Un coup d’Etat militaire, en août 2008, suivi d’une bourrasque politique et institutionnelle de dix mois, conclue d’un accord-cadre, pour un retour à l’ordre constitutionnel, arraché au forceps et dont la mise en œuvre est impitoyablement verrouillée : la Mauritanie est, plus que jamais, dans l’œil du cyclone. Pays au bord de la crise de nerfs, par la faute de militaires, très peu soucieux de légalité, qui ont pris goût au jeu politique, dans son acceptation la moins valorisante, quasiment malsaine, et d’une classe politique inconsistante.
Obtenu, le 2 juin 2009, à Dakar, puis officiellement signé, en terres mauritaniennes, le jeudi 4 juin, l’accord pour un retour inclusif à l’ordre constitutionnel rencontre de nombreux obstacles, sur le chemin de sa mise en œuvre.
Des écueils, des peaux de bananes et autres chausse-trappes, dont certaines ont été vaincues, au cours des dix jours écoulés – choix du premier Ministre, gestion des commissariats, détails liés à l’organisation de la cérémonie de démission du président de la République. Cependant, une divergence, fondamentale, persiste, entre l’Union Pour la République (UPR) – camp de Mohamed Ould Abdel Aziz – et la coalition informelle opposée au coup d’Etat – Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD) et Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), désormais solidaires du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi.
Une incompréhension relative au sort du Haut Conseil d’Etat (HCE), junte à l’origine de la rupture de la légalité constitutionnelle, le 6 août 2008, qui donne lieu à un véritable dialogue de sourds, sur l’existence ou non de clauses non-écrites, en forme d’ententes secrètes, dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord Cadre de Dakar (ACD). En réalité, surtout, une différence fondamentale de lecture de cet accord. Simple report électoral et aménagements en rapport, pour le général et ses partisans, retour à la Constitution pleine et entière, impliquant, notamment, la dissolution du HCE, pour les autres.
Un constat de divergence à l’origine du blocage de la formation du Gouvernement Transitoire d’Union Nationale (GTUN), dont la composition a été établie, jeudi (11 juin), par le comité de suivi, alors que la date du scrutin présidentiel fixée au 18 juillet se profile à l’horizon. Pour parer à cette situation, ledit comité de suivi – médiation, groupe de contact et facilitation – a recommandé, à l’issue de la rencontre de jeudi dernier, la tenue d’une «session extraordinaire du Conseil de Paix de Sécurité de l’Union Africaine (CPS/UA), pour examiner la situation en Mauritanie» et «prendre les mesures appropriées, en vue de soutenir la mise en œuvre, diligente, de l’accord-cadre».
Par ailleurs, le même comité de suivi pour la mise en œuvre de l’ACD invite le GCIM à se réunir, dans les plus brefs délais, pour «rapprocher les positions» des trois pôles de la crise en Mauritanie, au sujet du HCE, dernier point d’achoppement de la mise en œuvre de l’accord». Ainsi, UPR, FNDD et RFD sont invités à reprendre le chemin de la capitale sénégalaise, pour un nouveau round de négociations, totalement imprévu.
FNDD et RFD toujours ouverts au dialogue ; ultimatum du général
La première réaction, dans la matinée du vendredi 19 juin est enregistrée du côté du FNDD. Les forces favorables au retour de la légalité constitutionnelle accusent le général Mohamed Ould Abdel Aziz d’avoir «renié ses engagements, à la dernière minute» et dénoncent «une dérive dangereuse», de nature à porter atteinte aux négociations, sous l’égide la médiation sénégalaise et de la communauté internationale. La coalition informelle RFD-FNDD revient à la charge, avec une déclaration, commune, publiée le samedi 20 juin, pour réitérer son attachement au dialogue, par la mise en œuvre effective de l’ACD.
