Plus de 700.000 électeurs se rendus aux urnes pour le scrutin présidentiel du samedi 18 juillet dernier. Une population électorale répartie dans 2.514 bureaux dont 63 réservés à la diaspora.
Un vote qui s’est déroulé, globalement, dans le calme et la tranquillité, tant à Nouakchott que dans le reste des localités de notre vaste territoire national. Mohamed Ould Abdel Aziz, candidat de l’Union Pour la République, ancien chef de la junte et de l’Etat, suite au coup du 6 août 2008, a été déclaré vainqueur, dès le premier tour, avec 52,66% des suffrages, selon les résultats donnés, lundi, en début de soirée, par le ministre de l’intérieur et de la décentralisation, Mohamed Ould Rzeizim. Il est, de très loin, suivi par Messaoud Ould Boulkheir, candidat du Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD), avec un peu plus de 16%, et Ahmed Ould Daddah, du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) qui ne totalise que le maigre score de 13%.
Une victoire qui s’est dessinée, quelques heures après le vote, avec, notamment, une tendance, lourde et irréversible, bien avant le début officiel de la soirée électorale du samedi. Les premiers résultats avancés ont émanés de l’Union Pour la République (UPR), camp principal de l’ex-président du Haut Conseil d’Etat (HCE), qui attribuait, au champion de la «rectification», une confortable place de leader du peloton, dans une fourchette oscillant entre 52 et 57% des suffrages exprimés. Des chiffres confirmés par le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation (MID), plus tard dans la soirée et toute la matinée du dimanche, relayés par les médias d’Etat. Une tournure qui exclut tout deuxième tour, donné, pourtant, comme plus que probable, sur la base d’un fort éclatement des forces politiques, d’un vivier électorat relativement réduit et la présence, dans la course, de deux à trois autres candidats, présentés comme des poids lourds.
Présents à Nouakchott, les 320 observateurs de l’Union Africaine (UA), de la Ligue des Etats Arabes, de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) disent n’avoir décelé aucune anomalie outrancière. La presse nationale et internationale, fortement présente sur le terrain, a fait la ronde des bureaux de vote de Nouakchott, la plus grande circonscription électorale du pays, et n’a rien constaté, non plus, si ce n’est les «habituelles» tractations aux alentours des bureaux.
Des chiffres «surréalistes», pour les partisans de ses adversaires malheureux et de nombreux observateurs objectifs. Un résultat «logique», pour les affidés du candidat, qui manifestent leur grande joie, toute la journée du dimanche et une partie de la nuit suivante. La nouvelle de la victoire de l’ancien commandant en chef du Bataillon de Sécurité Présidentielle (BASEP), auteur de deux coups d’Etat, en 2005 et 2008, est accueillie par des défilés de véhicules, à travers les rues de la capitale et des coups de klaxon.
Les vaincus crient à la fraude
Cependant, les vaincus n’ont pas attendu ces manifestations pour réagir. Quatre candidats rejettent les chiffres, fournis par l’administration, et dénoncent «une fraude à grande échelle», au cours d’une conférence de presse tenue au siège de l’Union Nationale pour l’Alternance Démocratique (UNAD). Ahmed Ould Daddah, pour le RFD, Messaoud Ould Boulkheir, pour le FNDD, Ely Ould Mohamed Vall, ancien chef de l’Etat, et Hamady Ould Meimou, tous deux indépendants, rencontrent la presse, dimanche, dès 6 heures du matin, une heure inédite, pour ce genre d’exercice, qui en dit long sur l’état d’esprit des prétendants au fauteuil présidentiel, complètement groggy, après la première salve des résultats.
Ils mettent en doute la transparence du scrutin et dénoncent «une comédie des chiffres, visant à légitimer un coup d’Etat électoral» du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz. Ils évoquent, pêle-mêle, l’achat des consciences, l’utilisation des moyens de l’Etat, des techniques, très sophistiquées, de falsification des bulletins, etc., pour étayer une thèse de fraude, à l’appui de laquelle les preuves matérielles paraissent, cependant, encore fort minces. Certes, un spécialiste de la question, Ely Ould Mohamed Vall, directeur de la Sûreté de l’Etat, sous le règne de Maaouya – une référence – promet de prochaines révélations, étayées, mais on ne peut, à cette heure, que les attendre ou … les craindre. Les contestataires lancent, en tout cas, un appel, à la communauté internationale, pour «l’ouverture d’une enquête indépendante», sur les résultats, et demandent au Conseil Constitutionnel et à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) de «s’abstenir de les valider».
