On prend les mêmes et on recommence. Enfin, pas tout-à-fait les mêmes. Les négociations de Dakar 2 ont, donc, commencé, cette semaine, entre les trois pôles de la crise mauritanienne et les membres du Groupe de Contact International, sous l’égide du Sénégal.
Après Dakar 1 et la signature de l’accord-cadre de Nouakchott, les médiateurs, et les Mauritaniens avec eux, pensaient, pourtant, que le plus dur avait été fait, que le gouvernement d’union nationale allait être mis en place et qu’on s’acheminait, enfin, vers cette élection présidentielle constitutionnelle que tout le monde espérait de ses vœux. Mais patatras! L’échafaudage, patiemment construit dans la capitale sénégalaise, et dont les clauses «non-écrites» ont été comprises, différemment, par les uns et les autres, se grippe dangereusement. Le président Sidi, sa clé de voûte, dont la démission conditionne tout le reste, se raidit. Et pose comme condition à son départ la dissolution du HCE, la structure militaire issue du putsch du 6 août dernier qu’Ould Abdel Aziz s’entête à maintenir pour «raisons de sécurité».
Le raisonnement de Sidi, soutenu en cela par le FNDD et le RFD, est simple: cet organe n’est pas prévu dans la Constitution et, s’il ne disparaît pas, la tutelle de l’armée, sur la vie politique, sera calquée sur le modèle turc. Le «vieux» a, aussi, quelques comptes à régler, avec ses tombeurs, et ne rendra pas le tablier, avant de leur mettre le maximum de bâtons dans les roues. Il a, aussi, quelque part raison. La démocratie ne peut se prévaloir d’une autre surveillance, fut-elle militaire, que ses textes fondateurs. C’est soit le HCE, soit la Constitution, pleine et entière. Question subsidiaire : comment un candidat comme les autres, démissionnaire de l’armée de surcroit, peut-il avoir droit de vie et de mort, sur une institution militaire?
Sans se poser trop de questions – la curiosité est un vilain défaut, non? – les médiateurs essayent, tant bien que mal, de dépasser ce point qui risque de gâcher tout le reste. Ils proposent différentes formules dont la dernière est de faire, du HCE, une institution de sécurité, sous l’autorité du gouvernement. Proposition qui a été rejetée par les amis d’Ould Abdel Aziz. En attendant de sceller, ou non, le sort du HCE – c'est-à-dire, du retour à la Constitution, pleine et entière – les négociateurs ont décidé de passer aux autres points de l’accord, notamment celui relatif à la CENI, en prenant soin de distiller à la presse que l’élection présidentielle sera, toujours, organisée le 18 juillet. Un autre casse-tête. On se demande d’ailleurs par quel miracle, la consultation pourra avoir lieu à cette date, alors que rien n’est fait pour cela.
Le gouvernement d’union nationale n’avait-il pas 45 jours pour préparer valablement l’élection? Si une solution est trouvée, lui sera-t-il possible de le faire, en un temps aussi court? Là encore, nous risquons de nous retrouver avec un autre bras de fer, autrement plus difficile à gérer. Le général, qui n’a reculé son plébiscite du 6/6 que contraint et forcé, n’acceptera, jamais, un nouveau «report». Tout est là.
N’ayant pas su gérer, à son profit, l’accord du 4 juin – il suffisait, alors, de proclamer : «nous avons consenti, pour la Mauritanie, de ranger la force sous le droit» – la logique azizienne s’est ingéniée, d’une part, à réduire cet accord à un simple «report» du 6/6, en minant le processus de retour à la Constitution; d’autre part, à réduire, au maximum, la durée de vie du gouvernement d’union nationale et, donc, le temps d’information objective de l’opinion nationale, toujours étrangement tenue à l’écart, par les médias officiels, du contenu réel de l’accord de Dakar… Vent sec et chaud, poussière aveuglante sur le pays… Mais songe-t-il, notre généralissime amoureux de l’Harmattan, que le vent tourne, inexorablement? Dans quelques heures, quelques jours au plus tard, on balaiera la poussière et le peuple se nettoiera les yeux… Calmement, avec détermination, et la force, alors, retournera à sa place. Sous le droit, parce que c’est l’ordre, inéluctable, des choses…
Ahmed Ould Cheikh
Le Calame n°693, du mercredi 24 juin 2009