Election présidentielle: Le 18 juillet est-il faisable?



Election présidentielle: Le 18 juillet est-il faisable?
L’accord de Dakar ou ce qui en reste prévoit la tenue de l’élection présidentielle, le 18 juillet, pour le premier tour. Cette date paraît aujourd’hui difficilement tenable, si tant est qu’on veuille bien organiser une élection acceptable, consensuelle. En effet, depuis le paraphe officiel, le 2 juin dernier, les choses sont au point mort. Comme on s’y attendait, des blocages ont apparu. Même s’ils sont surmontables, avec une petite dose de bonne volonté des protagonistes, ces blocages mettent, déjà, à rude épreuve, les termes de l’accord, mais aussi les nerfs des Mauritaniens qui avaient commencé à espérer. Le bout du tunnel avait apparu. Un tunnel que les obstacles sont en train d’obstruer.

L’accord de Dakar, fruit d’un compromis obtenu – d’aucuns pensent, imposé – par la communauté internationale, qui n’a ménagé aucun effort, pour aider la Mauritanie à sortir de l’impasse politique mais aussi économique, est, certes, imparfait. Les diplomates et d’autres observateurs n’ont pas manqué de le constater, mais il fallait trouver une issue, et ce fut fait.
Hier encore, les choses butaient sur le consensus autour de la personne d’un PM que doit désigner le camp du candidat Aziz. Celui-ci avait choisi de reconduire l’actuel locataire de la Primature. Même si Moulaye Ould Mohamed Laghdaf a su garder un peu d’«autonomie», il s’est, toujours, bien gardé des sorties, genre Cheikh El Avia, Sghair Ould M’Bareck ou Sidi Mohamed Ould Boubacar et le choix porté sur l’actuel PM avait de forts relents de mépris, vis-à-vis du front du refus et du groupe de contact international. Certes, le texte n’octroie, nulle part, au FNDD et au RFD, la possibilité d’opposer un veto mais il parle de consultation, ce qui suppose, naturellement, un accord, un consensus. Subtilité diplomatique. Faire fi de cela témoigne d’un refus de discuter, d’un refus de céder sur l’essentiel. A Dakar, le front du refus avait avalé beaucoup de couleuvres, subi trop de pressions pour signer, le 2 juin, il ne voudrait plus, semble-t-il continuer, à le faire dans la mesure où elle estime que c’est, maintenant, au camp adverse de faire montre plus de plus de souplesse. Le choix d’un PM consensuel participerait de cela, le refus ressemblerait fort à une fuite en avant ; à une énième tentative d’édulcorer, falsifier, le sens des engagements pris.
Ne tuez pas l’esprit de Dakar, messieurs !

L’autre pomme de discorde paraît relever d’une querelle de symboles. Sidi Ould Cheikh Abdallahi voudrait, avant de rendre l’écharpe présidentielle, s’adresser aux Mauritaniens, à partir du palais présidentiel où les éléments du BASEP d’Ould Abdel Aziz sont venus le cueillir, ce 6 juin. Une façon de sortir avec les honneurs dus à un ancien chef d’Etat. Alors, au nom de quoi, le candidat Aziz, publiquement démissionnaire de toute fonction publique et militaire, et pas encore élu, par les Mauritaniens, peut-il s’opposer à ce souhait du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi? Cet homme qui a été humilié, voué aux gémonies, déporté à Lemden, mérite mieux que cela. En refusant cet engagement verbal tenu, à Dakar, devant les facilitateurs, le camp d’Aziz, voudrait éviter, très certainement perdre la face, se dédire. En effet, au fort de la rectification, le général avait publiquement laissé entendre que le vieux marabout ne reviendrait jamais au palais, même pour quelques secondes. Sa parole, contre celle de la communauté internationale. Pour ce camp, une cérémonie officielle au palais consacrerait l’échec du putsch, ce que Sidioca a toujours proclamé.
Or, cette cérémonie, solennelle, au palais de la République, constitue, avant tout, le rétablissement de la fonction présidentielle. Le paradoxe de la situation est que l’annonce de la démission de Sidi marque, tout à la fois, l’aboutissement du putsch et sa fin. C’est en cela que tout le monde peut s’estimer gagnant. Ce n’est pas que le droit triomphe de la force, c’est que la force reconnaît la prééminence du droit et que le droit admet la réalité de la force. L’un et l’autre, au service du bien commun. C’est sur cette échelle de valeurs que peut se construire une réelle démocratie, celle, spécifique de la Mauritanie. Tous les postulants au fauteuil suprême doivent entendre que la solennité de la démission de Sidi porte, en germe, celle de l’intronisation du prochain président. Plus noblement s’en va Sidi, plus posément s’assoira son successeur élu : le droit en haut – azzahir – la force en dessous – al bâtine. Ainsi, au-delà des faces sauvées et de la satisfaction relative des ego, c’est le pays, tout entier, qui va gagner quelques grands pas vers la réconciliation enclenchée à Dakar, sinon, ce Dakar-là n’aura servi à rien.
Aujourd’hui, comme hier avec les négociations de Dakar, les Mauritaniens commencent à s’impatienter, à s’inquiéter, surtout, pour leur avenir. Ils se demandent si l’on peut, avec la tournure actuelle prise par les évènements, organiser un scrutin présidentiel sérieux. D’ailleurs, pour beaucoup, organiser un scrutin présidentiel dans les conditions actuelles signifierait la mort de Dakar, hypothéquant, en conséquence, l’avenir du pays.
Le communiqué, publié par le conseil de paix et de sécurité de l’UA, le 12 juin, demande, aux uns et aux autres, de se conformer à l’esprit et à la lettre des accords de Dakar, ce qui signifie, entre autres, que la date du 18 juillet doit être respectée. Est-ce un ultimatum? J’imagine le camp du candidat Aziz en train de jubiler. Un point de plus, dans le bras de fer avec le RFD et le FNDD. Mais les partisans du général, qui s’inquiètent de l’entrée des poids lourds dans la bataille, devraient éviter d’avoir trop courte mémoire. L’élection gagnée à l’avance, au Togo, s’est soldée par une contestation nationale et internationale qui a conduit le pays au bord d’un précipice dont, en Mauritanie, le HCE voulait justement le tirer le sien, en s’emparant du pouvoir, le 6 août 2008. L’esprit de Dakar exigera, peut-être, qu’on considère un délai minimal, imprescriptible, entre la mise en place du gouvernement d’union nationale et le premier tour de l’élection présidentielle…

