Entretien Exclusif : Ibou Badiane,président de l’ARSEM " taxer les femmes sénégalaises en mauritanie de prostituées, est une accusation maladroitement développée pour salir l’image de la femme sénégalaise"



Entretien Exclusif : Ibou Badiane,président de l’ARSEM " taxer les femmes sénégalaises en mauritanie de prostituées, est une accusation maladroitement développée pour salir l’image de la femme sénégalaise"
Ibou Badiane ; président de l’Association des Ressortissant Sénégalais de Mauritanie

« … nous souhaitons de tout cœur qu’un consensus autour de cette crise soit trouvée pour l’intérêt du peuple mauritanien et des pays voisins qui ont de nombreux ressortissants dans ce pays… »

« … je dois avouer que celles-ci sont au beau fixe comme en atteste les rencontres mutuelles au plus haut sommet des Etats pour raffermir les relations sous tous les angles »…

La Mauritanie et le sénégalais sont deux pays voisins liés par la culture et le sang. C’est pourquoi il est très rare de voir un mauritanien qui ne pas de parent au Sénégal comme la Mauritanie ou une forte communauté sénégalaise reste installé depuis des années. Votre chasseur d’info est allé à la rencontre du président de l’association des ressortissant sénégalais qui nous parle sur la vie de ces derniers dans ce pays.

Riminfo.net : Présentez vous à nos lecteur !

M. Ibou Badiane est le président de l’association des ressortissants sénégalais de Mauritanie (ARSM) depuis septembre 2003. En Mauritanie depuis plus de 15 ans, journaliste et secrétaire d’administration de son état, M. Badiane a d’abord été secrétaire administratif de 1993 à 1996, puis secrétaire général de cette association de 1996 jusqu’à son élection à la tête de l’Arsm. Depuis lors, notre compatriote dirige avec dextérité cette association qu’il a restructurée en cellules par rapport aux Sénégalais résidant dans les 9 communes de Nouakchott et selon leurs zones de concentration. Aujourd’hui, pour des raisons d’obligations professionnelles, M. Badiane est sur le point de quitter la présidence de cette association qu’il compte léguer à ses successeurs. Dans cet entretien, il parle de la situation des Sénégalais en Mauritanie, des relations entre le Sénégal et la Mauritanie et revient sur le sujet concernant les mauvaises mœurs dont un des responsables s’est prononcé en mars dernier.

Riminfo.net : Parlez de la situation des sénégalais de Nouakchott ?

Ibou Badiane : « Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez pour m’exprimer dans vos colonnes de la situation des Sénégalais. Etant moi-même ressortissant sénégalais vivant cette situation, je dois vous avouer que la situation que vit la communauté sénégalaise en Mauritanie est des meilleures par référence à celle qu’a vécu le Sénégalais d’avant l’année 2000. J’ai l’habitude de dire que sur 1000 sénégalais résidant en Mauritanie, s’il y a 700 qui vivent dans des conditions de séjour appropriées, je considère véritablement que les Sénégalais n’ont pas de problèmes majeurs. Toutefois, les problèmes ne manquent pas. Mais on peut les considérer négligeables et pourront trouver des solutions idoines par la volonté des autorités compétentes des deux pays. Et cela est valable même si vous êtes dans votre propre pays de naissance. Les problèmes ne finissent pas et n’en finiront pas tant qu’on vit sur terre. Dieu soit loué. Depuis l’alternance survenue un certain 19 mars 2000 au Sénégal avec l’accession du Président Me Abdoulaye Wade au pouvoir, et la nouvelle donne que les relations d’amitié et de fraternité entre le Sénégal et la Mauritanie ont connu entre temps, la communauté sénégalaise est l’une des plus privilégiées des communautés étrangères vivant en Mauritanie. Et ça vous pouvez le vérifier. Cela a été le fruit d’un grand tournant des rapports historiques entre la Mauritanie et le Sénégal dont les origines se perdent dans la nuit des temps. Aujourd’hui, nous avons une communauté mieux intégrée en Mauritanie ».

Rminfo.net : Quelles sont les difficultés que rencontrent les sénégalais de Nouakchott ?

I.B : « Comme je disais tantôt, notre communauté est mieux intégrée en Mauritanie. Cependant, il y a toujours des problèmes récurrents que mes compatriotes ne me pardonneront pas de ne pas les soulever. Ce qui m’amène à dire que les problèmes avec lesquels nos compatriotes se trouvent généralement confrontés, sont essentiellement liés aux difficultés de scolarisation des enfants relatives au système éducatif mauritanien, l’obligation de se munir, à chaque entrée en territoire mauritanien, de la caution de 50 Euros, même pour ceux qui y résident pendant plusieurs années, l’entrave à la liberté de circulation des personnes et des biens, notamment à la frontière Rosso, les difficultés de transfert de fonds, un des problèmes majeurs, les tracasseries policières fréquentes, notamment pour les pêcheurs, les conflits du travail liés au fait que certains de nos compatriotes sont employés de manière informelle (cas des domestiques) ; certains Sénégalais encore employés, se plaignent souvent de licenciements abusifs, des tracasseries administratives ainsi que des lenteurs excessives des services de l’emploi et de la sécurité sociale, quand il s’agit du recouvrement de leurs droits. Il s’y ajoute le problème de l’arabisation même de la justice. Sur le plan sanitaire, nos compatriotes, souffrent du manque de couverture sanitaire. Faute de moyens, ils subissent parfois de légers traitements dans les hôpitaux ».

Riminfo.net : C’est vrai qu’au Sénégal on parle de mauvais comportements de certaines femmes sénégalaises de Nouakchott ; qu’en pensez-vous en tant que président de l’Association des Ressortissant Sénégalais de Nouakchott ?

