La société va mal et les jeunes ont vraiment besoin de repère



La société va mal et les jeunes ont vraiment besoin de repère
« A-t-on cessé de transmettre la culture mauritanienne aux nouvelles générations ? » L’éducation tient une place considérable dans toutes les sociétés. C’est par elle que celles-ci s’appliquent à maintenir vivant et à affirmer leur idéal à imposer leur table de valeurs. Même si l’école est née pour suppléer à l’insuffisance des familles face au développement constant de la civilisation et à l’élargissement des connaissances, l’éducation a toujours existé sous une forme ou sous une autre.
De son côté, l’enseignement traditionnel a toujours préconisé l’éducation physique et spirituelle de l’enfant, afin de favoriser en lui l’apparition des aptitudes fondamentales qui font la grandeur de la personne et de l’aider à trouver son équilibre au sein des forces qui habitent en lui et dans le monde environnant.

Eduquer, c’est transmettre une culture de chez soit
Il n’y a pas d’être humain sans culture. Dia Amadou, professeur à l’université de Nouakchott, adopte deux définitions du mot culture. « La première établit une distinction entre la civilisation, entendue comme façonnement du milieu, des conditions d’existence, et la culture, façonnement de la vie intérieure de l’homme, de son âme. Selon lui, la seconde la culture est l’ensemble de tout ce qui a été réalisé dans le domaine de l’activité intellectuelle, de la conception du monde, de l’éthique et de l’esthétique. Ces deux définitions se rejoignent, nous le voyons, pour témoigner que l’essentiel, dans la culture, est le développement, l’enrichissement, le perfectionnement de la vie non matérielle. » « La culture serve de guide à l’individu pendant toute la vie. Il lui faudra, en permanence, s’adapter à de nouveaux modèles et se libérer des anciens qui perdent de leur efficacité à mesure que son rôle dans la société de modifie. Ainsi, passer du statut d’enfant à celui de père ou de mère, d’oncle ou de tante, comme passer du rôle de parents à celui de grands-parents, exige des changements qui sont d’autant moins intégrés que l’individu les a moins observés dans son entourage. L’éducation fournit un irremplaçable système de valeurs qui déterminent les attitudes et les comportements. »
Un enfant a nécessairement besoin de repères

Après une période de fusion avec sa mère, l’enfant a besoin de la présence et de l’affection de ses deux parents, d’autonomie et d’échanges avec son environnement. Pour le protéger, les parents doivent baliser l’espace où il se déplace par des interdits. Il prend d’ailleurs conscience qu’il existe des limites à ne pas franchir. Quand les raisons de l’interdiction lui sont clairement expliquées, il sait ce qu’il peut faire et se sent, à la fois, plus libre et plus en sécurité. Pour se construire, l’enfant a besoin de l’autorité parentale pour mettre ses désirs en accord avec la réalité et connaître ses propres ressources. Pour édifier sa conscience, les principes moraux doivent lui être enseignés et il doit apprendre à les respecter. Les enfants qui grandissent sans contraintes deviennent égoïstes, violents et parfois délinquants car, ils manquent de repères.
Quelle évolution l’éducation a prise ?

Autrefois, l’enfant mauritanien était le porteur des projets et des valeurs de la société. La famille transmettait une raison de vivre, un sens à la vie. La sexualité est gérée en fonction des valeurs qui conduisent nos vies et expriment les motivations profondes qui sont les nôtres. Aujourd’hui, la confusion personnelle dans laquelle vivent de nombreux parents rend difficile la transmission des valeurs créatrices de sens. Les jeunes de chez nous sont les premiers à subir les conséquences d’un manque de maturité de nombreux parents. Comme les adultes, et encore plus qu’eux, les jeunes ont un problème pour assumer leur sexualité. La grande nouveauté est que, dès le jeune âge, l’enfant échappe de plus en plus à l’influence de sa famille. Même s’il a la chance de vivre dans une famille saine et équilibrée, il passera plus de la moitié de son temps au-dehors : école, terrain de jeux, avec les voisins, au milieux d’un groupe ou dans la rue. L’éducation se fait autant, sinon plus, en dehors de la famille dans des milieux sur lesquels les parents n’ont pas, ou peu, de contrôle et dont quelquefois ils se désintéressent. Alors : Une nouvelle situation se crée et les parents sont les premiers désarçonnés, n’arrivant pas toujours à relier les différentes composantes de la réalité sociale. Les problèmes posés par l’éducation des enfants et les déviances de la jeunesse sont la conséquence de la non maîtrise de ce paysage social et culturel éclaté où les médias occupent une place assez complexe. La question que beaucoup de jeunes essayent de solutionner par eux-mêmes, à travers des comportements appelés marginaux, est en fait une recherche de sens. C’est le problème de la responsabilité des parents qui est posée.

