Deuxième partie de l’analyse chiffrée des données relatives au scrutin présidentiel du 18 juillet 2009 qui consacre la victoire au 1er tour de Mohamed Ould Abdel Aziz, dans le but de trouver une explication rationnelle à l'évènement, par delà toutes les accusations de fraude formulées par les candidats de l'opposition.
Alors que ces derniers poursuivent leur logique, en tentant de démontrer preuves à l'appui que "l'élection de Ould Abdel Aziz est truquée ", même si le résultat de telles investigations n'a plus d'emprise sur le cours de l'histoire après la proclamation officielle des résultats par la Cour constitutionnelle, continuons d'interroger les chiffres sur la base des résultats recueillis en 2007 par quelques uns des candidats en lice.
Même si comparaison n'est pas raison et que la réalité d'hier permet rarement d'expliquer celle d'aujourd'hui, la base électorale d'un candidat étant soumise à un faisceau de facteurs subjectifs difficilement quantifiable, le poids de chiffres électoraux reste cependant un baromètre qui permet de mesurer la fiabilité des données en terme de recul, d'avancée ou de stagnation, dans un laps de temps assez rapproché (2007-2009) pour un candidat donné. Certes le candidat Mohamed Ould Abdel Aziz n'était pas en première loge lors de la présidentielle de 2007, même si on lui prête un rôle moteur dans l'élection de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, mais d'autres candidats étaient là, comme Ahmed Ould Daddah, Messaoud Ould Boulkheïr, Saleh Ould Hanena et Sarr Ibrahima Mokhtar. L'élection au 1er tour de Mohamed Ould Abdel Aziz paraît ainsi soulever des questions qui ne peuvent trouver une explication logique (en dehors de l'éventualité d'une fraude massive qui reste à être démontrée) que dans un large mouvement populaire fait au détriment de l'opposition classique, qui semble vraisemblablement avoir été boudée par son électorat. Regards comparés dans les Wilayas du Nord et au Trarza, après l'analyse des faits à Nouakchott, dans les Wilayas du Centre, celles du Sud et de l'Est, objet de la précédente édition.
Wilayas du Nord
Que cela soit dans la Wilaya de l'Inchiri, de l'Adrar, de Dakhlet-Nouadhibou ou du Tiris- Zemour, les principaux candidats du scrutin du 18 juillet dernier y ont paradé à l'envie, dans une série de jeu de biceps qui a laissé les concurrents peu indifférents au cours de la dernière campagne électorale. Malgré l'apport substantiel que des ensembles tribaux et financiers qui comptent dans ces régions ont apporté à l'opposition, les passages de Mohamed Ould Abdel Aziz ont été massivement suivis, il faut le dire. Il est tout de même curieux de relever que dans ces quatre Wilayas, dont deux bastions de l'opposition, Mohamed Ould Abdel Aziz y a cumulé un taux de 63, 5 % des voix. De tels scores donnent le tournis à plus d'un observateur et sèment le doute quant à leur fiabilité. Jugez-en vous-même : 78, 16 % à Akjoujt ; 64, 81 % à Atar ; 63, 61 % à Aoujeft ; 50, 03 % à Ouadane ; 62, 23 % à Chinguitty ; 55, 19 % à Nouadhibou ; 65, 52 % à Zouerate ; 81, 39 % à F'Dérick et 71, 11 % à Bir-Moghreïn.
Au même moment, Ahmed Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkheïr ont considérablement chuté à Nouadhibou et Zouerate, considérés jusque-là comme des citadelles imprenables de l'opposition. En 2007, Ould Daddah avait recueilli 16, 41 % des suffrages à Nouadhibou et Messaoud 19, 02 %, alors que le candidat soutenu par Aziz, Sidi Ould Cheikh Abdallahi n'y avait recueilli que 10, 5 % en 2007. Aux municipales de 2006, c'est le parti de Messaoud Ould Boulkheïr qui y avait remporté les suffrages. Même scénario à Zouerate, enlevé en 2006 par les partisans de Messaoud Ould Boulkheïr qui y recueillera lui-même lors de la présidentielle de 2007, 18, 95 % des voix, loin devant Sidi Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah.
Par contre, Ahmed Ould Daddah a gagné des points au cours du scrutin de 2009 en Adrar, notamment à Atar, Aoujeft, Chinguitty et Ouadane ainsi qu'à Bir-Moghreïn au Tiris Zemour, enregistrant d'importants reculs à Akjoujt, Nouadhibou, Zouerate et F'Dérick.
