Les régimes militaires qui se sont succédés depuis le 10 juillet 1978 au pouvoir continuent de traîner des casseroles qui font beaucoup trop de bruits encore de nos jours. Excepté la courte accalmie de la période de règne d’un régime civil venu aux affaires à la suite des élections présidentielles de mars 2007, pouvoir auquel les militaires ont mis fin le 6 août dernier en déposant son détenteur légitime, Sidi Ould Cheikh Abdellahi, le pays tangue dangereusement.
Le général Mohamed Ould Abdel Aziz, auteur du coup d’état, n’hésite pas tôt dans la matinée de ce 6 août, d’arrêter le président renversé, le premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghef, le ministre de l’intérieur Mohamed Ould R’Zeïzim. Très vite, la communauté internationale notamment l’Union Africaine, le Conseil de Paix et de Sécurité de l’organisation continentale, l’Union Européenne, l’Organisation Internationale de la Francophonie, l’Organisation des Nations Unies condamnent le putsch et exige la libération de Sidi Ould Cheikh Abdellahi et son rétablissement dans ses fonctions. Peu tolérant à l’encontre des hommes politiques et de la société civile, le Haut Conseil d’Etat (HCE) mis en place au lendemain du coup de force, n’hésite pas à restreindre les libertés publiques et individuelles. Partis politiques, syndicats et organisations de la société civile contre le putsch (CGTM, CLTM, AMDH, FONADH, Journalistes) sont dans le collimateur de la junte militaire au pouvoir. Nous sommes au mois de juillet 2009, en pleine campagne électorale. Trois jeunes âgés de moins de 20 ans, sont arrêtés par le commissariat de police d’Arafat. Ils auraient été soupçonnés d’un vol commis au domicile d’un policier et d’un juge. Soumis à la torture physique par la technique du « Jaguar », ils passent aux aveux. Au parquet où ils étaient présentés devant le procureur, ils ne manquent pas de faire remarquer qu’ils sont passés aux aveux des faits qui leurs sont reprochés sous l’effet de la torture. Le procureur qui constate que le dossier est vide puisque aucune preuve n’étayant les accusations n’a été fournie, décide de les libérer. Pourtant
la constitution du 20 juillet 1991 donne des garanties en matière de libertés, d’expression, d’organisation et de respect des droits de l’Homme mais en pratique des manquements graves à ces dispositions constitutionnelles continuent d’être commis par les forces de sécurité. Surtout en matière de respect des droits de l’homme où aucun progrès visible n’a été enregistré. Au contraire, ces entorses se manifestent sous des formes multiples et variées. Et parmi ces formes, la torture physique et morale pour l’extorsion d’aveux aux présumés coupables d’actes de terrorisme ou autres. En vérité la torture est une pratique courante exercée en prison ou dans les commissariats de police contre des prévenus. Et effectivement c’est devenu une culture de nos forces de sécurité dans leur travail d’enquête pour livrer des « coupables » à la justice. Mais en tirant la sonnette d’alarme, Amnesty International dans son rapport publié en 2008 sur l’état de la torture en Mauritanie, enfonce le couteau dans une plaie béante qui ne trouve pas encore de remède. « « J’ai été arrêté chez moi vers 5 heures du matin, le 1er mai 2008, par un groupe d’environ dix policiers et militaires en tenue officielle. Deux d’entre eux portaient des tenues de sport. Ils ont cassé les vitres et pointaient les armes en direction de ma chambre à coucher. Ils m’ont mis un bandeau sur les yeux, m’ont menotté les mains dans le dos et m’ont emmené dans un lieu que je ne connaissais pas. Ils m’ont enfermé dans les toilettes et m’ont laissé là pendant deux jours, menotté et avec un bandeau sur les yeux. Le troisième jour, vers 4 heures du matin, ils ont commencé à m’interroger alors que j’étais fatigué car je n’avais pas pu dormir. Ils m’ont attaché les mains et les pieds derrière le dos. Ils m’ont suspendu en l’air durant dix à quinze minutes. Régulièrement, quand ils sentaient que j’allais m’évanouir, ils me redescendaient, puis me suspendaient à nouveau. Ils m’ont demandé si j’appartenais au groupe de salafistes. Les séances de torture, entrecoupées d’interrogatoires, ont duré une semaine. Cela se passait entre 3 heures et 9 heures du matin. J’ai été frappé sur toutes les parties du corps et j’étais obligé d’être courbé car ils avaient attaché mes mains et mes pieds à une chaîne. J’ai finalement avoué et reconnu tout ce dont ils m’accusaient ». Ce témoignage a été rapporté par l’organisation lors de deux enquêtes effectuées en Mauritanie.
