3 générations… Elles n’ont connu que la vie dans les bidonvilles aux portes de la ville : les kebbas. Des bidonvilles qui poussent comme des champignons et bordent les quartiers périphériques de Nouakchott, la capitale Mauritanienne. Ces quartiers de taudis ont tous en commun la misère, la précarité, l’incertitude du pain du lendemain et tous gardent l’espoir de voir un jour leur «hay intivah» («quartier en attente») se transformer en quartier viabilisé et habitable. Ces quartiers sont peuplés de Haratins, de Peuls, de Bidhanes... Tous politisés et tous pauvres. Tous, sans être vraiment convaincus, ont la carte de l’UPR - le sésame du futur changement, pensent-ils. Et tous semblent être déçus, tellement ils croyaient à un changement de leur vie avec l’arrivée du Président des pauvres. Et tous pensent, maintenant, que tout est à refaire…
Les kebbas, ce sont ces bidonvilles qui bordent les quartiers périphériques des Nouakchott, la capitale de la Mauritanie. Changement ? «Quel changement. Vous voyez de vos propres yeux, non? J’ai 26 ans, et voici ma femme et mon enfant. Mon père est né ici. Notre quartier s’appelait «kebba mouhalimine» (bidonvilles des forgerons) avant de prendre le nom de secteur 13 ou kebba tiviski. On ne connait qu’ici». Le travail? «On se débrouille. Les hommes quittent leurs demeures entre 5 h et 6 h du matin pour ne rentrer que tard dans la nuit. Nous sommes essentiellement des dockers, ouvriers, éboueurs, gardiens… d’autres font des thieb-thieb. Nos femmes font des petits commerces. C’est un peu ça notre vie». L’école… «Nos enfants partent à l’école publique mais la mode c’est le privé et on n’a pas les moyens. Au public, les éducateurs ne sont jamais à l’école et nos progénitures errent dans les rues avant d’avoir la force d’aller au port et les grands magasins pour travailler(…)» (Rires). Dans une assemblée bon enfant, autour d’un thé à la menthe, après un tour dans les ruelles sinueuses de cette autre ville. Les enfants malmènent notre véhicule avant que l’un des leurs les gronde. Et les femmes ne perdent pas de temps avant de placer un mot ou un bout de phrase; elles s’affairent à finir les tissages ou la broderie de tissus qu’elles ont entre leurs mains, leurs marchandises qui seront exposées très prochainement au marché. L’électricité. «Certains d’entre nous ont l’électricité grâce à des niches implantées par la SOMELEC et on paye au gérant 1.500 UM par mois en raison d’une ampoule et un téléviseur ». L’eau… Toute l’assemblée parle en même temps : «S’il fait chaud, c’est une denrée intouchable. Les prix oscillent entre 200, 600 et jusqu’à 1.000 UM la barrique en période de grande chaleur», et une vieille femme de conclure «…vous voyez que nous ne vivons pas». Encore des rires. Car quand la misère devient une mode de vie et se confond avec le quotidien, avec courage et détermination on l’affronte sans relâche. Et après 4 décennies d’un tel régime, on devient décontracté par rapport à sa situation. La politique. Un silence très lourd gagne l’assistance. «Ici tous les partis sont représentés. On attendait beaucoup de Mohamed Ould Abdel Aziz; il a dit qu’il allait être le Président des pauvres. On l’a cru et beaucoup d’entre nous l’ont soutenu. Comme nous sommes pauvres, nous nous sommes dit qu’il était notre candidat. Et Président, on attend encore la réalisation de ses promesses.» Un autre d’ajouter avec fortes gesticulations : «Il n’y aura rien; les promesses, on en a tellement entendu. Si c’était en période électorale ou toute autre manifestation politique, vous n’alliez pas avoir de la place et comme il y a rien en vue, on est laissés à nous-mêmes. Avec les implantations du parti d’AZIZ, nos bidonvilles étaient remplis de belles voitures. On nous disait qu’en adhérant au parti du Président on va l’aider à concrétiser ses promesses car il a besoin d’une forte masse pour crédibiliser ses actions. On y a cru et on a pris les cartes du parti». Une vieille femme d’ajouter, «On l’a soutenu, il est élu et on est encore pauvres. C’est cela notre sort. Les meetings, c’est nous. Les accueils des Chefs d’Etats étrangers c’est nous. Et à chaque fois avec un lot des fausses promesses. Jamais on n’a tiré d’enseignements. Vous savez pourquoi? Parce que nous sommes pauvres et notre situation nous rend vulnérables et cette situation les arrange. Les pouvoirs publics ne voudront jamais que cela change pour nous». Larmes aux yeux, la vieille dame vient de planter le décor…. Les kebbas en Mauritanie sont appelés aussi bidonvilles dans certains grands centres urbains du monde. Ces habitations de fortunes représentent comme une excroissance de nos villes, peuplées principalement de pauvres. En Mauritanie, les Kebba sont habitées en majorité par des Haratins. «Ces villes», qui sont à l’extrémité de la ville de Nouakchott, sont des greffons pourvoyeurs du centre urbain en main d’œuvre et autres travailleurs des tâches qui demandent la force des biceps. La kebba, c’est aussi un assemblage des taudis mal lotis et divisés en quartiers. Une spécificité qui fait d’elle une autre ville avec sa mode de vie propre. Cette autre ville se vide de tous ses hommes, chaque jour, qui partent à la recherche du travail pour subvenir au minimum nécessaire de leurs grandes familles. La misère est parlante, inquiétante et injuste sous le regard des gens de l’autre ville. Une misère qui n’a rien entaché à la joie de vivre et de jouer des enfants morveux de ce quartier précaire. Kebba c’est aussi ce paradoxe en filigrane : des antennes paraboliques sur les toits des «barak», un taudis. A la tombée de la nuit, au moment où les pères rentrent à leurs maisons, kebba se meurt dans une obscurité intenable. Le lendemain, kebba se réveille dans l’éternelle douleur, la douleur d’exister, de vivre. Et on commence à penser pour le pain du lendemain…
Seydi Moussa Camara La Nouvelle Expression N°95
Source : Taqadoumy.