Les plus importantes avancées de Ahmed Ould Daddah sont celles obtenues à Atar avec 20, 65 % des suffrages en 2009 contre 7, 14 % en 2007, mais aussi à Chinguitty où il a obtenu 15, 34 % en 2009 contre 6, 68 % en 2007 et à Ouadane avec 41, 74 % des voix en 2009 contre 6, 69 % en 2007.
Par contre, il a considérablement reculé à Akjoujt, passant de 14, 23 % de suffrages en 2007 à 9, 22 % en 2009, Nouadhibou où il n'a obtenu que 7, 88 % des voix en 2009 contre 16, 41 en 2007, Zouerate où il a recueilli à peine un peu plus de 7% contre plus de 11 % en 2007 et F'Dérick où il a perdu plus de la moitié de son électorat. L'apport des soutiens considérables qu'il a engrangé dans ces régions explique ces remontées dans des cités où il n'avait pas en réalité une grande côte.
Messaoud n'a cependant enregistré que deux remontées, à Aoujft et Chinguitty en Adrar, perdant considérablement du terrain dans des villes où il avait un électorat solide, comme Akjoujt, Atar, Ouadane, Nouadhibou, Zouerate, F'Dérick et Bir-Moghreïne. Il faut dire que contrairement à Ould Daddah, Messaoud n'a pas perdu beaucoup de son électorat, à peine 1% dans les villes où il a enregistré du recul, opérant une percée considérable à Chinguitty, avec 13, 14 % des suffrages en 2009 contre 4, 02 % en 2007.
Il faut noter les chutes spectaculaires de Saleh Ould Hanena et de Sarr Ibrahima dans ces régions du Nord. Saleh a considérablement reculé à Atar, recueillant en 2009 dans cette ville 0, 28 % des suffrages alors qu'en 2007 il en avait obtenu 4, 55%. A Nouadhibou et Zouerate, il a perdu pratiquement 70 % de son électorat de base. Même cas pour Sarr qui a enregistré malgré tout une légère percée à Chinguitty.
Wilaya du Trarza
Le plus grand drame d'Ahmed Ould Daddah, a été paradoxalement sa Wilaya, celle du Trarza, qui lui avait pourtant largement ouvert les bras en 2007. Dans les six Moughataas du Trarza, Ahmed Ould Daddah avait raflé 52, 45 % de l'électorat lors du scrutin présidentiel de 2007, loin devant Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui en avait recueilli 25, 16 % et Messaoud Ould Boulkheïr, 5, 04 %
En 2009, Ahmed Ould Daddah n'a pu conserver que 45, 75% de son électorat, battu par Mohamed Ould Abdel Aziz qui en rafle 46, 80 %, avec une spectaculaire remontée de Messaoud Ould Boulkheïr qui double son score de 2007 avec 11, 08 % des voix. Partout dans cette populeuse Wilaya, Ahmed Ould Daddah semble avoir été déserté par ses électeurs.
A Boutilimit, il perd plus de 10 % de son électorat, presque la moitié à Keur-Macène, Mederdra, Ouad Naga et Rosso, un peu plus de 12 % à R'Kiz.
Par contre, Messaoud Ould Boulkheïr a progressé partout au Trarza, avec un spectaculaire bond à Keur Macène où il obtient en 2009, 15, 89 % des suffrages alors qu'en 2007, il n'en avait recueilli que 1, 56 %. L'empreinte de Boïdiel Ould Houmeïd n'est pas étrangère à ce score. Même avancée à Boutilimit et à Mederdra où il passe de 2, 32 % en 2007 à 6, 39 % en 2009, mais surtout R'Kiz où il emporte 12, 82 % des voix au lieu de ses 5, 21% de 2007. A Rosso, Messaoud fait également une bonne percée avec 25, 75 % des suffrages au lieu de ses 18, 15 % de 2007, battant paradoxalement Ahmed Ould Daddah qui n'a pu obtenir que 15, 13 %.
On notera aussi la chute drastique de Saleh Ould Hanena au Trarza, avec une perte de presque 100 % de son électorat à Ouad Naga, et presque 40 % de sa base dans les autres Moughataas. A Rosso, Sarr Ibrahima Mokhtar enregistre sa plus large perte, avec la moitié de ses électeurs qui l'ont déserté dans cette ville.