Dans le camp de l’UPR, on engage le combat médiatique pour proposer à l’opinion nationale et internationale, une autre origine au blocage constaté dans la mise en œuvre de l’accord du 4 juin. Ainsi, au cours d’une conférence de presse, organisée le vendredi 19 juin, en fin d’après-midi, Sid’Ahmed Ould Raiss, coordinateur national de la campagne du candidat de la rectification, nie l’existence de clauses non-écrites et martèle, à son tour: «nous réaffirmons notre attachement à l’accord de Dakar. Nous sommes disposés à en appliquer toutes les clauses», avant d’inviter les «amis» de l’opposition à observer la même attitude… Suit, alors, un ultimatum: «si, au cours des prochaines 48 heures, le GTUN n’est pas formé, nous prendrons de nouvelles dispositions et les mesures techniques en vue de l’organisation de l’élection présidentielle».
Réaction conjointe de la coalition informelle RFD-FNDD qualifiant cette déclaration d’«étonnante». Au-delà, les forces anti-putsch maintiennent les allégations relatives à l’existence de clauses non-écrites : «les négociateurs et les médiateurs savent, pertinemment, que les deux questions en suspens sont relatives, respectivement, au rôle du président de la République et au sort du HCE. Des points objets d’un engagement ferme de son Excellence maître Abdoulaye Wade». Et de fait, ces deux points sont, intimement liés, à la question du retour, plein et entier, à la Constitution.
Nouvelle proposition pour régler la question de la junte
Après les premiers conciliabules et de nombreux apartés, pendant la nuit blanche du samedi 20 juin, la médiation sénégalaise et le GCIM avancent une nouvelle proposition, pour régler, définitivement, dimanche, la question du HCE. Elle consiste à laisser l’organe issu du coup d’Etat d’août 2008, dans sa composition initiale, tout en changeant son nom : Haut Conseil de Défense (HCD), et en le plaçant sous l’autorité du GTUN. Les délégués du RFD et du FNDD acceptent la proposition, après concertation interne. Mais l’UPR rejette l’idée du placement du futur HCD, sous l’autorité du gouvernement.
Retour, donc, à la case départ, lundi matin, avec la mission de trouver une nouvelle formule, acceptable de tous. Pour les partisans du général, ancrés, obstinément, dans la continuité du 6 août, le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qui n’a plus rien à perdre, se livre à une manœuvre dilatoire, un véritable marché de dupes, dans le but de «repousser, encore», la date de l’élection présidentielle, fixée au 18 juillet prochain, simple report du 6/6, et qui doit rester, selon eux, sous l’égide du HCE.
Cinglante réplique du camp anti-putsch: «de volte-face en reniements d’engagements, le général limogé et ses soutiens mettent à rude épreuve les nerfs des Mauritaniens et agacent la communauté internationale». Les Mauritaniens peuvent-ils trouver une formule de gouvernement plaçant douze officiers, auteurs d’un coup d’Etat militaire, le 6 août 2008, au dessus des institutions de la République? Existe-t-il un seul pays, sur la planète Terre, dont les organes de sécurité ne relèvent pas du gouvernement? Admettons qu’en fin de compte, Sidi ne démissionne pas, faute d’auto-dissolution du HCE, que le GTUN, se mette en place, sous la signature de M’Baré, et que le général ne gagne pas, malgré tout, l’élection du 18/7, c’est quoi, à ce moment-là, le HCE? La Mauritanie se paierait-elle, alors, le luxe de deux présidents de la République et d’un haut Conseil d’Etat, en prime?
Mais au-delà de la formation du gouvernement et de la démission du président de la République, déjà dépouillé de sa fonction de chef de l’Etat, la question, centrale, relève, aujourd’hui, de la possibilité, matérielle, d’organiser une élection présidentielle, conforme aux normes standards internationales, en 27 jours… Un pari qui ressemble, désormais, à une véritable gageure, dans un pays qui a besoin d’une véritable séance, collective, de remise à niveau psychologique. Une démarche qui aurait, pour objectif, d’exorciser les démons d’un putsch, parfaitement réussi sur le terrain, mais dont les auteurs peinent, visiblement, à trouver les marques et repères politiques, nécessaires à la mise en place d’un pouvoir durable.
