Ely Ould Mohamed Vall, ancien chef d’Etat, aura, donc, déclaré sa candidature à présidence de la République, aussitôt après la signature de l’accord de Dakar. Le 6/6, retiendra, peut-être, la petite histoire, ironisant sur les ambitions plébiscitaires de son cousin…
Mais la question que nous posons est de savoir pourquoi cet homme, un des plus grands policiers de notre République, s’était-il muré dans un silence troublant, depuis qu’Aziz s’est emparé du pouvoir, le 6 août 2008. Dix mois. Dix longs mois. Selon des rumeurs insistantes, l’homme aurait condamné le putsch, en privé, sans jamais s’y risquer, en public. Pourquoi? Des manifestations ont été réprimées, il n’a pas pipé mot ; le CMJD, qu’il avait dirigé, de 2005 à 2007, a été accusé de mauvaise gestion et de dilapidation de 400 millions de dollars. Là, tout le monde s’est dit que, directement visé, l’ex-chef de l’Etat va répondre, parce que les mauritaniens méritent une mise au point. Toujours rien. Il aura fallu attendre cet accord, négocié sans lui, pour que le colonel Ely se rappelle, subitement, à notre plus ou moins bon souvenir.
Si le pays continuait à s’enliser, avec, à sa tête, un général Aziz, le colonel Ely se tairait-il, encore, attendrait-il que la nation sombre, totalement, pour sortir de nulle part et se poser, une fois de plus, en sauveur? Quel pays! Quelle armée! Quel peuple! Cela dit, il y aurait des circonstances «atténuantes». Pour un certain nombre de citoyens, Ely se méfiait, beaucoup, de son cousin, qui n’aurait pas hésité, une seule seconde, selon eux, à le mettre aux arrêts, comme disent les militaires, s’il ouvrait, publiquement, la bouche. Selon diverses rumeurs difficiles à confirmer, lorsque le colonel moustachu a commencé à recevoir, chez lui, sympathisants, amis et autres courtisans, le priant de se présenter à la prochaine élection, les policiers qui gardaient sa maison auraient été relevés et Aziz se serait rendu, en personne, au domicile de son cousin, brandissant, dit-on, trois permis d’occuper. Deux, au nom d’Ely; le troisième, à celui de son épouse. Il s’agirait de plusieurs hectares, du côté du palais des congrès, sur la route de Nouadhibou et sur celle d’Akjoujt. En période de lutte contre la gabegie, ça ressemble, fort, à une intimidation. Manière de lui dire : «toi aussi, tu fais partie des roumouz el vassad, que je fustige, si bien, dans mes sorties très médiatisées…».
Homme de l’ombre d’abord
Mais l’affaire parait trop simple, simpliste même. Ely Ould Mohamed Vall n’est pas n’importe qui. On ne dirige pas, deux décennies durant, la sûreté d’un Etat policier, pour rien. Ely, à travers ses dalmatiens, connaît tout le monde, même si ses services n’ont pas vu venir le coup d’Etat des cavaliers du changement. Resté dans l’ombre d’Ould Taya, l’officier est loin d’être un naïf; il a quelque chose dans la tête. Son court passage, à la tête de l’Etat, a montré comme l’homme est futé et rompu aux manœuvres politiciennes. Si Ely s’est longtemps tu, c’est certainement parce qu’il a su sentir les choses venir et attendre, en bon stratège, tout simplement. Quand on a la carrure d’un chef d’Etat, on n’est, forcément, obligé de sortir les poubelles…
La tension avait monté à tel point, selon toujours ces mêmes rumeurs, que des démarches auraient été entreprises pour rapprocher les différents clans de la tribu; on aurait, même, dépêché des émissaires, auprès de Khattou, à Lemden, pour lui proposer de faire la paix, contre l’abandon des poursuites contre sa fondation. Un autre scénario – plus osé, celui-là – est, également, évoqué. Aziz céderait la place à son cousin Ely, au terme de la «rectification». Mais, c’est méconnaître, semble-t-il, l’ambition d’Aziz, qui supporte assez, déjà, de n’être reconnu que par le nom de son père, pour accepter de jouer, encore, le rôle de porteur de valises des chefs d’Etat. D’autant que madame lui aurait signifié que ça suffit comme ça, les emplois de seconds couteaux. Ce que femme veut, Dieu le veut? En Mauritanie, monsieur doit, en tout cas, vouloir. Aujourd’hui, si la candidature d’Ely se confirme, la rupture est plus que consommée entre les deux hommes. Ceux qui pensent qu’il s’agit d’un jeu entre les deux cousins, se sont trompés d’analyse, à moins que le reste de la famille ne réussisse à jouer les pompiers de service.