FNDD : pour un choix de rupture
Depuis quelques jours, tout Nouakchott est suspendu à la désignation d’un candidat du front aux présidentielles du 18 juillet. Selon diverses rumeurs concordantes, ce choix pourrait porter sur Messaoud Ould Boulkheir, président de APP et de l’Assemblée nationale. Si ce choix se confirme, il marquera une véritable rupture, fera tomber nombre de préjugés, parce qu’aussi, nos acteurs politiques auront prouvé, au-delà et à travers l’accord de Dakar, qu’ils ne sont pas «fossiles», qu’ils savent, quoiqu’on ait dit sur eux, qu’ils peuvent s’accorder sur l’essentiel c'est-à-dire : la Mauritanie.
En outre, le choix en question serait, réellement, justifié. D’abord parce que le leader de l’APP et de la cause des Hartanis, mais aussi de tous les laissés-pour-compte ; en somme, pour la démocratie ; a fait montre d’une constance, inébranlable, dans son combat politique. Cette fermeté dans son combat contre la junte au pouvoir, son refus de succomber, comme certains de ses collègues, députés ou sénateurs, aux sirènes stridentes des militaires et aux offres, mirobolantes, des généraux, ont contribué à renforcer l’aura du tribun, à susciter respect et admiration. Messaoud Ould Boulkheir a su démontrer, à tout le monde, que son combat n’est pas, seulement, celui des Hartanis, mais de tous les hommes épris de paix et de justice. Enfin, le choix sur Messaoud viendrait couronner, reconnaissons-le tous, une carrière politique bien remplie. L’homme aura passé presque toute sa vie, dans l’arène politique où il s’est, vite, imposé en incontournable.

Louleid et Kaba : pour une candidature unique de l’opposition.
L’entrevue entre le candidat Mohamed Ould Abdel Aziz, Louleid Ould Wedad et son ami Kaba Ould Elewa, deux grands barons du régime d’Ould Taya a suscité un vif intérêt, au sein de la classe politique. De quoi Aziz a-t-il parlé avec ces hommes, qu’il qualifie, tous, de Roumouz el fassad, depuis qu’il a pris le pouvoir? Mystère! Pour certains sites électroniques, favorables au général Aziz, l’entretien s’est passé dans une ambiance «cordiale», pour d’autres, en revanche, l’entretien fut «houleux» Quoi qu’il en soit, la rencontre a bien eu lieu, au moment où tous les observateurs pensaient que les deux hommes allaient atterrir chez Ely Ould Mohamed Vall, candidat déclaré, depuis la signature de l’accord de Dakar.
Apparemment, l’entretien n’aurait pas produit l’effet attendu par le camp d’Aziz, vu que, dans l’après-midi, les deux hommes ont rendu visite à Messaoud Ould Boulkheir et au candidat Ahmed Ould Daddah. Selon certaines confidences, ils souhaiteraient que l’opposition présente une candidature unique, au sein de l’opposition RFD/FNDD. Un accord de désistement en faveur de celui qui arriverait au second tour serait en cours d’élaboration.
De fait, depuis qu’ils ont choisi de marquer leur différence, en refusant de s’embarquer dans le parti politique d’Aziz, pour ne pas être menés en bateau par des «politiciens inexpérimentés», les faits et gestes de Louleid Ould Wedad, tout puissant homme de l’ombre d’Ould Taya, et Kaba Ould Elewa, ancien ministre de celui-ci, sont suivis, avec intérêt, par la classe politique, surtout depuis l’accord de Dakar.

