Finalement, les trois pôles politiques de la grave crise politique, qui a prévalu pendant dix mois, sont arrivés à s’entendre, dans la précipitation, sur une formule qui, d’une part, évite à la Mauritanie l’isolement international et, d’autre part, absout la bande de militaires, habitués à mettre en péril la démocratie, chaque fois que leurs intérêts personnels sont mis en jeu. Pour cette issue heureuse, plusieurs concessions ont été consenties, de chaque côté. Celle du président, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, de démissionner de son poste constitue, incontestablement, la plus grande, la plus courageuse et la plus patriotique. Le propos, ici, n’étant pas de savoir qui a gagné, qui a perdu, il importe, quand même, de reconnaître que certains hommes auront, remarquablement, marqué de leur empreinte, en bien ou en mal, l’histoire politique récente du pays. Comme souvent, face aux plus grands défis, des hommes et des femmes, de l’envergure du père de la Nation, feu Moktar Ould Daddah, se distinguent par leur ferme détermination à les relever. Aujourd’hui, neuf candidats briguent le suffrage des Mauritaniens. Il va sans dire qu’ils ne sont pas, tous, du même gabarit, ni de la même notoriété et, encore moins, de la même moralité. Tous ont, cependant, le légitime droit d’avoir les ambitions les plus démesurées. Le peuple, seul arbitre en pareilles circonstances, les départagera. Parmi ces postulants, trois anciens officiers supérieurs de l’armée, venus en politique, presque par hasard, à la faveur d’événements peu flatteurs, pour la démocratie. Deux d’entre eux chassent du pouvoir, à la suite d’un coup d’Etat, le 3 août 2005, un homme qui, selon certains, les a «fabriqués du néant». L’un, Ely Ould Mohamed Vall, à la tête d’un conseil militaire pour la justice et la démocratie, conduira une transition au bout de laquelle une élection, différemment appréciée, permet l’avènement de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. L’autre, Mohamed Ould Abdel Aziz, réputé exagérément ambitieux et, paradoxalement, peu outillé pour cela, récidive, en 2008, en réaction, dira t-il, à une mesure présidentielle, le destituant de ses fonctions de chef d’état-major particulier du premier président démocratiquement élu. Anciens alliés, frères d’armes et cousins, les deux officiers, dont la démission de l’armée suscite des commentaires, ne ratent aucune occasion de s’envoyer des accusations, à peine voilées. Entre la dilapidation de 400 millions de dollars, au temps du CMJD, et la responsabilité d’avoir torpillé le processus démocratique, espoir de tout un peuple, il faudra bien choisir. Les sept autres sont des civils. Les deux indépendants du groupe, Hamadi Ould Meimou et Kane Hamidou Baba, non investis par des formations politiques et, respectivement, ancien premier ministre de Maaouya, haut fonctionnaire en disgrâce et dissident du RFD, dont il était le vice-président, ne devraient pas, en principe, beaucoup surprendre. Les quatre restants, dont trois – Ahmed Ould Daddah (RFD), Messaoud Ould Boulkheir (FNDD) et Sarr Ibrahima (AJD/ MR) – n’en sont pas à leur coup d’essai, Jemil Mansour (TAWASSOUL) se lançant, pour sa part, dans sa première tentative présidentielle, sont, tous, soutenus par au moins une formation politique et fourbissent leurs armes, en vue de réaliser un score qui, à défaut de les propulser au deuxième tour, leur permettra, au moins, d’y négocier, en profil haut, les imparables coalitions. Mais plus que les autres, les candidats du RFD et du FNDD, deux hommes dont le combat, sans faille, pour la démocratie, n’a d’égal que leur ferme volonté d’asseoir une société juste et équitable, feront, inévitablement, parler d’eux, grâce, d’une part, à une forte base de masses partisanes et, d’autre part, à une addition de formations politiques, mobilisées pour aller au bout des choses, en ajoutant, à la victoire de leur candidat, l’échec du putsch, marquant la défaite, cinglante, de son auteur. La signature, il y a quelques jours, entre les leaders de ces deux pôles, d’une convention dont les dispositions les engagent à s’aligner, systématiquement, sur celui d’entre eux qui se qualifiera au second tour, n’est qu’une des nombreuses marques de complicité qui attestent de la grande détermination de ces deux hommes à débarrasser, définitivement, le pays et ses habitants, des militaires. Une chose qui ne sera possible que lorsque la majorité du peuple se sera résolue à choisir, judicieusement, leur président, sur la base de critères objectifs, comme la compétence, la bonne moralité et les rapports apaisés avec la chose publique. Toutes les autres considérations sont d’un autre âge. Beaucoup de promesses mirobolantes et circonstancielles n’engagent que ceux qui y croient. Une fois encore, les Mauritaniens ont l’opportunité de bâtir, sur des fondements solides, une nouvelle expérience démocratique, le seul gage capable de sortir, enfin, le pays de la situation, déplorable où il se débat, depuis l’indépendance. Sauront-ils la saisir, en opérant le bon choix, ou, une fois de plus, rateront-ils ce rendez-vous, historique, en décidant de perpétuer le même système, ignoble, qui prévaut, depuis plusieurs décennies?
Sneiba Elkory
Source: Calame
Sneiba Elkory
Source: Calame