En effet, de tous les régimes d’exception qu’a connus le pays après le coup d’état du 10 juillet 1978 contre le régime de feu Mokhtar Ould Daddah, celui de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya a été le plus féroce et le plus sanguinaire. Jamais un régime n’a été aussi négationniste des droits de l’homme et du respect de l’intégrité physique de la personne humaine. Accusés de coups d’Etat supposés ou réels, des militaires négro-africains en ont pâtit dans leur chair et dans leur sang. Les familles n’ont pas été épargnées non plus. Celles ou ceux qui ont échappé aux incarcérations et aux tortures en 1986, ont été victimes de purges au sein des différents corps de l’armée, de la garde, des douanes, de la police, de l’administration, des sociétés publiques et privées avant d’être déportés au Sénégal et au Mali à la suite des douloureux évènements sénégalo-mauritanien d’avril 1989.
Des morts et des disparus
Difficile d’oublier que l’homme de lettre feu Ten Youssouf Guèye est mort dans son incarcération du fait de la bêtise humaine. L’ancien ministre de Ould Taya, feu Djigo Tafsirou est également mort dans les mêmes conditions. Des décès il y en a eu plusieurs sous la torture. Les exécutions extrajudiciaires, les simulations d’exécution et autres traitements inhumains et dégradants ont lieu. Jusqu’ici, aucune affaire n’a été élucidée. Des plaintes sont déposées un peu partout à l’étranger et des mandats d’arrêt internationaux émis par des juridictions européennes pour la plupart contre les présumés tortionnaires mais les intéressés sont toujours tapis dans l’ombre et se la coulent douce sous l’œil bienveillant des autorités. Ces tortures n’ont pas touché qu’une ethnie, loin s’en faut, d’autres pour des motifs divers en ont également soufferts. Le 27 avril 2000 vers 17 heures, suite à l’arrestation 3 jours plutôt du secrétaire général de l’UFD/EN, Ahmed Ould Daddah, Me Mohamed Mahmoud Ould Lematt, avocat à la cour et membre du Bureau Exécutif de l’UFD/EN, fut trié dans une foule réunie au siège de son parti à Nouadhibou et sauvagement torturé avec d’autres militants, sur ordre et sous la supervision d’un commissaire de police. Immédiatement après les faits, Me Lematt fut transporté dans différents dispensaires de la ville mais n’a pu se faire soigner parce que toute réquisition médicale lui était refusée par les autorités régionales. Devant ce refus, le même soir, un collectif d’avocats de Nouadhibou fait constater les coups et blessures par 2 huissiers assermentés. Le 28 avril vers 9 heures, l’intéressé fait constater les coups et blessures par une vidéo amateur. N’ayant pu se faire soigner à Nouadhibou, Me Lematt se rend à Nouakchott le 28 avril au soir à la clinique CHIVA où il reçoit les premiers soins et se fait délivrer un certificat médical. Le 30 avril, Me Lematt dépose une plainte pour crime de torture auprès du procureur de la République de Nouadhibou contre le commissaire mis en cause. Le procureur classe sans suite cette plainte le même jour, sur ordre des plus hautes autorités de l’Etat. L’intéressé dépose une nouvelle plainte pour crime de torture auprès du juge d’instruction à Nouadhibou, en se constituant partie civile. L’affaire en est encore là sans espoir d’être jugé un jour.
En France, le 3 juin 2002, une plainte est déposée par M. Mohamed Baba, la Fédération Internationale des Ligues des droits de l’Homme et son affiliée française la Ligue des Droits de l’Homme, auprès du procureur du tribunal de grande instance de Clermond Ferrand, contre des policiers, de hauts responsables de la direction de la sûreté de l’Etat, un ancien ministre de l’intérieur et contre toute personne qui aurait participé aux faits incriminés et à des actes de torture perpétrés à l’encontre de M. Baba lors d’un séjour qu’il avait effectué en Mauritanie. Il est relâché le 21 avril 2002 après neuf jours de détention arbitraire, de tortures physiques atroces et de pressions psychologiques. Pour ses avocats, il n’est pas contestable que les faits qui lui sont reprochés sont constitutifs d’un crime de torture - tel que le définit l’article 1 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants de 1984 intégrée en droit pénal français - et incriminés par les articles 222-1 et suivants du code pénal français. Et ils ajoutent, « du fait de la nationalité française de la victime, M.Baba, la compétence des juridictions de ce pays ne souffre aucun doute (article 113-7 du code pénal et 689 et suivants du code de procédure pénale). Au regard de la gravité des actes commis, et de l’impunité systématique dont bénéficient en Mauritanie ceux qui se rendent coupables de tels crimes, les auteurs de la présente plainte espèrent que celle-ci recevra toute l’attention urgente et les suites qu’elle mérite ».
