Depuis le jeudi 2 juillet dernier, date de démarrage de la campagne électorale, sur toute l’étendue de la République, neuf candidats sur une liste initiale de dix, tentent de s’attirer les faveurs des Mauritaniens, dans la perspective du scrutin présidentiel, fixé au 18 juillet prochain. Par ordre alphabétique : Ahmed Ould Daddah, Ely Ould Mohamed Vall, Hamadi Ould Meimou, Ibrahima Moctar Sarr, Kane Hamidou Baba, Messaoud Ould Boulkheir, Mohamed Jemil Ould Mansour, Mohamed Ould Abdel Aziz et Saleh Ould Mohamedou Ould Hanena – exit Sghair Ould M’Bareck – chaque candidat déploie des trésors d’énergie et de charme, pour convaincre les plus sceptiques, quant à l’avenir radieux de la Mauritanie, au cas où le choix des électeurs serait porté sur lui, au soir du 18 juillet. Si, jusque là, la campagne se déroule, sans incident, tant à Nouakchott que dans les villes de l’intérieur – on touche du bois – elle est, quand même, marquée par des dérapages verbaux, attaques sous la ceinture, allégations difficilement vérifiables, suscitant, parfois, des réactions, au vitriol, des adversaires visés. Le résultat est une montée de la tension de plusieurs crans, avec, pour conséquence, une occultation du débat de fond.
Ainsi, au bout de cinq jours de campagne, on note plusieurs sorties du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz, avec des déclarations accusant Ahmed Ould Daddah, candidat du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et Messaoud Ould Boulkheir, candidat du Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD), et actuel président de l’Assemblée nationale, d’être des «prévaricateurs». Des propos tenus à l’occasion d’un meeting, organisé samedi dernier, dans la ville d’Aleg, à 250 kilomètres au sud-est de Nouakchott.
Des «faits», affirme-t-il, liés à une mauvaise gestion, pire à des «détournements de deniers publics», et dont l’ancien chef de la junte détiendrait des «preuves matérielles qui seront divulguées, au grand public» à l’occasion du meeting du général, à Nouakchott. Soldat dans l’âme, le général semble, ainsi, avoir conservé les réflexes du métier des armes, qu’il a exercé pendant une trentaine d’années. Il a décidé d’employer «l’artillerie lourde», pour déloger, du cœur des électeurs mauritaniens, deux de ses adversaires les plus dangereux. Ainsi, par une espèce de glissement de sens, le terme «prédateur», qui désignait les hauts responsables du régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, dont le chef de la sécurité présidentielle, pendant une vingtaine d’années, ne fut autre que l’actuel candidat Aziz, s’applique, désormais, à tous ceux – sauf le dit candidat, bien évidemment – qui ont la prétention de solliciter les suffrages des Mauritaniens, avec une réelle chance de succès.