Sur un ton similaire, les membres du staff du candidat Mohamed Jemil Ould Mansour, candidat du Rassemblement National pour la Réforme et le Développement (RNRD- Tawassoul), la tendance «islamiste modérée», avaient dénoncé des pratiques «frauduleuses», dès samedi soir, juste après la clôture du scrutin, lors d’une rencontre avec la presse. Le camp de ce dernier candidat avait, même, fourni une version détaillée des pratiques «irrégulières», relevées dans différentes localités et à l’extérieur du territoire national.
Les islamistes font état de «l’omission», sur les listes électorales, d’individus régulièrement inscrits, après l’accord de Dakar, et privés, en conséquence, de leur légitime droit de vote ; d’électeurs, dont les noms figurent sur les listes électorales, mais qui ont été empêchés de voter ; d’individus, dont les noms se retrouvent dans des bureaux de vote sans rapport avec leur lieu de résidence ; la partialité de plusieurs présidents de bureaux de vote, expulsant les représentants de candidats, etc. On évoque, même, des bulletins «iraniens», falsifiés selon des méthodes, très, sophistiquées…
Aziz décline ses priorités
Aussitôt après la proclamation des résultats officiels, par le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation, le président élu, Mohamed Ould Abdel Aziz, rencontre la presse, à l’hôtel Khaima City Center. Il décline ses priorités, pour les cinq années à venir, qui tourne, toutes, autour de l’«amélioration des conditions de vie» du peuple mauritanien, qui lui a manifesté sa confiance le samedi 18 juillet. Elu président de tous les Mauritaniens, le jeune général à la retraite – il n’a, en effet, que 53 ans… – s’engage à combattre «la pauvreté, la maladie, l’ignorance, la faim, la gabegie, la corruption et le terrorisme». Interpellé sur les informations qui font état de fraudes, distillées par ses adversaires malheureux, il fustige leur attitude de mauvais perdants et exige des preuves, matérielles, tout en affirmant, au passage, ne pas appartenir à la génération de la fraude. Abordant la question liée à l’éventualité de la formation d’un large gouvernement d’union nationale, Mohamed Abdel Aziz a été net et précis. «Je suis le seul à avoir été élu. Dans tous les cas, mon gouvernement sera d’union nationale, avec, uniquement, des Mauritaniens. Cependant, mes adversaires politiques n’y figureront pas» et auront à assumer leur statut d’opposant.
Quel avenir pour le dialogue politique?
Mai au-delà de la formation d’un gouvernement d’union nationale, qui n’est, certes pas, une formule obligatoire, la question de fond reste liée à l’avenir du dialogue politique, dans un paysage en lambeaux. Une exigence conforme à la lettre et à l’esprit de l’Accord-Cadre de Dakar (ACD), pour un retour inclusif à l’ordre constitutionnel, paraphé le 2 juin 2009 entre l’UPR, le RFD et le FNDD. Le décor de l’incompréhension et de la discorde, sur toutes les questions vitales pour la Nation, est, ainsi, déjà planté, avec un président accordant peu ou prou d’importance aux «états d’âme» de ses adversaires malheureux, et ces derniers dénonçant un coup d’Etat électoral, vulgaire prolongement du putsch militaire. Une configuration au sein de laquelle les adversaires politiques se regardent en chiens de faïence. Image qui renvoie à la Mauritanie des années 90, avec un officier, arrivé au pouvoir, par la force, avant de légaliser son coup, par les urnes. D’où un système démocratique au rabais, véritable coquille vide, avec des institutions juste formelles, réduites à leur expression la plus frustre. A cette différence près que Mohamed Ould Abdel Aziz a bien négocié avec ses opposants, faisant, au passage, quelques concessions. D’où le mince espoir de voir le dialogue se poursuivre, pour une Mauritanie politiquement apaisée et l’abri des coups d’Etat.
