L'Edito de La Tribune / Mohamed Fall Ould Oumère



L'Edito de La Tribune / Mohamed Fall Ould Oumère

Les soutiens de Ould Taya sortent enfin de leur réserve. Ils manifestent publiquement dans la rue. Certains se posent la question : «pourquoi maintenant ?» La meilleure réponse : «pourquoi pas maintenant ?»

Après tout ce doit être la période la plus propice pour ceux d’entre les Mauritaniens qui jugent positif l’œuvre de Ould Taya. Et pour ceux qui trouvent que nous avons été injustes vis-à-vis de celui qui a dirigé le pays 21 ans durant.

Quatre ans presque après son départ, on se rend compte que les maux que nous dénoncions et dont nous souffrions réellement sont toujours là. Les hommes qui ont fait le système s’affairent aux premières loges de la scène nationale. Ils ont toujours les moyens matériels et les ressorts psychologiques pour en imposer au pays. Si bien qu’on se dit qu’il n’y a que Ould Taya qui est parti. Le système est resté dans ce qu’il a de pire. A qui la faute ?

D’abord aux auteurs du 3 août qui ont eu la faiblesse de croire que le changement pouvait se faire sans rupture totale et brutale avec le passé. Que cela commençait par la mise au ban de ses hommes et la condamnation systématique de ses méthodes. Sous le prétexte de vouloir éviter au pays les convulsions, les jeunes officiers de l’époque ont opté pour la «douceur» oubliant le risque de voir le mouvement récupéré et l’entreprise de changement avortée. C’était sous-estimer la capacité de nuisance du système dont la première victime était en fait Ould Taya lui-même.

Ensuite, il y a la responsabilité morale et politique de l’opposition de l’époque. C’est elle qui a été aux devants dans la lutte contre l’arbitraire des années durant. Ses leaders ont stigmatisé les méthodes et la gestion du système. Il est vrai que l’opposition de l’époque a subi plus qu’elle ne pouvait supporter. Si bien qu’elle a été incapable de prendre l’initiative et d’imposer le changement. Au lendemain du 3 août, ce qu’on lui demandait c’est de faire en sorte d’empêcher un retour en arrière et de refuser la réhabilitation du passé que nous avons tous fini par décrier. Echec et mat. Quatre ans après, le système de l’avant-3 août revient en force. Plus grave, ce sont ses hommes qui font et défont…

Moawiya Ould Taya est certainement le moins nocif de tous ceux qui prétendent aujourd’hui à un statut «normal» de notoriété. Alors pourquoi ne pas en réhabiliter l’image ? C’est ce que les inconditionnels de l’ancien président tentent de faire aujourd’hui. Après tout ces quatre années ont plus servi à «blanchir» - comme on fait avec l’argent de la drogue – les hommes qui ont fait et animé le système dont Ould Taya n’était devenu à la fin que le symbole, la devanture.

A la veille de l’élection présidentielle, il y a lieu de réagir pour ceux qui pensent que le plus gros risque pour le pays est le retour en arrière. Aux anciens opposants de décider d’en finir avec le système qui les a persécutés et qu’ils accusent d’avoir pillé le pays. Aux auteurs du 3 août de refonder leur mouvement et de relancer le débat sur la nécessité de rupture avec le passé et ses symboles. En seront-ils capables ?

Dans cette atmosphère qui commence à peser, avoir en première ligne les hommes du système d’avant le 3 août 2005, a de quoi inquiéter. On a l’impression que rien n’a changé à part le retour en force et en avant du personnel politique de l’époque décriée. Une collision malheureuse qui fait qu’aujourd’hui les symboles des combats politiques légitimes ou non sont éclipsés par les anciens serviteurs du régime subitement promus héros de la bonne cause.

C’est à peine si Ahmed Ould Daddah, Mohamed Ould Maouloud, Messaoud Ould Boulkheir, Jemil Ould Mansour et autres figures de l’ancienne opposition à Ould Taya, trouvent une place où prendre pied.

Malheureusement pour moi, je fais partie de ceux qui veulent croire qu’il y a un «avant» et un «après» 3 août. Que la bataille se situe là. Que le péché originel du processus enclenché au lendemain du renversement du régime de l’époque, c’est le refus d’agir en conséquence, de raisonner en conséquence. On en a oublié tout le mal qui a été fait, le rôle de chacun dans l’entreprise de domestication de la société mauritanienne, dans le pillage systématique des richesses du pays, dans l’opération d’interruption volontaire du développement de son pays, dans la prostitution de ses valeurs…

Pour retrouver le chemin, il est nécessaire de réhabiliter le 3 août 2005 et pour cela reparler de l’avant.


Mohamed Fall Ould Oumère
La Tribune n°453, du mardi 16 juin 2009



Mercredi 17 Juin 2009
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