Ely : offensive de charme
Depuis qu’il a officialisé sa candidature, Ely Ould Mohamed Vall, ex-chef d’Etat, sous la transition 2005-2007, multiplie ses visites de courtoisie, aux hommes politiques et autres notables. Cette offensive de charme vise, naturellement, à «honorer» les hôtes de sa candidature et à solliciter des soutiens. Avec les candidats, il a été question de coordonner une stratégie de combat, éventuellement des accords de désistement, pour le second tour. Celui qui avait conféré, longuement, avec le candidat Ahmed Ould Daddah, à la veille du voyage de Dakar, ne ménage pas son souffle pour rencontrer toutes les personnes-ressources du pays.
Après les acteurs politiques, Ely a rendu visite à tous les notables négro-mauritaniens de Nouakchott auprès desquels l’homme cherche des soutiens. Les vieux fossiles de la communauté, champions, depuis 1960, de la compromission, ont reçu la visite de celui qui est considéré comme le plus redoutable adversaire d’Aziz. Cet ancien directeur de la sûreté a l’avantage de connaître, parfaitement, Maures et Négro-mauritaniens, il y compte de nombreuses connaissances et, donc, de nombreux canaux électoraux…
Du côté de l’armée, l’ancien directeur de la sûreté ne semble pas bénéficier d’un important capital de sympathie. Selon un sous-officier, Ely n’a eu, pendant la transition, d’attention que pour les officiers supérieurs, à qui il aurait accordé de substantielles augmentations de salaire et d’indemnités. Cependant, la candidature d’Ely semble préoccuper, beaucoup, l’état-major d’Aziz où l’on se dit convaincu que l’homme dispose de beaucoup de moyens qu’il n’hésitera pas à user pour «abattre» son cousin. C’est pourquoi, depuis peu, le staff azizien est en train de revoir sa stratégie de campagne. La première étant jugée chaotique, les responsables entendent, désormais, mouiller les maillots et, très certainement, délier les cordons de la bourse. Une campagne volontariste ne paie pas, les Mauritaniens sont connus pour ça. En Pulaar, on dit que rien ne sert à rien.
Du coup, la campagne électorale qui se prépare sera, certainement, très rude, fratricide, même, entre les deux cousins. Noms d’oiseaux, délations, dénigrements, grand déballage, vont, probablement, garnir le lexique de la campagne. Ca risque fort de voler très bas, et les deux camps s’y préparent, activement.

Aziz : un voyage plein de supputations
C’est en plein blocage dans l’exécution de l’accord de Dakar que le candidat Aziz décide de quitter Nouakchott pour Paris, affirment certains ; pour Libreville, au Gabon, croient d’autres.
Dans la capitale française, Aziz répondrait à une convocation du très bouillant Sarkozy, dont la mémoire connaît, on le sait, des fuites récurrentes. Pour les partisans de cette thèse, Sarkozy dira ses quatre vérités à Aziz. Pour d’autres, Aziz va à Paris, avec son homme de confiance, son directeur de cabinet et son épouse, pour solliciter l’appui des puissants lobbys de la Françafrique. Le candidat qui avait reçu, à Nouadhibou, les émissaires de l’Elysée, en pleine négociation de Dakar, voudrait s’assurer de l’appui des réseaux de celle-ci. Encore et toujours elle ! Même tonalité, quant au voyage dans la capitale gabonaise où Aziz présenterait des condoléances à la famille Bongo. Quelle signification politique, pour un tel geste? La dépouille du grand dictateur arrivait le jeudi et l’inhumation serait programmée, une semaine plus tard, le 18 juin. Cela aurait laissé du temps, en effet, pour rencontrer tous les hommes de la Françafique, venus préparer la succession de Bongo…Mais Aziz est revenu entretemps le samedi 13 juin. De Paris.

Dalay Lam


Mercredi 17 Juin 2009
Boolumbal Boolumbal
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