Au plan international, les résultats, sortis des urnes, samedi dernier, seront, à coup sûr, reconnus par un grand nombre des partenaires de la Mauritanie: l’Union Africaine (UA), la Ligue des Etats Arabes (LEA), l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), l’Union Européenne (UE), en tête. Cependant, pour les Etats-Unis et certaines institutions, comme la Banque Mondiale (BM) et le Fond Monétaire International (FMI), dont on espère le retour, rapide, des financements, les fantômes du 6 août 2008 risquent, encore, de troubler le jeu, du moins un certain temps. Ce qui accentue la nécessité du dialogue politique, pour une démocratie consensuelle… Plus vite la scène politique nationale s’apaisera, plus vite et effectivement, le pays réintégrera le concert des nations…
Amadou Seck
Source: Calame
Un vote qui s’est déroulé, globalement, dans le calme et la tranquillité, tant à Nouakchott que dans le reste des localités de notre vaste territoire national. Mohamed Ould Abdel Aziz, candidat de l’Union Pour la République, ancien chef de la junte et de l’Etat, suite au coup du 6 août 2008, a été déclaré vainqueur, dès le premier tour, avec 52,66% des suffrages, selon les résultats donnés, lundi, en début de soirée, par le ministre de l’intérieur et de la décentralisation, Mohamed Ould Rzeizim. Il est, de très loin, suivi par Messaoud Ould Boulkheir, candidat du Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD), avec un peu plus de 16%, et Ahmed Ould Daddah, du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) qui ne totalise que le maigre score de 13%.
Une victoire qui s’est dessinée, quelques heures après le vote, avec, notamment, une tendance, lourde et irréversible, bien avant le début officiel de la soirée électorale du samedi. Les premiers résultats avancés ont émanés de l’Union Pour la République (UPR), camp principal de l’ex-président du Haut Conseil d’Etat (HCE), qui attribuait, au champion de la «rectification», une confortable place de leader du peloton, dans une fourchette oscillant entre 52 et 57% des suffrages exprimés. Des chiffres confirmés par le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation (MID), plus tard dans la soirée et toute la matinée du dimanche, relayés par les médias d’Etat. Une tournure qui exclut tout deuxième tour, donné, pourtant, comme plus que probable, sur la base d’un fort éclatement des forces politiques, d’un vivier électorat relativement réduit et la présence, dans la course, de deux à trois autres candidats, présentés comme des poids lourds.
Présents à Nouakchott, les 320 observateurs de l’Union Africaine (UA), de la Ligue des Etats Arabes, de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) disent n’avoir décelé aucune anomalie outrancière. La presse nationale et internationale, fortement présente sur le terrain, a fait la ronde des bureaux de vote de Nouakchott, la plus grande circonscription électorale du pays, et n’a rien constaté, non plus, si ce n’est les «habituelles» tractations aux alentours des bureaux.
Des chiffres «surréalistes», pour les partisans de ses adversaires malheureux et de nombreux observateurs objectifs. Un résultat «logique», pour les affidés du candidat, qui manifestent leur grande joie, toute la journée du dimanche et une partie de la nuit suivante. La nouvelle de la victoire de l’ancien commandant en chef du Bataillon de Sécurité Présidentielle (BASEP), auteur de deux coups d’Etat, en 2005 et 2008, est accueillie par des défilés de véhicules, à travers les rues de la capitale et des coups de klaxon.
Les vaincus crient à la fraude
Cependant, les vaincus n’ont pas attendu ces manifestations pour réagir. Quatre candidats rejettent les chiffres, fournis par l’administration, et dénoncent «une fraude à grande échelle», au cours d’une conférence de presse tenue au siège de l’Union Nationale pour l’Alternance Démocratique (UNAD). Ahmed Ould Daddah, pour le RFD, Messaoud Ould Boulkheir, pour le FNDD, Ely Ould Mohamed Vall, ancien chef de l’Etat, et Hamady Ould Meimou, tous deux indépendants, rencontrent la presse, dimanche, dès 6 heures du matin, une heure inédite, pour ce genre d’exercice, qui en dit long sur l’état d’esprit des prétendants au fauteuil présidentiel, complètement groggy, après la première salve des résultats.
Ils mettent en doute la transparence du scrutin et dénoncent «une comédie des chiffres, visant à légitimer un coup d’Etat électoral» du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz. Ils évoquent, pêle-mêle, l’achat des consciences, l’utilisation des moyens de l’Etat, des techniques, très sophistiquées, de falsification des bulletins, etc., pour étayer une thèse de fraude, à l’appui de laquelle les preuves matérielles paraissent, cependant, encore fort minces. Certes, un spécialiste de la question, Ely Ould Mohamed Vall, directeur de la Sûreté de l’Etat, sous le règne de Maaouya – une référence – promet de prochaines révélations, étayées, mais on ne peut, à cette heure, que les attendre ou … les craindre. Les contestataires lancent, en tout cas, un appel, à la communauté internationale, pour «l’ouverture d’une enquête indépendante», sur les résultats, et demandent au Conseil Constitutionnel et à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) de «s’abstenir de les valider».