Mais, si Ely n’est pas Wade, il disposerait, lui aussi semble-t-il, d’entrées diverses, dans les fameux réseaux de la France-Afrique, et tout porte à croire que les deux hommes sont, d’ores et déjà, en train de peaufiner leur stratégies de guerre pour en découdre, le 18 juillet prochain. Et si les deux hommes se retrouvaient, au 2ème tour? Si l’un d’eux était opposé, alors, à un Daddah ou un Messaoud Ould Boulkheir? Que ferait l’autre? Les observateurs s’essaient, déjà, à plusieurs grilles d’analyses. Ils ont, manifestement, du pain sur la planche…
Transition 2005 : un goût d’inachevé.
Il n’était un secret, pour personne, qu’Ely Ould Mohamed Vall balisait le terrain, pendant la transition, pour son retour à tête de la République Islamique de Mauritanie. Un peu comme ATT au Mali, et, si ATT, lui non plus, n’est pas Ely, le Mali n’est pas la Mauritanie. C’est peut-être pourquoi, en arrivant au pouvoir, notre colonel s’est barricadé derrière une espèce de «légalité» pour refuser de regarder, comme il le disait, «le fond des tiroirs», en évitant de susciter le courroux de ses anciens amis, symboles de la gabegie, et s’est abstenu, aussi, d’engager une véritable bataille sur le front des droits de l’Homme.
Pourtant, le contexte politique de l’époque était très favorable et s’y prêtait amplement. Les partis politiques soutenaient tous, excepté le PRDR, le coup d’Etat, la communauté internationale aussi. Le CMJD, contrairement au HCE, bénéficiait d’un consensus assez large pour véritablement régler tous les problèmes politiques du pays, le passif humanitaire, la cohabitation, etc. Il ne s’y est pas résolu et, si le colonel Ely et ses amis du CMJD ont réussi, durant cette transition, à «sauver le pays du précipice», leurs manœuvres ont conduit, inéluctablement, au putsch rectificateur de 2008. La conduite, presque unilatérale, du processus, le refus de mettre en place un gouvernement d’union nationale, la rédaction d’une constitution peu ou prou discutée, l’organisation et la gestion des journées de concertation et des élections, les candidatures indépendantes, le refus de définir la place de l’armée dans nos institutions, le soutien ouvert à un candidat à l’élection présidentielle de 2007, la continuelle immixtion des militaires, dans le champ politique, au lendemain du scrutin présidentiel, ont vite installé le pays dans une espèce de confusion.
Mais un programme limité à vingt-quatre mois – qui se résumèrent, dans les faits, à dix-neuf – pouvait-il mieux gérer la période et son contexte? A-t-on, par ailleurs, réellement fait les comptes du travail réalisé par le gouvernement de transition? On manque, à vrai dire, d’analyses détaillées et sérieuses. Une chose reste certaine, cependant : la communauté internationale a soutenu, salué et accompagné notre transition ; notre expérience démocratique fut citée en exemple, partout dans le monde. Les institutions financières ont délié les cordons de leurs bourses. Et notre président, élu avec la bénédiction appuyée du CMJD, a plaidé, en voyageant beaucoup (trop?) à travers le monde, loin la cause de notre nation…
Il n’empêche. Aujourd’hui, Ely et Aziz, qui ont tout manœuvré, avec la complaisance de certains chefs de partis politiques, sont-ils suffisamment qualifiés pour solliciter les suffrages des Mauritaniens? La candidature de Sidi, c’est eux, le refus de régler les problèmes pendants, c’est encore eux. Le «blocage des institutions», c’est toujours eux. Tous nos maux viennent de cette transition au goût inachevé. Ibrahima Sarr et Messaoud avaient mis en garde la classe politique, aveuglée à l’époque, par une transition qualifiée de réussie contre les conséquences d’une telle simplification outrancière.
