L'opposition table sur un second tour et accuse Mohamed Ould Abdel Aziz de vouloir frauder pour forcer le passage au premier. Avec ce rapide tour d'horizon, brossant les intentions de chaque candidat au lendemain du 18 juillet, il apparait évident que les chances du Général-candidat sont loin d'être négligeables.
1. Les poids lourds :
- Mohamed Ould Abdel Aziz
Il est l'unique candidat, parmi les trois favoris, à ne jamais envisager son absence du second tour. Il est également le seul dont la victoire au premier tour semble envisagée par ses adversaires qui préparent déjà la riposte et annoncent la couleur : "s'il passe au premier tour, il aurait fraudé ; dans ce cas nous allons descendre dans la rue" clament, de concert, ces deux plus importants adversaires tant, il est vrai que cette perspective, au vu de la mobilisation et de l’enthousiasme du camp anti-putsch, semble improbable, en termes de voix réelles.
Ould Abdel Aziz s’est érigé champion de la bonne gouvernance alors que trois anciens premiers ministres de Ould Taya participent à sa campagne, sans compter une pléiade d’indicateurs de la polices politique, de tortionnaires impliqués dans des crimes de sang et de commerçants véreux.
- Ahmed Ould Daddah
Il bénéficierait donc du soutien de Ould Boulkheïr s’il arrivait parmi le duo de tête . Même si, constitutionnellement, rien ne l'empêche de se présenter pour une prochaine échéance du genre, le leader historique de l'opposition a déjà annoncé sur RFI son intention de prendre sa retraite, en cas de défaite.
- Messaoud Ould Boulkheïr
Ses chances d'accéder au second tour risquent d’occasionner la surprise de cette consultation ; l’éventualité de devenir Président de la République se fonde, surtout, sur l’accord de désistement mutuel avec l’autre favori du scrutin. Il a réussi à fédérer, au-delà de son électorat habituel de descendants d’esclaves et de négro-africains.
Ahmed et Messaoud, à eux deux, incarnent une certaine constance dans la lutte et une faculté de résistance extraordinaire. La plupart de leurs nouveaux émules, figures d’une moralité plus que douteuse, les piétinaient, hier, sous la dictature de Ould Taya.
2. Les outsiders :
- Ely Ould Mohamed Vall
Même si l'ancien Chef de l'Etat a mobilisé tous ses réseaux pour faire échec au putsch de son cousin, l'absence d'une déclaration publique dénonçant clairement le coup d'état la empêché d'engranger les soutien, dont il aurait pu logiquement bénéficier. Sa campagne n'a donc jamais vraiment décollé et ses chances semblent minces. Au second tour, il appuiera n'importe qui sauf Ould Abdel Aziz. Autour de lui, l’on retrouve des notables passéistes, des agents de renseignements et quelques cadres d’une intégrité ductile.
- Ibrahima Mocktar Sarr
Sa popularité parait sérieusement écornée suite à sa complaisance envers la junte ; rééditer son "exploit" de 2007 – il frôlait les 8% - reste pourtant à portée ; ses réunions publiques d’avant l’accord de Dakar drainaient des foules enthousiastes et exclusives ; depuis, il a dû les partager avec ses concurrents. Au second tour, il reviendra logiquement dans le giron de Ould Abdel Aziz.
- Jemil Ould Mansour
Parti prenante du front anti-putsch, il annonce sa candidature alors qu'il en assurait la présidence tournante. Des analystes avancent des pressions de l'internationale islamiste, pour le contraindre à se positionner. D'autres argumentent la pression d'une base fatiguée d’applaudir des candidats qui n'appartient pas au courant ; en 1992, les islamistes se rangeaient derrière Ould Daddah, en 2003 Ould Haïdallah et en 2007 Ould Hanenna.
Une discrète et efficace campagne de porte-à-porte pourra même lui permettre de ravir la 5ème place à Sarr. Tout comme ce dernier versant négro-africain, Jemil compte sur un électorat ethnique, celui des Maures blancs ou Bidhanes, en particulier les jeunes et les femmes.
Ould Mansour mène une campagne qualifiée d'originale par la plupart des observateurs, même si la majorité de ses thèmes (lutte contre la gabegie, contre les relations avec Israël... etc) relèvent du monopole par Ould Abdel Aziz. Justement, cette intersection poussera très probablement Ould Mansour à rallier le Général contre toute attente.
Les seconds rôles :
- Saleh Ould Hanenna
L'aura du héro qui a fait vaciller le trône de Ould Taya en 2003 et 2004 s’estompe et la plupart de ses compagnons l'ont quitté. Son adhésion au putsch du 6 août 2008, même si elle se conforme à son expérience, ne lui a pas permit de renouveler l'encadrement du Parti. Et, pour couronner le tout, cette fois-ci il ne bénéficie pas de la faveur des islamistes contrairement à 2007 où il avait dépassé les 7%. Sa rupture d’avec l'opposition étant irréversible, il retournera logiquement vers Ould Abdel Aziz.
Cependant, son discours de fin de campagne diffusé par la Télévision de Mauritanie avait l’éloquence de la contestation, voire de la révolte.
- Hamidou Baba Kane
Il s'attendait à être trahi par son chargé de communication Hamoud Ould Nbagha mais finalement le poignard viendra de Ould Zahav et Ould Nem, respectivement porte-parole et directeur de sa campagne. L'ironie du sort voudra que l'annonce fût faite par Ould Nbagha, resté fidèle à son candidat.
Les appels du pied du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) se multiplient mais la fierté de Kane le poussera certainement à ne plus regarder en arrière et à aller au bout de sa logique, avec Ould Abdel Aziz au second tour.
- Hamada Ould Meïmou
Tout comme Mohamed Saleck Ould Heyine, Ould Meïmou est le candidat d'une partie de l'entourage de l'ancien Chef de l'Etat Ould Taya. Lorsque les initiateurs de sa campagne sont partis chez Ould Daddah, Ould Meïmou se retrouva presque seul. Il a dû lancer sa campagne dans une maison, avec une cinquantaine de "militants", en réalité des membres de la famille appelés en urgence pour faire bonne mesure devant les caméras. Il a cependant rassemblée des foules considérables dans l’Est du pays, son fief.
La logique voudra qu'il rejoigne ses amis blanchis chez Ould Daddah ou Messaoud.
Conclusion :
Le clivage des pro et anti-putsch reste donc plus que jamais d'actualité. Autour de Ould Abdel Aziz, l'on retrouvera donc Sarr, Jemil, Saleh et Kane.
En face, se distinguent Messaoud ou Ahmed, avec Ely et Ould Meïmou. Comme ce dernier se disputera la dernière place avec Kane, Aziz affrontera donc, principalement, les trois candidats.
Même au second, le jeu demeure plus que jamais ouvert.
source: Taqadoumy