Sur un ton similaire, les membres du staff du candidat Mohamed Jemil Ould Mansour, candidat du Rassemblement National pour la Réforme et le Développement (RNRD- Tawassoul), la tendance «islamiste modérée», avaient dénoncé des pratiques «frauduleuses», dès samedi soir, juste après la clôture du scrutin, lors d’une rencontre avec la presse. Le camp de ce dernier candidat avait, même, fourni une version détaillée des pratiques «irrégulières», relevées dans différentes localités et à l’extérieur du territoire national.
Les islamistes font état de «l’omission», sur les listes électorales, d’individus régulièrement inscrits, après l’accord de Dakar, et privés, en conséquence, de leur légitime droit de vote ; d’électeurs, dont les noms figurent sur les listes électorales, mais qui ont été empêchés de voter ; d’individus, dont les noms se retrouvent dans des bureaux de vote sans rapport avec leur lieu de résidence ; la partialité de plusieurs présidents de bureaux de vote, expulsant les représentants de candidats, etc. On évoque, même, des bulletins «iraniens», falsifiés selon des méthodes, très, sophistiquées…
Aziz décline ses priorités
Aussitôt après la proclamation des résultats officiels, par le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation, le président élu, Mohamed Ould Abdel Aziz, rencontre la presse, à l’hôtel Khaima City Center. Il décline ses priorités, pour les cinq années à venir, qui tourne, toutes, autour de l’«amélioration des conditions de vie» du peuple mauritanien, qui lui a manifesté sa confiance le samedi 18 juillet. Elu président de tous les Mauritaniens, le jeune général à la retraite – il n’a, en effet, que 53 ans… – s’engage à combattre «la pauvreté, la maladie, l’ignorance, la faim, la gabegie, la corruption et le terrorisme». Interpellé sur les informations qui font état de fraudes, distillées par ses adversaires malheureux, il fustige leur attitude de mauvais perdants et exige des preuves, matérielles, tout en affirmant, au passage, ne pas appartenir à la génération de la fraude. Abordant la question liée à l’éventualité de la formation d’un large gouvernement d’union nationale, Mohamed Abdel Aziz a été net et précis. «Je suis le seul à avoir été élu. Dans tous les cas, mon gouvernement sera d’union nationale, avec, uniquement, des Mauritaniens. Cependant, mes adversaires politiques n’y figureront pas» et auront à assumer leur statut d’opposant.
Quel avenir pour le dialogue politique?
Mai au-delà de la formation d’un gouvernement d’union nationale, qui n’est, certes pas, une formule obligatoire, la question de fond reste liée à l’avenir du dialogue politique, dans un paysage en lambeaux. Une exigence conforme à la lettre et à l’esprit de l’Accord-Cadre de Dakar (ACD), pour un retour inclusif à l’ordre constitutionnel, paraphé le 2 juin 2009 entre l’UPR, le RFD et le FNDD. Le décor de l’incompréhension et de la discorde, sur toutes les questions vitales pour la Nation, est, ainsi, déjà planté, avec un président accordant peu ou prou d’importance aux «états d’âme» de ses adversaires malheureux, et ces derniers dénonçant un coup d’Etat électoral, vulgaire prolongement du putsch militaire. Une configuration au sein de laquelle les adversaires politiques se regardent en chiens de faïence. Image qui renvoie à la Mauritanie des années 90, avec un officier, arrivé au pouvoir, par la force, avant de légaliser son coup, par les urnes. D’où un système démocratique au rabais, véritable coquille vide, avec des institutions juste formelles, réduites à leur expression la plus frustre. A cette différence près que Mohamed Ould Abdel Aziz a bien négocié avec ses opposants, faisant, au passage, quelques concessions. D’où le mince espoir de voir le dialogue se poursuivre, pour une Mauritanie politiquement apaisée et l’abri des coups d’Etat.
Au plan international, les résultats, sortis des urnes, samedi dernier, seront, à coup sûr, reconnus par un grand nombre des partenaires de la Mauritanie: l’Union Africaine (UA), la Ligue des Etats Arabes (LEA), l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), l’Union Européenne (UE), en tête. Cependant, pour les Etats-Unis et certaines institutions, comme la Banque Mondiale (BM) et le Fond Monétaire International (FMI), dont on espère le retour, rapide, des financements, les fantômes du 6 août 2008 risquent, encore, de troubler le jeu, du moins un certain temps. Ce qui accentue la nécessité du dialogue politique, pour une démocratie consensuelle… Plus vite la scène politique nationale s’apaisera, plus vite et effectivement, le pays réintégrera le concert des nations…
Amadou Seck
Source: Calame