Formation du gouvernement: Du plomb dans l’aile



Formation du gouvernement: Du plomb dans l’aile
Près de quinze jours après la signature de l’accord de Dakar pour un retour inclusif à l’ordre constitutionnel, les protagonistes de la crise politique et institutionnelle née du coup de force du 6 août 2008 poursuivent d’interminables négociations de mise en œuvre.
Le camp du général Mohamed Ould Abdel Aziz, attaché à la rectification par le putsch, et ses opposants, regroupés au sein de la coalition informelle Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD) et le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), se livrent à une véritable bataille de tranchées.

Objectif, gagner du terrain, aux forceps, pour se donner les meilleures chances, en vue de l’échéance, capitale, que représente le scrutin présidentiel dont la tenue est, encore, calée au 18 juillet 2009. Du coup, la formation du Gouvernement Transitoire d’Union Nationale (GTUN), prévu par l’accord de Dakar, a pris un retard préoccupant. D’un délai, déjà très court, de 45 jours pour organiser une élection aux normes internationales, la nouvelle équipe ne dispose plus que d’un mois pour tenir un tel pari.
Conséquence immédiate, le retour de la lassitude de l’opinion, après l’énorme espoir, suscité par la signature de l’accord-cadre du 2 juin 2009. Comme un écho à cet état d’esprit du mauritanien moyen, le Groupe de Contact International sur la Mauritanie (GCIM) exprime sa vive inquiétude. La crainte de nos partenaires s’est matérialisée par une déclaration, à l’issue de la 192ème réunion du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine (CPS/UA), tenue le 10 juin dernier, qui était consacrée aux négociations de Dakar et aux derniers développements de la situation politique, en Mauritanie. Le communiqué «exhorte les parties mauritaniennes à se conformer à la lettre et à l’esprit de l’accord-cadre et à mettre en œuvre, de bonne foi, les engagements pris, qu’ils se rapportent à la transition consensuelle, au processus électoral, y compris l’élection présidentielle dont le premier tour doit avoir lieu le 18 juillet 2009, aux mesures d’apaisement et de confiance, ainsi qu’à la poursuite du dialogue national inclusif».
Des avancées à pas de tortue
Après avoir, longtemps, buté sur le choix du Premier ministre, le FNDD et le RFD refusant la reconduction de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, considéré, quelque part, comme un «symbole» du putsch, les trois pôles sont parvenus à un compromis. L’option du général Aziz passe, finalement, avec une foule de conditions à travers lesquelles l’opposition au coup d’Etat espère avoir «neutralisé» le Premier ministre reconduit. Les divergences sur la gestion des différents commissariats (commissariat aux droits de l’homme et commissariat à l’investissement) ont été également aplanies par le gel de l’activité de ces institutions. Une autre avancée concerne le Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA), désormais placée sous la triple tutelle du ministère de l’intérieur, des finances, des affaires économiques et du développement.
Ces progrès dans la prétention des uns et des autres sont le résultat d’une action soutenue de la médiation sénégalaise, dont le moteur, le ministre des affaires étrangères, l’infatigable Cheikh Tidiane Gadio, continue de faire la navette, entre Dakar et Nouakchott, avec, parfois, de (grands) détours par certaines capitales occidentales (Washington et Madrid) pour aider la Mauritanie à sortir de la tourmente politique et institutionnelle.

Dissolution de la junte, dernier écueil
Après avoir trouvé un compromis, au sujet du choix du Premier ministre et de la question des commissariats, les acteurs de la crise mauritanienne restent, encore, confrontés à la question, lancinante, du Haut Conseil d’Etat (HCE), la junte militaire de onze membres, après le départ du général Mohamed Ould Abdel Aziz, auteur du coup de force du 12 août 2008. Le président renversé, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi conditionne sa démission, volontaire, à la dissolution de cette institution dont il estime que l’existence est incompatible avec l’ordre constitutionnel.
Le camp favorable au putsch «rectificatif» et certains de ses alliés, notamment extérieurs, voient, à travers le maintien de la junte, le gage d’une lutte efficace contre un certain nombreux de fléaux, comme la lutte contre le terrorisme ou l’immigration clandestine. Une vision de surface qui ne tient nullement compte des causes réelles de ces problèmes. L’Espagne et compagnie peuvent encore fonder mille HCE, pour renforcer le dispositif de «sécurité», cela ne changera, strictement rien, à l’insoutenable misère, dans les pays du Sud, source de l’immigration clandestine et du désespoir terroriste. Et n’évacuera pas le problème constitutionnel d’une instance militaire chapeautant l’exécutif…
Les médiateurs du GICM proposeraient une solution intermédiaire. Auto-dissolution du HCE, dans un premier temps, mettant un terme à son caractère putschiste. C’est une condition du rétablissement, plein et entier, de la fonction présidentielle constitutionnelle. Puis, mise en place d’un Conseil de Sécurité et de Défense (CSD), placé sous l’autorité, directe, du président de la République, comprenant le Premier ministre, le ministre de la défense, le ministre de l’intérieur, ainsi que les chefs de corps de l’armée et des forces de sécurité, avec des compétences et des prérogatives précises, discutées et entérinées par le Parlement.
En attendant que les uns et les autres décident de faire preuve de sagesse, la publication de la liste officielle du gouvernement reste encore «plombée».Ce qui renvoie à la question essentielle suivante : la Mauritanie peut-elle organiser, en un mois, un scrutin «crédible», conforme aux normes internationales?

Amadou Seck

Source: Le Calame

Mercredi 17 Juin 2009
Boolumbal Boolumbal
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