Par ailleurs, le colonel Ely traîne, osons le dire, quelques casseroles : la complicité, pour ne pas dire la compromission, avec Ould Taya, durant 21 ans, le laxisme et la corruption qui gangrènent la police qu’il a dirigée depuis 1984, les exactions, diverses et nombreuses, couvertes par ses bons soins, etc. Le petit peuple le suspecte d’être en collision, d’une part, avec les forces rétrogrades que sont les notabilités et, d’autre part, avec les grands commerçants, les banquiers, etc. Les pauvres n’ont pas de place dans cet aréopage. Et comme sous Ould Taya, il n’a jamais levé le petit doigt pour dire non… Alors, messieurs et dames de Mauritanie, faites vos jeux…
Dalay Lam
Source: Le C.mr
Mais la question que nous posons est de savoir pourquoi cet homme, un des plus grands policiers de notre République, s’était-il muré dans un silence troublant, depuis qu’Aziz s’est emparé du pouvoir, le 6 août 2008. Dix mois. Dix longs mois. Selon des rumeurs insistantes, l’homme aurait condamné le putsch, en privé, sans jamais s’y risquer, en public. Pourquoi? Des manifestations ont été réprimées, il n’a pas pipé mot ; le CMJD, qu’il avait dirigé, de 2005 à 2007, a été accusé de mauvaise gestion et de dilapidation de 400 millions de dollars. Là, tout le monde s’est dit que, directement visé, l’ex-chef de l’Etat va répondre, parce que les mauritaniens méritent une mise au point. Toujours rien. Il aura fallu attendre cet accord, négocié sans lui, pour que le colonel Ely se rappelle, subitement, à notre plus ou moins bon souvenir.
Si le pays continuait à s’enliser, avec, à sa tête, un général Aziz, le colonel Ely se tairait-il, encore, attendrait-il que la nation sombre, totalement, pour sortir de nulle part et se poser, une fois de plus, en sauveur? Quel pays! Quelle armée! Quel peuple! Cela dit, il y aurait des circonstances «atténuantes». Pour un certain nombre de citoyens, Ely se méfiait, beaucoup, de son cousin, qui n’aurait pas hésité, une seule seconde, selon eux, à le mettre aux arrêts, comme disent les militaires, s’il ouvrait, publiquement, la bouche. Selon diverses rumeurs difficiles à confirmer, lorsque le colonel moustachu a commencé à recevoir, chez lui, sympathisants, amis et autres courtisans, le priant de se présenter à la prochaine élection, les policiers qui gardaient sa maison auraient été relevés et Aziz se serait rendu, en personne, au domicile de son cousin, brandissant, dit-on, trois permis d’occuper. Deux, au nom d’Ely; le troisième, à celui de son épouse. Il s’agirait de plusieurs hectares, du côté du palais des congrès, sur la route de Nouadhibou et sur celle d’Akjoujt. En période de lutte contre la gabegie, ça ressemble, fort, à une intimidation. Manière de lui dire : «toi aussi, tu fais partie des roumouz el vassad, que je fustige, si bien, dans mes sorties très médiatisées…».
Homme de l’ombre d’abord
Mais l’affaire parait trop simple, simpliste même. Ely Ould Mohamed Vall n’est pas n’importe qui. On ne dirige pas, deux décennies durant, la sûreté d’un Etat policier, pour rien. Ely, à travers ses dalmatiens, connaît tout le monde, même si ses services n’ont pas vu venir le coup d’Etat des cavaliers du changement. Resté dans l’ombre d’Ould Taya, l’officier est loin d’être un naïf; il a quelque chose dans la tête. Son court passage, à la tête de l’Etat, a montré comme l’homme est futé et rompu aux manœuvres politiciennes. Si Ely s’est longtemps tu, c’est certainement parce qu’il a su sentir les choses venir et attendre, en bon stratège, tout simplement. Quand on a la carrure d’un chef d’Etat, on n’est, forcément, obligé de sortir les poubelles…
La tension avait monté à tel point, selon toujours ces mêmes rumeurs, que des démarches auraient été entreprises pour rapprocher les différents clans de la tribu; on aurait, même, dépêché des émissaires, auprès de Khattou, à Lemden, pour lui proposer de faire la paix, contre l’abandon des poursuites contre sa fondation. Un autre scénario – plus osé, celui-là – est, également, évoqué. Aziz céderait la place à son cousin Ely, au terme de la «rectification». Mais, c’est méconnaître, semble-t-il, l’ambition d’Aziz, qui supporte assez, déjà, de n’être reconnu que par le nom de son père, pour accepter de jouer, encore, le rôle de porteur de valises des chefs d’Etat. D’autant que madame lui aurait signifié que ça suffit comme ça, les emplois de seconds couteaux. Ce que femme veut, Dieu le veut? En Mauritanie, monsieur doit, en tout cas, vouloir. Aujourd’hui, si la candidature d’Ely se confirme, la rupture est plus que consommée entre les deux hommes. Ceux qui pensent qu’il s’agit d’un jeu entre les deux cousins, se sont trompés d’analyse, à moins que le reste de la famille ne réussisse à jouer les pompiers de service.