Moussa Diop
Source: Nechra
Le général Mohamed Ould Abdel Aziz, auteur du coup d’état, n’hésite pas tôt dans la matinée de ce 6 août, d’arrêter le président renversé, le premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghef, le ministre de l’intérieur Mohamed Ould R’Zeïzim. Très vite, la communauté internationale notamment l’Union Africaine, le Conseil de Paix et de Sécurité de l’organisation continentale, l’Union Européenne, l’Organisation Internationale de la Francophonie, l’Organisation des Nations Unies condamnent le putsch et exige la libération de Sidi Ould Cheikh Abdellahi et son rétablissement dans ses fonctions. Peu tolérant à l’encontre des hommes politiques et de la société civile, le Haut Conseil d’Etat (HCE) mis en place au lendemain du coup de force, n’hésite pas à restreindre les libertés publiques et individuelles. Partis politiques, syndicats et organisations de la société civile contre le putsch (CGTM, CLTM, AMDH, FONADH, Journalistes) sont dans le collimateur de la junte militaire au pouvoir. Nous sommes au mois de juillet 2009, en pleine campagne électorale. Trois jeunes âgés de moins de 20 ans, sont arrêtés par le commissariat de police d’Arafat. Ils auraient été soupçonnés d’un vol commis au domicile d’un policier et d’un juge. Soumis à la torture physique par la technique du « Jaguar », ils passent aux aveux. Au parquet où ils étaient présentés devant le procureur, ils ne manquent pas de faire remarquer qu’ils sont passés aux aveux des faits qui leurs sont reprochés sous l’effet de la torture. Le procureur qui constate que le dossier est vide puisque aucune preuve n’étayant les accusations n’a été fournie, décide de les libérer. Pourtant
la constitution du 20 juillet 1991 donne des garanties en matière de libertés, d’expression, d’organisation et de respect des droits de l’Homme mais en pratique des manquements graves à ces dispositions constitutionnelles continuent d’être commis par les forces de sécurité. Surtout en matière de respect des droits de l’homme où aucun progrès visible n’a été enregistré. Au contraire, ces entorses se manifestent sous des formes multiples et variées. Et parmi ces formes, la torture physique et morale pour l’extorsion d’aveux aux présumés coupables d’actes de terrorisme ou autres. En vérité la torture est une pratique courante exercée en prison ou dans les commissariats de police contre des prévenus. Et effectivement c’est devenu une culture de nos forces de sécurité dans leur travail d’enquête pour livrer des « coupables » à la justice. Mais en tirant la sonnette d’alarme, Amnesty International dans son rapport publié en 2008 sur l’état de la torture en Mauritanie, enfonce le couteau dans une plaie béante qui ne trouve pas encore de remède. « « J’ai été arrêté chez moi vers 5 heures du matin, le 1er mai 2008, par un groupe d’environ dix policiers et militaires en tenue officielle. Deux d’entre eux portaient des tenues de sport. Ils ont cassé les vitres et pointaient les armes en direction de ma chambre à coucher. Ils m’ont mis un bandeau sur les yeux, m’ont menotté les mains dans le dos et m’ont emmené dans un lieu que je ne connaissais pas. Ils m’ont enfermé dans les toilettes et m’ont laissé là pendant deux jours, menotté et avec un bandeau sur les yeux. Le troisième jour, vers 4 heures du matin, ils ont commencé à m’interroger alors que j’étais fatigué car je n’avais pas pu dormir. Ils m’ont attaché les mains et les pieds derrière le dos. Ils m’ont suspendu en l’air durant dix à quinze minutes. Régulièrement, quand ils sentaient que j’allais m’évanouir, ils me redescendaient, puis me suspendaient à nouveau. Ils m’ont demandé si j’appartenais au groupe de salafistes. Les séances de torture, entrecoupées d’interrogatoires, ont duré une semaine. Cela se passait entre 3 heures et 9 heures du matin. J’ai été frappé sur toutes les parties du corps et j’étais obligé d’être courbé car ils avaient attaché mes mains et mes pieds à une chaîne. J’ai finalement avoué et reconnu tout ce dont ils m’accusaient ». Ce témoignage a été rapporté par l’organisation lors de deux enquêtes effectuées en Mauritanie.