Les résultats ci-dessus dépouillés démontrent une saignée terrible dans les rangs du RFD au moment où les observateurs s'attendaient à leur renforcement. C'est comme si les apports nouveaux en voix qui se sont greffés sur la candidature d'Ahmed Ould Daddah ont chassé une grande partie de ses électeurs. C'est le candidat qui a perdu le plus, par rapport à Messaoud qui a gagné beaucoup de points sur l'ensemble des circonscriptions électorales.
Il faut dire qu'en 2007, Ahmed Ould Daddah avait remporté 15 Moughataas sur les 53 que compte le pays, dont 7 Moughataas à Nouakchott, Arafat, Dar Naïm, Ksar, Riyad, Tevragh-Zeina, Teyarett et Toujounine, sans compter Akjoujt, Arafat, Boutilimit, Guerou, Keur Macène, Mederdra, R'Kiz, Roso et Ouad Naga. Aujourd'hui, il n'en conserve qu'un seul, Boutilimit, où il est arrivé légèrement devant Ould Abdel Aziz. Une telle perte sèche a-t-elle une explication objective ? C'est l'absence de réponse à cette lancinante question qui pousse aujourd'hui les partisans d'Ahmed Ould Daddah à croire qu'il y a forcément anguille sous roche, genre trafic à grande échelle de voix, tripatouillage de la liste électorale…
Messaoud, venu premier dans trois Moughataas du pays en 2007, El Mina, Zouerate et Nouadhibou, a perdu ces deux dernières et ne conserve que la première. Par contre, Ibrahima Mokhtar Sarr qui avait dominé en 2007 les suffrages à Bababé, Boghé, Kaédi, MBagne et Sebkha a tout perdu.
Les nouveaux venus
Parmi les candidats qui s'étaient présentés à l'élection du 18 juillet 2009, le scrutin a surtout été pour certains comme Gemil Mansour, un test pour mesurer le degré d'implantation de leur électorat.
Arrivé 4ème derrière Ould Abdel Aziz, Messaoud et Ould Daddah, Gemil Mansour a connu ses plus importants scores parmi la diaspora mauritanienne installée à l'étranger. Ses plus grands scores au niveau national, il les a obtenus à Tamchakett (22,97 %), Tintane (18, 80 %), Ouad Naga (11, 07 %), Guerou (10, 70 %) et Aïoun (8, 13 %). Ce scrutin a permis surtout de noter que les électeurs islamistes sont plutôt implantés dans les régions orientales avec une faible emprise au Nord et au Trarza, mais surtout dans le Fleuve.
Arrivé 6ème au classement, le colonel Ely Ould Mohamed Vall ne fut pas en fin de compte cette foudre de guerre que les analystes donnaient comme le plus sérieux concurrent du général Mohamed Ould Abdel Aziz. L'ancien Chef de l'Etat de la transition, officier de carrière qui avait dirigé la Mauritanie pendant dix-neuf mois, avait tous les pendants pour faire un bon cheval gagnant, surtout au regard du staff de choc qui l'entourait. Finalement le colonel, handicapé par l'annonce tardive de sa candidature et une campagne timide, a eu son meilleur score à Tichitt (42, 63 %), avec de faibles percées à Aoujeft (11, 34 %) et Koubenni (11, 08 %).
Quant à Hamada Ould Meimou beaucoup se demande encore les raisons de sa candidature, lui qui en fin de compte n'a recueilli que 1, 28 % des suffrages au niveau national, parvenant à peine à remonter le classement dans quelques fiefs du Hodh où le vote tribal lui a permis de jouer les deuxième rôles.
Kane Hamidou Baba peut malgré tout se targuer d'avoir battu son président Ahmed Ould Daddah à MBagne où il a obtenu 7, 13% des suffrages, son meilleur score au niveau national. Ce transfuge du RFD qui avait transgressé le mot de boycotte de son parti pour le scrutin unilatéral du 6 juin 2009, amenant avec lui une bonne partie du directoire du RFD, se retrouvera à deux jours du scrutin seul, délaissé par son directeur de campagne et son porte-parole qui avait reniflé le côté d'où venait le vent de la victoire. N'ayant engrangé aucun point à Nouakchott, sauf à Sebkha (3, 89 %), Kane a récolté entre 2 et 4% des suffrages dans le Fleuve et au Trarza.
Source: L'authentique