Messaoud au créneau
Face à ces attaques, la réponse du candidat Messaoud Ould Boulkheir, tribun et redoutable polémiste, n’a pas traîné. Une réplique cinglante, enregistrée lors d’un rassemblement, dans la ville d’Atar (capitale de la région de l’Adrar, située à 500 kilomètres, au Nord de Nouakchott). Prenant à témoin le peuple mauritanien, le candidat Ould Boulkheir, président de l’Assemblée nationale, est allé fouiner, moyen fiable d’identification des «prévaricateurs», du côté des moyens déployés, pour la présente campagne électorale, pour celle, plébiscitaire, qui l’a précédée, et pour les longs mois de soi-disant non-candidature d’un putschiste sillonnant le pays. Une manière de dire que le leader du FNDD n’a pas besoin d’attendre Nouakchott, pour désigner le camp des adeptes de l’utilisation des moyens de la puissance publique, à des fins personnelles. Le candidat du RFD, Ahmed Ould Daddah, est, quant à lui, resté zen, laissant, à son staff de communication, le soin de réagir. Celui-ci tourne en dérision la «nouvelle» attitude d’un homme qui sent la terre «se dérober sous ses pieds»…
Il est vrai que, pour Aziz, la pilule est amère. Initialement promis à une balade plébiscitaire d’autolégitimation, le 6 juin 2009, le voilà obligé de batailler, ferme, avec de réels risques de défaite. Mais le cantonnement, dans une attitude de minimisation de l’Accord Cadre de Dakar (ACD), occultant le retour inclusif à l’ordre constitutionnel que celui-ci a instauré, piège, d’autant plus, le toujours candidat à la légitimation de son coup de force. Dakar a mis en selle les poids-lourds de l’opposition historique à un régime que le candidat Mohamed Ould Abdel Aziz a loyalement servi jusqu’au 3 août 2005. Il eût été possible, le 4 juin – mais cela ne le semble plus, un mois plus tard – de s’attribuer la «paternité» - j’ai «consenti» à m’incliner, devant la Constitution que j’avais fermement appuyée, en juin 2006 – du «consensus» entre les principaux pôles de notre politique nationale, «arrangé » par le président sénégalais, maître Abdoulaye Wade, avec le précieux concours de son ministre des affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, infatigable négociateur et celui du Groupe de Contact International sur la Mauritanie (GCIM). C’eût été d’autant plus faisable que le premier magistrat sénégalais comptait parmi les amis du général, même si, par ailleurs, l’habile avocat a su gagner, de manière intelligente, la confiance des pôles RFD et FNDD. Hélas ! A défaut de cette position clarifiante, le 4 juin, les Mauritaniens ont eu droit, le 4 juillet, à une autre sortie électorale du candidat de l’Union Pour la République (UPR), en la ville d’Aioun El Atrouss, à 800 kilomètres à l’est de Nouakchott, dans une région frontalière au Mali. Au cours de ce rassemblement électoral, le candidat a, une nouvelle fois, minimisé la portée de l’accord de Dakar, affirmant que rien n’a changé : le premier Ministre est resté, le Haut Conseil d’Etat (HCE) est resté, avec un simple changement d’appellation. Une manière, pour Aziz, de montrer que ses réseaux de maillage de la puissance publique sont restés «intacts». Par cette méthode, il espère jouer sur la psychologie des électeurs de la «Mauritanie des profondeurs», qui ont la fâcheuse tendance à toujours voter pour le candidat du pouvoir en place. Tant pis si le procédé viole la lettre et l’esprit de l’accord de Dakar. Tout cela dénote une absence, inquiétante, de débat d’idées, sur les programmes des candidats. Ce qui occulte les questions de fond, dans une Mauritanie ouverte à tous les vents putschistes, qui ne peut, par conséquent, consacrer ses ressources aux actions de développement durable.
Amadou Seck
Source: Le calame
Ainsi, au bout de cinq jours de campagne, on note plusieurs sorties du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz, avec des déclarations accusant Ahmed Ould Daddah, candidat du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et Messaoud Ould Boulkheir, candidat du Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD), et actuel président de l’Assemblée nationale, d’être des «prévaricateurs». Des propos tenus à l’occasion d’un meeting, organisé samedi dernier, dans la ville d’Aleg, à 250 kilomètres au sud-est de Nouakchott.
Des «faits», affirme-t-il, liés à une mauvaise gestion, pire à des «détournements de deniers publics», et dont l’ancien chef de la junte détiendrait des «preuves matérielles qui seront divulguées, au grand public» à l’occasion du meeting du général, à Nouakchott. Soldat dans l’âme, le général semble, ainsi, avoir conservé les réflexes du métier des armes, qu’il a exercé pendant une trentaine d’années. Il a décidé d’employer «l’artillerie lourde», pour déloger, du cœur des électeurs mauritaniens, deux de ses adversaires les plus dangereux. Ainsi, par une espèce de glissement de sens, le terme «prédateur», qui désignait les hauts responsables du régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, dont le chef de la sécurité présidentielle, pendant une vingtaine d’années, ne fut autre que l’actuel candidat Aziz, s’applique, désormais, à tous ceux – sauf le dit candidat, bien évidemment – qui ont la prétention de solliciter les suffrages des Mauritaniens, avec une réelle chance de succès.