En effet, de tous les régimes d’exception qu’a connus le pays après le coup d’état du 10 juillet 1978 contre le régime de feu Mokhtar Ould Daddah, celui de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya a été le plus féroce et le plus sanguinaire. Jamais un régime n’a été aussi négationniste des droits de l’homme et du respect de l’intégrité physique de la personne humaine. Accusés de coups d’Etat supposés ou réels, des militaires négro-africains en ont pâtit dans leur chair et dans leur sang. Les familles n’ont pas été épargnées non plus. Celles ou ceux qui ont échappé aux incarcérations et aux tortures en 1986, ont été victimes de purges au sein des différents corps de l’armée, de la garde, des douanes, de la police, de l’administration, des sociétés publiques et privées avant d’être déportés au Sénégal et au Mali à la suite des douloureux évènements sénégalo-mauritanien d’avril 1989.
Des morts et des disparus
Difficile d’oublier que l’homme de lettre feu Ten Youssouf Guèye est mort dans son incarcération du fait de la bêtise humaine. L’ancien ministre de Ould Taya, feu Djigo Tafsirou est également mort dans les mêmes conditions. Des décès il y en a eu plusieurs sous la torture. Les exécutions extrajudiciaires, les simulations d’exécution et autres traitements inhumains et dégradants ont lieu. Jusqu’ici, aucune affaire n’a été élucidée. Des plaintes sont déposées un peu partout à l’étranger et des mandats d’arrêt internationaux émis par des juridictions européennes pour la plupart contre les présumés tortionnaires mais les intéressés sont toujours tapis dans l’ombre et se la coulent douce sous l’œil bienveillant des autorités. Ces tortures n’ont pas touché qu’une ethnie, loin s’en faut, d’autres pour des motifs divers en ont également soufferts. Le 27 avril 2000 vers 17 heures, suite à l’arrestation 3 jours plutôt du secrétaire général de l’UFD/EN, Ahmed Ould Daddah, Me Mohamed Mahmoud Ould Lematt, avocat à la cour et membre du Bureau Exécutif de l’UFD/EN, fut trié dans une foule réunie au siège de son parti à Nouadhibou et sauvagement torturé avec d’autres militants, sur ordre et sous la supervision d’un commissaire de police. Immédiatement après les faits, Me Lematt fut transporté dans différents dispensaires de la ville mais n’a pu se faire soigner parce que toute réquisition médicale lui était refusée par les autorités régionales. Devant ce refus, le même soir, un collectif d’avocats de Nouadhibou fait constater les coups et blessures par 2 huissiers assermentés. Le 28 avril vers 9 heures, l’intéressé fait constater les coups et blessures par une vidéo amateur. N’ayant pu se faire soigner à Nouadhibou, Me Lematt se rend à Nouakchott le 28 avril au soir à la clinique CHIVA où il reçoit les premiers soins et se fait délivrer un certificat médical. Le 30 avril, Me Lematt dépose une plainte pour crime de torture auprès du procureur de la République de Nouadhibou contre le commissaire mis en cause. Le procureur classe sans suite cette plainte le même jour, sur ordre des plus hautes autorités de l’Etat. L’intéressé dépose une nouvelle plainte pour crime de torture auprès du juge d’instruction à Nouadhibou, en se constituant partie civile. L’affaire en est encore là sans espoir d’être jugé un jour.
En France, le 3 juin 2002, une plainte est déposée par M. Mohamed Baba, la Fédération Internationale des Ligues des droits de l’Homme et son affiliée française la Ligue des Droits de l’Homme, auprès du procureur du tribunal de grande instance de Clermond Ferrand, contre des policiers, de hauts responsables de la direction de la sûreté de l’Etat, un ancien ministre de l’intérieur et contre toute personne qui aurait participé aux faits incriminés et à des actes de torture perpétrés à l’encontre de M. Baba lors d’un séjour qu’il avait effectué en Mauritanie. Il est relâché le 21 avril 2002 après neuf jours de détention arbitraire, de tortures physiques atroces et de pressions psychologiques. Pour ses avocats, il n’est pas contestable que les faits qui lui sont reprochés sont constitutifs d’un crime de torture - tel que le définit l’article 1 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants de 1984 intégrée en droit pénal français - et incriminés par les articles 222-1 et suivants du code pénal français. Et ils ajoutent, « du fait de la nationalité française de la victime, M.Baba, la compétence des juridictions de ce pays ne souffre aucun doute (article 113-7 du code pénal et 689 et suivants du code de procédure pénale). Au regard de la gravité des actes commis, et de l’impunité systématique dont bénéficient en Mauritanie ceux qui se rendent coupables de tels crimes, les auteurs de la présente plainte espèrent que celle-ci recevra toute l’attention urgente et les suites qu’elle mérite ».
Moussa Diop
Source: Nechra