Amadou Seck
Source: Le calame
Obtenu, le 2 juin 2009, à Dakar, puis officiellement signé, en terres mauritaniennes, le jeudi 4 juin, l’accord pour un retour inclusif à l’ordre constitutionnel rencontre de nombreux obstacles, sur le chemin de sa mise en œuvre.
Des écueils, des peaux de bananes et autres chausse-trappes, dont certaines ont été vaincues, au cours des dix jours écoulés – choix du premier Ministre, gestion des commissariats, détails liés à l’organisation de la cérémonie de démission du président de la République. Cependant, une divergence, fondamentale, persiste, entre l’Union Pour la République (UPR) – camp de Mohamed Ould Abdel Aziz – et la coalition informelle opposée au coup d’Etat – Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD) et Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), désormais solidaires du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi.
Une incompréhension relative au sort du Haut Conseil d’Etat (HCE), junte à l’origine de la rupture de la légalité constitutionnelle, le 6 août 2008, qui donne lieu à un véritable dialogue de sourds, sur l’existence ou non de clauses non-écrites, en forme d’ententes secrètes, dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord Cadre de Dakar (ACD). En réalité, surtout, une différence fondamentale de lecture de cet accord. Simple report électoral et aménagements en rapport, pour le général et ses partisans, retour à la Constitution pleine et entière, impliquant, notamment, la dissolution du HCE, pour les autres.
Un constat de divergence à l’origine du blocage de la formation du Gouvernement Transitoire d’Union Nationale (GTUN), dont la composition a été établie, jeudi (11 juin), par le comité de suivi, alors que la date du scrutin présidentiel fixée au 18 juillet se profile à l’horizon. Pour parer à cette situation, ledit comité de suivi – médiation, groupe de contact et facilitation – a recommandé, à l’issue de la rencontre de jeudi dernier, la tenue d’une «session extraordinaire du Conseil de Paix de Sécurité de l’Union Africaine (CPS/UA), pour examiner la situation en Mauritanie» et «prendre les mesures appropriées, en vue de soutenir la mise en œuvre, diligente, de l’accord-cadre».
Par ailleurs, le même comité de suivi pour la mise en œuvre de l’ACD invite le GCIM à se réunir, dans les plus brefs délais, pour «rapprocher les positions» des trois pôles de la crise en Mauritanie, au sujet du HCE, dernier point d’achoppement de la mise en œuvre de l’accord». Ainsi, UPR, FNDD et RFD sont invités à reprendre le chemin de la capitale sénégalaise, pour un nouveau round de négociations, totalement imprévu.
FNDD et RFD toujours ouverts au dialogue ; ultimatum du général
La première réaction, dans la matinée du vendredi 19 juin est enregistrée du côté du FNDD. Les forces favorables au retour de la légalité constitutionnelle accusent le général Mohamed Ould Abdel Aziz d’avoir «renié ses engagements, à la dernière minute» et dénoncent «une dérive dangereuse», de nature à porter atteinte aux négociations, sous l’égide la médiation sénégalaise et de la communauté internationale. La coalition informelle RFD-FNDD revient à la charge, avec une déclaration, commune, publiée le samedi 20 juin, pour réitérer son attachement au dialogue, par la mise en œuvre effective de l’ACD.