Messaoud au créneau
Face à ces attaques, la réponse du candidat Messaoud Ould Boulkheir, tribun et redoutable polémiste, n’a pas traîné. Une réplique cinglante, enregistrée lors d’un rassemblement, dans la ville d’Atar (capitale de la région de l’Adrar, située à 500 kilomètres, au Nord de Nouakchott). Prenant à témoin le peuple mauritanien, le candidat Ould Boulkheir, président de l’Assemblée nationale, est allé fouiner, moyen fiable d’identification des «prévaricateurs», du côté des moyens déployés, pour la présente campagne électorale, pour celle, plébiscitaire, qui l’a précédée, et pour les longs mois de soi-disant non-candidature d’un putschiste sillonnant le pays. Une manière de dire que le leader du FNDD n’a pas besoin d’attendre Nouakchott, pour désigner le camp des adeptes de l’utilisation des moyens de la puissance publique, à des fins personnelles. Le candidat du RFD, Ahmed Ould Daddah, est, quant à lui, resté zen, laissant, à son staff de communication, le soin de réagir. Celui-ci tourne en dérision la «nouvelle» attitude d’un homme qui sent la terre «se dérober sous ses pieds»…
Il est vrai que, pour Aziz, la pilule est amère. Initialement promis à une balade plébiscitaire d’autolégitimation, le 6 juin 2009, le voilà obligé de batailler, ferme, avec de réels risques de défaite. Mais le cantonnement, dans une attitude de minimisation de l’Accord Cadre de Dakar (ACD), occultant le retour inclusif à l’ordre constitutionnel que celui-ci a instauré, piège, d’autant plus, le toujours candidat à la légitimation de son coup de force. Dakar a mis en selle les poids-lourds de l’opposition historique à un régime que le candidat Mohamed Ould Abdel Aziz a loyalement servi jusqu’au 3 août 2005. Il eût été possible, le 4 juin – mais cela ne le semble plus, un mois plus tard – de s’attribuer la «paternité» - j’ai «consenti» à m’incliner, devant la Constitution que j’avais fermement appuyée, en juin 2006 – du «consensus» entre les principaux pôles de notre politique nationale, «arrangé » par le président sénégalais, maître Abdoulaye Wade, avec le précieux concours de son ministre des affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, infatigable négociateur et celui du Groupe de Contact International sur la Mauritanie (GCIM). C’eût été d’autant plus faisable que le premier magistrat sénégalais comptait parmi les amis du général, même si, par ailleurs, l’habile avocat a su gagner, de manière intelligente, la confiance des pôles RFD et FNDD. Hélas ! A défaut de cette position clarifiante, le 4 juin, les Mauritaniens ont eu droit, le 4 juillet, à une autre sortie électorale du candidat de l’Union Pour la République (UPR), en la ville d’Aioun El Atrouss, à 800 kilomètres à l’est de Nouakchott, dans une région frontalière au Mali. Au cours de ce rassemblement électoral, le candidat a, une nouvelle fois, minimisé la portée de l’accord de Dakar, affirmant que rien n’a changé : le premier Ministre est resté, le Haut Conseil d’Etat (HCE) est resté, avec un simple changement d’appellation. Une manière, pour Aziz, de montrer que ses réseaux de maillage de la puissance publique sont restés «intacts». Par cette méthode, il espère jouer sur la psychologie des électeurs de la «Mauritanie des profondeurs», qui ont la fâcheuse tendance à toujours voter pour le candidat du pouvoir en place. Tant pis si le procédé viole la lettre et l’esprit de l’accord de Dakar. Tout cela dénote une absence, inquiétante, de débat d’idées, sur les programmes des candidats. Ce qui occulte les questions de fond, dans une Mauritanie ouverte à tous les vents putschistes, qui ne peut, par conséquent, consacrer ses ressources aux actions de développement durable.
Amadou Seck
Source: Le calame