Sachez que l’adolescence est une période difficile
Beaucoup de parents essaient de trouver une réponse à cette question : « Dans le monde d’aujourd’hui, comment éduquer mon enfant qui débute son adolescence ? »Selon un proverbe africain « Si le rythme du tam-tam change, le pas de danse doit s’y adapter. Des psychologues et des médecins se sont spécialisés pour assurer le suivi des adolescents en difficulté ; il m’a paru utile de citer quelques-unes de leurs remarques afin que des parents puissent bénéficier de leur expérience et de leur compétence. « L’adolescent a besoin de couper le cordon ombilical avec ses parents… d’où l’incompréhension des parents dépossédés de leurs enfants et menacés par ces nouveaux adultes. Obligé de se détourner de leurs parents, l’adolescent va se lancer, hors de la constellation familiale, dans une quête d’objet d’amour qui n’est rien d’autre qu’une quête de soi-même. Les jeunes ont un fort désir d’autonomie mais la liberté a des limites ! Selon un proverbe sarakholé : « L’enfant aime la liberté, il en est la première victime. » La liberté a des limites ! « C’est l’éducation qui apprend son bon usage. La réalité montre que les adolescents ne cherchent pas n’importe quelle autonomie ! Ce n’est pas sortir de sa famille, mais faire preuve de conformisme, un conformisme à un autre groupe, son groupe d’âge, qui le guide dans ses attitudes vestimentaires et verbales, jusque y compris dans ses modes de pensées ! » Depuis quelques décennies, les adolescents ont leurs « mode, leur musique, leurs sports, leurs stars, leur langage, leurs loisirs » ; ils se regroupent entre eux et constituent un groupe social. Comme l’explique le professeur Dia : « Quand on ne s’inscrit pas dans un circuit d’appartenance, le sentiment d’être soit devient flou. » Les anciens étaient de fins psychologues puisque, pour l’initiation, les jeunes formaient « un groupe social », selon leur âge et leur maturité psychique et mental. Savez-vous qu’avec les nouveaux modes de vie, la durée de l’adolescence s’allonge. Commencée avec la puberté pour certains, elle prend fin quand le jeune a son autonomie sur le plan socio-économique, pour d’autres, en devenant parent à son tour, en moyenne vers 18 ans. On constate qu’il existe un décalage entre les étapes du développement physique et de la vie sociale. Ce garçon de vingt-deux ans qui prépare le concours d’entrée dans une école de place est-il reconnu comme un adulte quand il retourne dans son village (Badiya)? Quel désarroi pour ce jeune de 30 ans, sans emploi depuis la fin de ses études ! Malgré une bonne qualification, il reste dépendant financièrement de la famille et ne peut pas se marier.
Etre parent c’est vraiment une lourde tâche pour beaucoup de mauritaniens !