IB : « Cette question vient à son heure. Vous savez, le problème de mœurs existe partout dans le monde. Ce n’est pas pour rien qu’on qualifie ce problème de « plus vieux métier du monde ». Donc, si l’on taxe les femmes sénégalaises de prostituées, c’est une accusation maladroitement développée pour salir l’image de la sénégalaise en Mauritanie. Car, il n’y a pas que des Sénégalaises qui le font en Mauritanie. D’autres nationalités plus réputées le font. Certes, on reconnaît que partout où il y a une trace de Sénégalaise, elle reste indélébile. Et par là, je comprendrai la précipitation des uns et des autres à taxer nos femmes de tels comportements. Mais je dois dire que cette frange de femmes n’est qu’une goutte d’eau salle dans un océan propre. Nos femmes sont de vraies travailleuses. Elles tiennent des restaurants, des salons de coiffures, elles sont des domestiques dans de grandes familles mauritaniennes et chez des Européens où elles s’occupent correctement des enfants. Elles sont aussi dans l’enseignement et les services etc. et partout dans les marchés. D’autres sont tout simplement de bonnes épouses. En tout cas, elles ont le « diom », cette image conférée aux Sénégalais de l’extérieur. C’est le moment d’ailleurs de m’élever contre les propos tenus par un de mes proches collaborateurs tenus au mois de mars dernier sur les ondes d’une radio sénégalaise et dont je tairai le nom. Parce que tout simplement les Sénégalais et les Sénégalaises se sont offusqués de tels propos qui ne les rendent pas service. Or, un responsable est enclin à faire de sorte qu’il n’y ait pas bévue entre sa communauté et son pays de résidence en évitant de tels propos qui n’honorent pas la communauté et sa représentation diplomatique. C’est le lieu de dire que ces propos n’engagent que son auteur. Le problème de mauvaises mœurs est général pour ne pas dire mondial. Je suis triste et choqué pour mon collaborateur qui est devenu tristement célèbre pour le seul fait d’avoir tenu de telles allégations. Je comprends certes ses préoccupations, mais la majorité a vu ses déclarations sous un autre angle, malheureusement le mauvais angle. Et c’est bien dommage »!

Riminfo.net : La communauté sénégalaise est-elle bien intégrée dans ce pays ?

«I.B : « Je crois avoir déjà répondu à cette question tout au début. Néanmoins, la pédagogie voudrait qu’on se répète pour mieux faire comprendre. J’ai tantôt dit que la communauté sénégalaise établie en Mauritanie, jouit des conditions de séjour privilégiées. Et par conséquent, elle est la mieux intégrée en Mauritanie parmi les autres. Cependant, il conviendrait de signaler la nécessité de nommer des consuls honoraires qui peuvent être des auxiliaires très précieux pour l’Ambassade. Le cas de Nouadhibou située à 470 km de Nouakchott où il y a une importante communauté sénégalaise et où nos compatriotes sont en difficultés en est une parfaite illustration ».

Riminfo.net : Que pensez vous des relations des deux pays frères ?

I.B : « Sans me verser dans un cours magistral pour démontrer la chaleur des relations d’amitié et de fraternité entre les deux pays, je dois avouer que celles-ci sont au beau fixe comme en atteste les rencontres mutuelles au plus haut sommet des Etats pour raffermir les relations sous tous les angles. Présentement, avec la crise politique mauritanienne née du coup d’Etat du 06 août 2008 avec le renversement du président mauritanien démocratiquement élu, le Sénégal est préoccupé. Et comme on dit, quand Dakar s’enrhume, Nouakcbott éternue et vis versa. Ainsi, après l’échec de la médiation libyenne, le Sénégal tente une nouvelle médiation pour réconcilier les frères mauritaniens. Et nous souhaitons de tout cœur qu’un consensus autour de cette crise soit trouvée pour l’intérêt du peuple mauritanien et des pays voisins qui ont de nombreux ressortissants dans ce pays. Ainsi, vingt ans après la réouverture des frontières suite aux évènements d’avril 1989, on peut affirmer sans ambages, que les relations entre le Sénégal et la Mauritanie ont franchi des étapes significatives comme l’atteste, nonobstant les difficultés évoquées plus haut, la forte présence de nos compatriotes dans les principales villes de Mauritanie.

Riminfo.net : Quelles sont les conseilles que vous allez donné aux jeunes qui veulent quitter leur pays pour venir à Nouakchott et aux jeunes qui sont installé déjà dans ce pays ?

I.B : « Vous savez, il n’y a pas meilleur conseil que celui qu’on nous donne au sein même de notre propre famille. Le bon comportement d’abord qui se traduit par le respect de l’autre. Ensuite, je crois qu’il est plus judicieux que quand on séjourne dans un pays, on doit respecter la loi en vigueur dans ce pays par la régularisation de ses conditions de séjour. Et cela passe pour les Sénégalais par s’immatriculer au niveau des services consulaires de l’Ambassade du Sénégal en Mauritanie, avant de songer à trouver un travail rémunérateur. Mais, le plus souvent, nos compatriotes ne prennent pas le taureau par les cornes. Ce qui engendre pour la plupart d’entre eux des conséquences néfastes pour leur séjour. Il faut donc, une fois arriver en Mauritanie, pays hospitalier au même titre que le Sénégal, se rapprocher de l’ambassade et des Sénégalais pour s’informer et préparer son installation pour ceux qui le désirent. Par contre, pour les candidats à l’immigration clandestine, je déconseille de se lancer dans ce phénomène qui a décimé toute une génération d’Africains en quête de l’eldorado européen. Il faut envisager son avenir avec patience quelque soit la situation ».

Sada Mbodj

Source: riminfo




Lundi 6 Juillet 2009
Boolumbal Boolumbal
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