Mais, si Ely n’est pas Wade, il disposerait, lui aussi semble-t-il, d’entrées diverses, dans les fameux réseaux de la France-Afrique, et tout porte à croire que les deux hommes sont, d’ores et déjà, en train de peaufiner leur stratégies de guerre pour en découdre, le 18 juillet prochain. Et si les deux hommes se retrouvaient, au 2ème tour? Si l’un d’eux était opposé, alors, à un Daddah ou un Messaoud Ould Boulkheir? Que ferait l’autre? Les observateurs s’essaient, déjà, à plusieurs grilles d’analyses. Ils ont, manifestement, du pain sur la planche…
Transition 2005 : un goût d’inachevé.
Il n’était un secret, pour personne, qu’Ely Ould Mohamed Vall balisait le terrain, pendant la transition, pour son retour à tête de la République Islamique de Mauritanie. Un peu comme ATT au Mali, et, si ATT, lui non plus, n’est pas Ely, le Mali n’est pas la Mauritanie. C’est peut-être pourquoi, en arrivant au pouvoir, notre colonel s’est barricadé derrière une espèce de «légalité» pour refuser de regarder, comme il le disait, «le fond des tiroirs», en évitant de susciter le courroux de ses anciens amis, symboles de la gabegie, et s’est abstenu, aussi, d’engager une véritable bataille sur le front des droits de l’Homme.
Pourtant, le contexte politique de l’époque était très favorable et s’y prêtait amplement. Les partis politiques soutenaient tous, excepté le PRDR, le coup d’Etat, la communauté internationale aussi. Le CMJD, contrairement au HCE, bénéficiait d’un consensus assez large pour véritablement régler tous les problèmes politiques du pays, le passif humanitaire, la cohabitation, etc. Il ne s’y est pas résolu et, si le colonel Ely et ses amis du CMJD ont réussi, durant cette transition, à «sauver le pays du précipice», leurs manœuvres ont conduit, inéluctablement, au putsch rectificateur de 2008. La conduite, presque unilatérale, du processus, le refus de mettre en place un gouvernement d’union nationale, la rédaction d’une constitution peu ou prou discutée, l’organisation et la gestion des journées de concertation et des élections, les candidatures indépendantes, le refus de définir la place de l’armée dans nos institutions, le soutien ouvert à un candidat à l’élection présidentielle de 2007, la continuelle immixtion des militaires, dans le champ politique, au lendemain du scrutin présidentiel, ont vite installé le pays dans une espèce de confusion.
Mais un programme limité à vingt-quatre mois – qui se résumèrent, dans les faits, à dix-neuf – pouvait-il mieux gérer la période et son contexte? A-t-on, par ailleurs, réellement fait les comptes du travail réalisé par le gouvernement de transition? On manque, à vrai dire, d’analyses détaillées et sérieuses. Une chose reste certaine, cependant : la communauté internationale a soutenu, salué et accompagné notre transition ; notre expérience démocratique fut citée en exemple, partout dans le monde. Les institutions financières ont délié les cordons de leurs bourses. Et notre président, élu avec la bénédiction appuyée du CMJD, a plaidé, en voyageant beaucoup (trop?) à travers le monde, loin la cause de notre nation…
Il n’empêche. Aujourd’hui, Ely et Aziz, qui ont tout manœuvré, avec la complaisance de certains chefs de partis politiques, sont-ils suffisamment qualifiés pour solliciter les suffrages des Mauritaniens? La candidature de Sidi, c’est eux, le refus de régler les problèmes pendants, c’est encore eux. Le «blocage des institutions», c’est toujours eux. Tous nos maux viennent de cette transition au goût inachevé. Ibrahima Sarr et Messaoud avaient mis en garde la classe politique, aveuglée à l’époque, par une transition qualifiée de réussie contre les conséquences d’une telle simplification outrancière.
Par ailleurs, le colonel Ely traîne, osons le dire, quelques casseroles : la complicité, pour ne pas dire la compromission, avec Ould Taya, durant 21 ans, le laxisme et la corruption qui gangrènent la police qu’il a dirigée depuis 1984, les exactions, diverses et nombreuses, couvertes par ses bons soins, etc. Le petit peuple le suspecte d’être en collision, d’une part, avec les forces rétrogrades que sont les notabilités et, d’autre part, avec les grands commerçants, les banquiers, etc. Les pauvres n’ont pas de place dans cet aréopage. Et comme sous Ould Taya, il n’a jamais levé le petit doigt pour dire non… Alors, messieurs et dames de Mauritanie, faites vos jeux…
Dalay Lam
Source: Le C.mr