Ould Rayess aurait trouvé un travail mais ce n'est pas pour autant que sa collègue Messaouda Mint Baham est assurée de l'emporter, Coumba Bâ n'ayant pas dit son dernier mot. Quant à la querelle de préséance entre Ould Nenni et Ould Brahim Khlil, elle prolonge la rivalité des Généraux Ould Ghazouani et Ould Hadi. Décryptage.
Le putsch du 6 août 2008 a été marqué, dès les premières semaines, par l'émergence de deux courants antagonistes, au sein du Haut Conseil d’Etat dirigé par le Général Mohamed Ould Abdel Aziz.
Le premier courant, hostile aux règlements de comptes à caractère tribal et à l'emprisonnement du président déchu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi, se caractérise par sa discrétion sous la houlette du Général Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed Ould Ghazouani, Chef d'Etat-Major de l'Armée Nationale et n°2 de la junte.
Ce courant préconise l'apaisement et le dialogue avec les adversaires politiques ; il tire sa force de l'amitié entre Ould Ghazouani et Ould Abdel Aziz, qui dure depuis les bancs de l'Académie Royale de Meknès où les deux furent pensionnaires, lien renforcé par les multiples putschs que les deux ont mis en échec, avant d'en réussir le plus décisif, contre la dictature de Ould Taya, le 3 août 2005.
L'inspirateur de ce courant, Ould Ghazouani, semble également jouir d’une aura internationale ; il est souvent reçu à l'Elysée où au ministère français de la défense, en particulier par les ponte du contre-espionnage français. Tout comme Ould Abdel Aziz, Ould Ghazouani n'a jamais été cité parmi les officiers auteurs de crimes à motivation raciste, perpétrés durant les purges ethniques des années de braise (1987-1991).
Le second courant, beaucoup plus belliqueux et plutôt faucon prévaut sous l’influence du Général Mohamed Ould Cheikh Ould Hadi, Directeur Général de la Sûreté Nationale (DGSN). Cette tendance, très favorable à l'escalade et à la confrontation avec les ennemis politiques, se distingue par quelques préjugés contre les populations noires du Sud, lesquels s’étendent au Sénégal voisin. Il arrive parfois qu'un observateur s’étonne en présence des tenants de la dureté : "pourquoi les présumés auteurs de détournement des deniers publics sont interpellés seulement quand ils appartiennent au camp opposé au putsch ?" Là, il s’entend souvent répondre, avec un sens très développé de la realpolitik : "c'est de bonne guerre".
Ce courant où apparaissent tôt les figures de l’ancien ministre Mohamed El Moktar Ould Zamel et de l’avocat Sidi Mohamed Ould Maham, tire sa force du fameux "lobby du Nord", le même qui fut l'ossature de la fronde parlementaire contre le régime civil de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi.
Comme Ould Hadi, Mohamed Mahmoud Ould Brahim Khlil est originaire de la même tribu que Maaouiya Ould Taya mais contrairement à l'ancien Chef de l'Etat, les deux sont d'Aoujeft, localité rivale, depuis toujours, d'Atar, fief du dictateur déchu.
Lorsque Ould Hadi fait parvenir, à Ould Abdel Aziz, un rapport concernant une instruction de Ould Taya, demandant à sa parentèle de se ranger derrière le candidat Ahmed Ould Daddah, Ould Abdel Aziz lui demande, immédiatement, d'aller voir Abdallahi Ould Noueigued (AON), cousin des deux derniers et propriétaire du groupe d’affaires éponyme . Afin de donner à la démarche une onction "pacte de sang", Ould abdel Aziz demande, à Ould Hadi, de se faire accompagner par Melaïnine Ould Ahmed. Ce dernier, sujet du Roi du Maroc, est un peu parent de Ould Noueigued mais aussi beau-père de Ould Abdel Aziz.
Depuis deux décennies, Tout comme Mohamed Abdellahi Ould Abdellahi dit Chriv (MAOA), Abdellahi Ould Noueigued fait figure d'idéologue politique de sa tribu, non sans humour d’où le nombre conséquent des mots d’esprits que la rumeur lui prête. Il en fixe les objectifs et c'est vers lui que les regards se tournent, quand il s'agit de prendre une décision d'importance.
Depuis la chute de Ould Taya, Ould Noueigued avait réussi à garder un semblant de neutralité bienveillance vis-à-vis des successeurs de son cousin. Cependant, personne n'était dupe et tout le monde se doutait que la réussite politique de Ould Abdel Aziz provoquerait l’infortune et susciterait quelques représailles, étant donné la présence, dans l'entourage le plus immédiat du Général, de l'homme d'affaires Mohamed Ould Bouamatou, intime ennemi de AON.
Mais Ould Abdel Aziz n'est pas naïf. Il est conscient que la mise à disposition, au profit de son concurrent Ould Daddah, de la puissante force de frappe financière de Ould Noueigued lui serait fatale ; voilà pourquoi il dépêche son beau-père et le chef de sa police, dans une mission de la dernière chance.