Les kebbas, ce sont ces bidonvilles qui bordent les quartiers périphériques des Nouakchott, la capitale de la Mauritanie. Changement ? «Quel changement. Vous voyez de vos propres yeux, non? J’ai 26 ans, et voici ma femme et mon enfant. Mon père est né ici. Notre quartier s’appelait «kebba mouhalimine» (bidonvilles des forgerons) avant de prendre le nom de secteur 13 ou kebba tiviski. On ne connait qu’ici». Le travail? «On se débrouille. Les hommes quittent leurs demeures entre 5 h et 6 h du matin pour ne rentrer que tard dans la nuit. Nous sommes essentiellement des dockers, ouvriers, éboueurs, gardiens… d’autres font des thieb-thieb. Nos femmes font des petits commerces. C’est un peu ça notre vie». L’école… «Nos enfants partent à l’école publique mais la mode c’est le privé et on n’a pas les moyens. Au public, les éducateurs ne sont jamais à l’école et nos progénitures errent dans les rues avant d’avoir la force d’aller au port et les grands magasins pour travailler(…)» (Rires). Dans une assemblée bon enfant, autour d’un thé à la menthe, après un tour dans les ruelles sinueuses de cette autre ville. Les enfants malmènent notre véhicule avant que l’un des leurs les gronde. Et les femmes ne perdent pas de temps avant de placer un mot ou un bout de phrase; elles s’affairent à finir les tissages ou la broderie de tissus qu’elles ont entre leurs mains, leurs marchandises qui seront exposées très prochainement au marché. L’électricité. «Certains d’entre nous ont l’électricité grâce à des niches implantées par la SOMELEC et on paye au gérant 1.500 UM par mois en raison d’une ampoule et un téléviseur ». L’eau… Toute l’assemblée parle en même temps : «S’il fait chaud, c’est une denrée intouchable. Les prix oscillent entre 200, 600 et jusqu’à 1.000 UM la barrique en période de grande chaleur», et une vieille femme de conclure «…vous voyez que nous ne vivons pas». Encore des rires. Car quand la misère devient une mode de vie et se confond avec le quotidien, avec courage et détermination on l’affronte sans relâche. Et après 4 décennies d’un tel régime, on devient décontracté par rapport à sa situation. La politique. Un silence très lourd gagne l’assistance. «Ici tous les partis sont représentés. On attendait beaucoup de Mohamed Ould Abdel Aziz; il a dit qu’il allait être le Président des pauvres. On l’a cru et beaucoup d’entre nous l’ont soutenu. Comme nous sommes pauvres, nous nous sommes dit qu’il était notre candidat. Et Président, on attend encore la réalisation de ses promesses.» Un autre d’ajouter avec fortes gesticulations : «Il n’y aura rien; les promesses, on en a tellement entendu. Si c’était en période électorale ou toute autre manifestation politique, vous n’alliez pas avoir de la place et comme il y a rien en vue, on est laissés à nous-mêmes. Avec les implantations du parti d’AZIZ, nos bidonvilles étaient remplis de belles voitures. On nous disait qu’en adhérant au parti du Président on va l’aider à concrétiser ses promesses car il a besoin d’une forte masse pour crédibiliser ses actions. On y a cru et on a pris les cartes du parti». Une vieille femme d’ajouter, «On l’a soutenu, il est élu et on est encore pauvres. C’est cela notre sort. Les meetings, c’est nous. Les accueils des Chefs d’Etats étrangers c’est nous. Et à chaque fois avec un lot des fausses promesses. Jamais on n’a tiré d’enseignements. Vous savez pourquoi? Parce que nous sommes pauvres et notre situation nous rend vulnérables et cette situation les arrange. Les pouvoirs publics ne voudront jamais que cela change pour nous». Larmes aux yeux, la vieille dame vient de planter le décor…. Les kebbas en Mauritanie sont appelés aussi bidonvilles dans certains grands centres urbains du monde. Ces habitations de fortunes représentent comme une excroissance de nos villes, peuplées principalement de pauvres. En Mauritanie, les Kebba sont habitées en majorité par des Haratins. «Ces villes», qui sont à l’extrémité de la ville de Nouakchott, sont des greffons pourvoyeurs du centre urbain en main d’œuvre et autres travailleurs des tâches qui demandent la force des biceps. La kebba, c’est aussi un assemblage des taudis mal lotis et divisés en quartiers. Une spécificité qui fait d’elle une autre ville avec sa mode de vie propre. Cette autre ville se vide de tous ses hommes, chaque jour, qui partent à la recherche du travail pour subvenir au minimum nécessaire de leurs grandes familles. La misère est parlante, inquiétante et injuste sous le regard des gens de l’autre ville. Une misère qui n’a rien entaché à la joie de vivre et de jouer des enfants morveux de ce quartier précaire. Kebba c’est aussi ce paradoxe en filigrane : des antennes paraboliques sur les toits des «barak», un taudis. A la tombée de la nuit, au moment où les pères rentrent à leurs maisons, kebba se meurt dans une obscurité intenable. Le lendemain, kebba se réveille dans l’éternelle douleur, la douleur d’exister, de vivre. Et on commence à penser pour le pain du lendemain…
Seydi Moussa Camara La Nouvelle Expression N°95
Source : Taqadoumy.