Tous les enfants savent bien profiter d’un moment d’inattention ou de fatigue d’un parent, pour faire « ce qui est défendu » ou obtenir une permission qui, à un autre moment, aurait été refusée. Et avec les changements rapides de la société, il existe un décalage entre l’éducation que les parents ont reçue et celle qu’ils devraient donner à leurs enfants. Comme le rappelle le proverbe pulaar : « On ne peut faire son temps et le temps de son fils. » La fonction éducative s’apprend au fil des jours. Elle exige beaucoup d’amour et de patience avec un mélange de souplesse et de fermeté, d’autorité et de permissivité…sans oublier, une grande disponibilité du père et de la mère. Les jeunes ont besoin que l’un et l’autre consacrent du temps à les écouter pour comprendre les difficultés qu’ils rencontrent dans leur scolarité ou leur apprentissage personnel, leurs relations avec les camarades, garçons et filles, leurs inquiétudes pou l’avenir… Ils ont besoin d’être conseillés et, après leur avoir enseigné par l’exemple ce proverbe : « Le meilleur fétiche pour une bonne récolte, c’est une calebasse de sueur. » Les parents doivent leur faire confiance. Tous les gestes, les non-dits, les messages transmis par les comportements et les réflexions des parents participent à l’éducation et il est très important que l’un et l’autre soient en parfait accord sur les principes qui vont l’orienter. Leurs réflexions ont un sens très fort pour l’enfant, ils doivent donc mesurer leurs paroles quand ils les réprimandent. L’enfant se sent dévalorisé quand il entend : « Tu fais comme les voyous. », « Tu te comporte comme une bonne à rien. » Il faut être positif pour qu’il sente que ses parents l’aiment, lui pardonnent ses erreurs et désirent qu’il progresse. Il est plus efficace de lui faire remarquer : « Toi qui était si gentil d’habitude, je ne comprends pas pourquoi tu t’es comporté ainsi ! », « Tu es une petite fille si appliquée, alors pourquoi ce travail est-il mal fait ? » Un enfant doit apprendre ce qu’est la fatigue physique après l’effort. Il faut l’amener aussi à faire des efforts intellectuels en développant ses capacités de mémoire, d’observation, de compréhension, de réflexion, de comparaison et de jugement.
Comment guider et rassurer les adolescents ?

Comme un écrivain qui a fondé le scoutisme : « L’enfant doit être l’acteur principal de son propre développement. Il faut s’appuyer sur les aspirations à grandir qu’il porte en lui. » Tout adulte qui, à un moment ou à un autre, a la responsabilité de la formation d’un jeune, doit l’aider à : Avoir de la volonté pour maîtriser son corps et ses pulsions. Développer la confiance en soi. Apprendre les principes de la vie en société. Connaître les valeurs morales et la nécessité de respecter un engagement. Comprendre que, toute la vie, il faut franchir des étapes et faire des choix. Se sentir responsables de ses comportements et de leurs conséquences, qu’elles soient prévisibles ou non. Avoir un esprit assez critique, pour ne pas se sentir obligés de faire ce que font les autres quand sa conscience s’y refuse, et savoir dire : « Non ». Dans ses relations, accepter les différences, respecter les désirs des autres et apprendre à exprimer ses sentiments. Préparer son avenir et préserver sa santé. Pour transmettre les valeurs auxquelles ils sont attachés, les parents doivent, de plus en plus, pagayer à contre courant. Ce proverbe africain les y encourage : « Quand tous les gens vont dans le sens du courant, ça fait rire les crocodiles : ils n’ont qu’à ouvrir la gueule ! » Beaucoup de parents démissionnent, au lieu d’aider leurs enfants à forger leur personnalité et à faire un choix de vie personnelle. Comme les garçons ont parfois l’impression d’être « dépassés » par leur désir sexuel. C’est aux parents de leur demander de respecter les jeunes filles et de ne pas les considérer comme « un objet » ; elles sont des filles et des sœurs dont les tourments attristeraient toute une famille. Il est bien aussi de les de les prévenir qu’une expérience amoureuse décevante fausse l’image qu’ils devraient avoir de la féminité. Dans le milieu scolaire et sportif, la mixité est fréquente. Les aînés doivent expliquer aux filles comment se comporter pour être respecter : elles doivent éviter certains lieux a savoir la plage, les fast food et dancings…), les tenues vestimentaires « provocantes », les mots grossiers, les conversations trop osées, les films dont le scénario est immoral ou amoral… et surtout, éviter les situations où il serait difficile de dire « Non ! » Elles sont nombreuses celles qui voulaient s’arrêter « avant », mais ce n’était plus possible. Ignorantes qu’elles étaient qu’ « il ne faut jamais mettre un loup dans la bergerie ».

Sada Mbodj

Source: riminfo

Mardi 7 Juillet 2009
Boolumbal Boolumbal
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