Mais Ould Noueigued refuse net de changer de position ; les deux émissaires repartent bredouilles. Quelques jours plus tard, Ould Nouaigued est assis à la droit de Ould Daddah, lors du meeting de ce dernier à Atar.
L'échec de la mission de Ould Hadi signe la disgrâce de son protégé Ould Brahim Khlil et le remplacement, à la tête de la communication du Général-candidat, par le très controversé Cheikhna Ould Nenni, Consul Général à Dakar. Le propriétaire de la Mauritanienne de Presse, d’Edition, de Communication et d’Impression (MAPECI) - l’un des plus importants groupes de presse du pays - est, par ailleurs, cousin par alliance du Général Ould Ghazouani.
Ce dernier, originaire d'une tribu davantage portée sur le négoce que la politique, manque cruellement de soutiens au Parlement. Son entourage ne compte, en réalité, que deux élus : Mohamed Mahmoud Ould Ghazouani qui a choisi de soutenir Ould Daddah et Mohamed Mahmoud Ould Seïdy qui perdra son siège suite à l’entrée au gouvernement de Yahya Ould Ahmed El Waghf, comme ministre de Tawassoul, le parti des islamistes modérés.
Ould Ghazouani se rabat, dès lors, sur Ould Nenni qui devient, par élimination, son prolongement dans le monde politique. Ould Nenni n'a jamais caché son ambition d'intégrer le prestigieux corps diplomatique. Qu'à cela ne tienne : il devient Consul Général de Mauritanie au Sénégal, l'un des rares pays à ne pas refuser les accréditations de diplomates par la junte de Nouakchott.
La Mauritanie avait ouvert une parenthèse en 1978 ; elle consacrait la dualité civil-militaire : le pays est conjointement géré par un gouvernement civil et un autre militaire, en parallèle ; hier c'était le Comité Militaire de Redressement (puis de Salut) National, les fameux CMRN et CMSN. Ensuite, l’exception se referme un moment en 1991 jusqu'à l'avènement du Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), sur les ruines de la dictature de Ould Taya. Suivra une nouvelle pause jusqu'à l'avènement du Haut Conseil d'Etat (HCE) qui se mue en un Conseil Supérieur de la Défense, après de laborieuses négociations, à Dakar, entre pro et anti putsch.
La composition de ce dernier est la même que celle du HCE. Pour le futur gouvernement civil, et même si sa composition est entourée du plus grand secret, de rares indiscrétions permettent d'en connaitre quelques noms.
Ainsi, la volonté, par Ould Abdel Aziz, de nommer une femme à la tête du gouvernement est admise par tous, surtout que Sid'Ahmed Ould Rayess, un moment cité comme un sérieux prétendant sera, selon nos sources, désigné à la tête de l'Union Pour la République (UPR), le nouveau Parti-Etat.
Pour le poste de premier ministre, Messaouda Mint Baham fait figure de tête de liste mais elle est talonnée, de très près, par le docteur Coumba Bâ, Conseillère à la Présidence, dentiste de formation, mais dépourvue d’expérience en cabinet. Elle fut nommée à ce poste par Ould Taya et confirmée sous tous ses successeurs.
Ould Nenni deviendrait, toujours selon ces sources, ministre de la communication.
L'on évoque, également, la nomination de Smaïl Ould Boddé Ould Cheikh Sidiya soit à l'urbanisme soit au pétrole. Smaïl était l'un des hommes de confiance de Ould Daddah qui là présenté à Ould Abdel Aziz, peu après le putsch. Ce dernier le nomme à la tête du projet de reconstruction de Tintane. Quand Ould Daddah retire son soutien à la junte, Smaïl reste avec Ould Abdel Aziz qui lui confie sa campagne dans la capitale.
Au niveau de la diplomatie, Hamadi Ould Meïmou, le candidat malheureux à la Présidence, trouvera sa confirmation à l’Ambassade au Koweït. L'actuel premier ministre Moulaye Ould Mohamed Lagdhaf récupérerait la représentation à Bruxelle et Ould Brahima Khlil celle de Paris.
L'annonce du nouveau gouvernement aurait lieu peu après l'investiture, dont la cérémonie, à minima, se déroulera au Palais des Congrès de Nouakchott. Aucun Chef d'Etat n'est prévu, pour éviter le coût exorbitant, selon l'entourage de Ould Abdel Aziz.
Le nouveau Président prêtera serment devant ses invités dont les membres du gouvernement, le corps diplomatique et des représentants de la classe politique, majorité et opposition. Les candidats à la présidentielle du 18 juillet 2009 sont attendus mais tous n'ont pas encore confirmé leur présence.
La cérémonie est prévue le jeudi prochain ... un 6 août. De quoi inspirer les laudateurs du nouvel homme fort, afin de l'inciter à en faire un jour férié.
Avec autant d’atouts en main, au moment de diriger une Mauritanie à genoux, Ould Abdel Aziz n’aura aucune excuse. Compte tenu de l’ampleur de son triomphe, il règne, presque sans concurrence. Aussi, devra-t-il agir vite, sous peine de décevoir les mauritaniens qui croient en lui. Si l’on s’en tenait au verdict des urnes, il s’agirait d’une majorité.
Source: Taqadoumy