transformé/déguisé en terrain de foot. Ce rescapé militaire de la 2ème purge ethnique au sein de l'armée (1990-1991), grâce à une mémoire phénoménale et une plume rigoureuse, a su retracer l'Enfer vécu par les prisonniers dans cette sinistre caserne. Son œuvre, d'une grande honnêteté intellectuelle, est une preuve factuelle du génocide contre les peuls. Ne pas oublier le bilan civil: des centaines de morts et au moins 120 milles noirs non arabes déportés vers le Sénégal et le Mali.
Le Colonel Moawiya Ould Sid'Ahmed TAYA, chef de la junte de 1984 à 2005, est le principal responsable du génocide. Après une révolution de palais, il a été exilé au Qatar. Suite à la défaite en 1991 de Saddam Hussein, son soutien pour l'expansion de l'idéologie supremaciste arabe visant la dénégrification du pays, TAYA revient dans le giron de la France. Pour plaire au Président François Mitterrand, il se conforme au discours de la Baule en troquant son treillis militaire contre un costume de faux démocrate. C'est cette métamorphose de Chef d'état-major en Président civil qui persiste encore en Mauritanie.
Le Général Mohamed Ould Cheikh GHAZOUANI, artisan de l'arabisation totale de l'Armée Nationale dont il était Chef d'État-major, a été élu Président en 2019. Il n'est répertorié dans aucune liste de tortionnaires ou assassins mais une dizaine de jeunes noirs ont été tués durant son règne, dont 5 dans la seule ville de Kaédi. Précisons que depuis la démocratisation de façade opérée en 1991, c'est toujours le candidat des trois États-majors qui gagne l'élection présidentielle. GHAZOUANI s'est ainsi fait réélire en 2024 pour un second et dernier mandat, sauf coup d'Etat. Il a à son actif deux putschs réussis (2005 et 2008). Les militaires seront difficiles à déboulonner par les urnes car ils contrôlent tout le processus électoral, de la commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) à la proclamation des résultats définitifs par le Conseil Constitutionnel.
L'expression complète est "Kiwoowo yiyataa ɗi mum! Yiyata ko ɗi keediiɗo mum", équivalent du proverbe français "il voit la paille dans l'œil de son voisin, mais pas la poutre dans le sien". Cette expression pulaar veut dire : "celui qui chasse les oiseaux qui dévastent les champs des autres ne voit pas ceux qui attaquent son propre champ". Le Général GHAZOUANI a préféré chasser avec sa fronde les oiseaux du Sénégal et du Rwanda, laissant ses champs du génocide mauritanien en friche.
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Les veuves Diari TOUMBO et Fatim BA réclament la ...JUSTICE ! https://youtube.com/shorts/Wh9obLK-XTI?si=r0W3yhXIM4mEKkBQ