Editorial: Délicieux rafraîchissement



Editorial: Délicieux rafraîchissement
La rencontre-marathon de Dakar, entre les trois protagonistes de la crise mauritanienne et le Groupe de Contact International, chargée de démêler cet écheveau, a duré, en tout et pour tout, six jours sept nuits, comme dans le célèbre film. Elle a, d’abord, permis à notre classe politique de démontrer, au-delà de ses divergences, un degré élevé de maturité et de dépassement.

Et, surtout, évité, à notre pays, les affres de l’isolement, des sanctions et de l’instabilité. Cela ne fut pas facile. L’accouchement s’est fait aux forceps. Les négociateurs et les facilitateurs ont passé des nuits entières à tenter d’amener chaque partie à mettre un peu d’eau dans son zrig. Les deux camps faisaient l’objet de terribles pressions et comme aucun d’entre eux ne voulait assumer la responsabilité d’un échec, tous voulaient s’en tirer avec le minimum de dégâts. Un difficile jeu d’équilibrisme qui a amené chaque partie à accepter, finalement, de lâcher du lest.
Au même moment, et alors que les négociations battaient leur plein, tout le pays était accroché aux nouvelles de Dakar et personne ne voulait envisager l’hypothèse du fiasco, synonyme de saut vers l’inconnu, qui planait, durant les premiers jours des tractations. Le général continuant une campagne plébiscitaire, menée au pas de course, et chantonnant, au cours de ses meetings, que le 06/ 06 n’était pas négociable, tout comme le retour de Sidi, même «pour une seconde». Des lignes «rouges» qui ont, rapidement, passé au vert, sous les coups de butoir d’une communauté internationale, plus que jamais décidée à amener les protagonistes de la crise à s’entendre, afin de tourner la page mauritanienne qui commençait à lui prendre beaucoup de son temps.
Le principal acquis des journées de Dakar fut, incontestablement, le report du scrutin. En fait, l'emploi du terme «report» occulte une véritable métamorphose, quant à la nature de la consultation proposée aux Mauritaniens... Entre le 6 juin, plébiscite unilatéral, et le 18 juillet, potentiel véritable débat citoyen, c'est bien la sauvegarde de la Constitution, dont Sidi Ould Cheikh Abdallahi s'était porté, en mars 2007, le défenseur suprême, qui est (re)devenue l'enjeu de référence. Ould Abdel Aziz a-t-il, réellement, compris l’implication de sa signature au bas de l’accord? Il lui faut, maintenant, «rectifier» son discours, sa stratégie, son équipe, même, dont certains éléments ont fait preuve d’une incurie certaine. Déchirements probablement douloureux, pour un homme engoncé dans ses certitudes…
En tout cas, la donne va changer, avec la participation de poids lourds dans la compétition à venir, comme Ely Ould Mohamed Vall et Ahmed Ould Daddah – ils se sont, déjà, déclarés publiquement – Messaoud Ould Boulkheir ou autres du FNDD – celui-ci peut, parfaitement, choisir de laisser libre cours, au premier tour, à sa diversité partisane – ou d’ailleurs. La pêche aux voix sera difficile et tous les arguments, surtout ceux sonnants et trébuchants, seront utilisés.
L’issue du scrutin dépendra-t-elle de la seule capacité de l’opposition au général à dépasser ses divergences et à parler d’une même voix, au second tour, devenu désormais inévitable? Le K.O. debout d’un Jospin, lors d’un célèbre premier round d’élection présidentielle française, en 2002, peut donner bien des sueurs froides aux applaudisseurs du 6/6. Mais pas seulement qu’à eux : c’est une véritable recomposition du paysage politique mauritanien qui va s’opérer, entre les deux tours de cette exceptionnelle élection présidentielle, du moins si son processus suit son cours normal. En pleine saison humide, la Mauritanie devrait apprécier, certainement, ce délicieux rafraîchissement…

Ahmed Ould Cheikh

source : Le calame

Samedi 13 Juin 2009
Boolumbal Boolumbal
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