Dans le camp de l’UPR, on engage le combat médiatique pour proposer à l’opinion nationale et internationale, une autre origine au blocage constaté dans la mise en œuvre de l’accord du 4 juin. Ainsi, au cours d’une conférence de presse, organisée le vendredi 19 juin, en fin d’après-midi, Sid’Ahmed Ould Raiss, coordinateur national de la campagne du candidat de la rectification, nie l’existence de clauses non-écrites et martèle, à son tour: «nous réaffirmons notre attachement à l’accord de Dakar. Nous sommes disposés à en appliquer toutes les clauses», avant d’inviter les «amis» de l’opposition à observer la même attitude… Suit, alors, un ultimatum: «si, au cours des prochaines 48 heures, le GTUN n’est pas formé, nous prendrons de nouvelles dispositions et les mesures techniques en vue de l’organisation de l’élection présidentielle».
Réaction conjointe de la coalition informelle RFD-FNDD qualifiant cette déclaration d’«étonnante». Au-delà, les forces anti-putsch maintiennent les allégations relatives à l’existence de clauses non-écrites : «les négociateurs et les médiateurs savent, pertinemment, que les deux questions en suspens sont relatives, respectivement, au rôle du président de la République et au sort du HCE. Des points objets d’un engagement ferme de son Excellence maître Abdoulaye Wade». Et de fait, ces deux points sont, intimement liés, à la question du retour, plein et entier, à la Constitution.
Nouvelle proposition pour régler la question de la junte
Après les premiers conciliabules et de nombreux apartés, pendant la nuit blanche du samedi 20 juin, la médiation sénégalaise et le GCIM avancent une nouvelle proposition, pour régler, définitivement, dimanche, la question du HCE. Elle consiste à laisser l’organe issu du coup d’Etat d’août 2008, dans sa composition initiale, tout en changeant son nom : Haut Conseil de Défense (HCD), et en le plaçant sous l’autorité du GTUN. Les délégués du RFD et du FNDD acceptent la proposition, après concertation interne. Mais l’UPR rejette l’idée du placement du futur HCD, sous l’autorité du gouvernement.
Retour, donc, à la case départ, lundi matin, avec la mission de trouver une nouvelle formule, acceptable de tous. Pour les partisans du général, ancrés, obstinément, dans la continuité du 6 août, le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qui n’a plus rien à perdre, se livre à une manœuvre dilatoire, un véritable marché de dupes, dans le but de «repousser, encore», la date de l’élection présidentielle, fixée au 18 juillet prochain, simple report du 6/6, et qui doit rester, selon eux, sous l’égide du HCE.
Cinglante réplique du camp anti-putsch: «de volte-face en reniements d’engagements, le général limogé et ses soutiens mettent à rude épreuve les nerfs des Mauritaniens et agacent la communauté internationale». Les Mauritaniens peuvent-ils trouver une formule de gouvernement plaçant douze officiers, auteurs d’un coup d’Etat militaire, le 6 août 2008, au dessus des institutions de la République? Existe-t-il un seul pays, sur la planète Terre, dont les organes de sécurité ne relèvent pas du gouvernement? Admettons qu’en fin de compte, Sidi ne démissionne pas, faute d’auto-dissolution du HCE, que le GTUN, se mette en place, sous la signature de M’Baré, et que le général ne gagne pas, malgré tout, l’élection du 18/7, c’est quoi, à ce moment-là, le HCE? La Mauritanie se paierait-elle, alors, le luxe de deux présidents de la République et d’un haut Conseil d’Etat, en prime?
Mais au-delà de la formation du gouvernement et de la démission du président de la République, déjà dépouillé de sa fonction de chef de l’Etat, la question, centrale, relève, aujourd’hui, de la possibilité, matérielle, d’organiser une élection présidentielle, conforme aux normes standards internationales, en 27 jours… Un pari qui ressemble, désormais, à une véritable gageure, dans un pays qui a besoin d’une véritable séance, collective, de remise à niveau psychologique. Une démarche qui aurait, pour objectif, d’exorciser les démons d’un putsch, parfaitement réussi sur le terrain, mais dont les auteurs peinent, visiblement, à trouver les marques et repères politiques, nécessaires à la mise en place d’un pouvoir durable.
Amadou Seck
Source: Le calame