Opinion : Le Général peut-il gagner ?



Opinion : Le Général peut-il gagner ?
La question est posée en catimini dans toutes les réunions et dans presque tous les débats politiques, notamment les débats entre partisans et ressortissants des régions et dans les associations politiques tribales ou ethniques. C’est qu’en Mauritanie et c’est une particularité bien de chez nous, on spécule sur les chances de chaque candidat de gagner...

...et tout le monde s’efforcera de tenter par tous les moyens d’être du bon côté comme dans les paris de course.
Peu importe qui postule à la magistrature suprême ou le programme politique annoncé des candidats, ce qu’il faut pour la parieur politique c’est d’être sûr de ne pas jouer perdant avec les conséquences qui en découlent pour les opposants ou adversaires politiques de ce lui qui briguera le poste suprême. Etre du mauvais côté, c’est à coup sûr rester dans l’oubli des projets économiques initiés par le futur gouvernement, dans les nominations aux postes publics et même privés ainsi que dans les attributions des marchés de l’Etat et cela personne n’en veut car quelque fut le régime en place, être dans l’opposition équivaut à végéter dans la misère. Alors, le général peut il gagner ?
Essayons d’examiner cette question au vu des éléments en notre possession et dans les tendances qui se créent au fur et à mesure des évènements.
D’abord, le général a été boosté par « l’effet massue » d’un coup d’Etat militaire tel que les mauritaniens les aiment bien.

Faire un coup d’Etat, c’est d’abord pour l’opinion une manière de franchir le rubicond et, ainsi de sortir des sentiers battus.

D’ailleurs, le sentiment d’admiration dans un tel contexte est pratiquement égal chez les communautés arabo-berbères que chez les communautés négro-mauritaniennes.
L’homme qui brave le danger des armes pour être sorti du sérail est forcement

«l’homme qu’il faut».
Aussi, le Général Aziz, a t-il été tout d’abord porté par la vague Tsunami créée par le choc des armes, même si aucun coup de feu n’a été enregistré dans ce qui fut en réalité une simple révolution de palais comme dans pratiquement tous les coups d’état réalisés en Mauritanie.
Puis, le Général a trouvé le bon filon pour grimper dans les sondages, si l’on peut dire, de l’opinion.

Rien n’est plus propre à susciter l’engouement des mauritaniens, spéculateurs éternels, que de jouer sur le phénomène bien ancré des gazras, c’est à dire du domaine foncier de l’Etat squatté par des centaines de milliers de pauvres gens venus de toutes
les régions du pays chercher la propriété d’un petit lopin de terre pour la postérité. Les gazras, ce qui est fort cruel, sont le lit de la prospérité des industriels, des forces de la sécurité publique, des commerçants de mauvaise augure et de toute la gente masquée du business informel des produits périmés dans tous les domaines. Quoi donc de plus passionnant pour un leader parvenu que de promettre la lune à ces populations déshéritées, parquées comme des moutons dans le cercle infernal de la misère, de la maladie et du désespoir ?
Le tour fut vite joué tant et si bien que le général fut promu «le général des pauvres », qualité peu enviable, mais qui paie bien dans un tel contexte où la voix du pauvre est celle qui crée, désormais, les hommes du pouvoir de demain et malheureusement pour toujours, dans un pays où les gouvernants se targuent, pour marquer la réussite de leur politique économique , d’être à la tête du pays le plus pauvre parmi les plus pauvres !
Sur ce plan, le général n’a pas, d’ailleurs, beaucoup de mérite lorsqu’on sait qu’il a vécu à l’ombre du champion de la lutte éternelle contre la pauvreté, toujours ressuscitée, pour amadouer la communauté internationale et l’électorat versatile des kebbas, c’est à dire le déversoir humain qui ceinture toutes les villes du pays et qui constituent plus de 80% des populations de la Mauritanie.
Mieux, lutter pour les pauvres, c’est aussi bannir les inégalités créées par la fraude économique et par la corruption associée.

Ici, le «Général des pauvres» a, dans le principe, marqué un coup subtil et original car aucun homme du pouvoir n’a jusqu’à présent réussi à s’attaquer à ce phénomène particulièrement délicat.

C’est que dans un pays où la circulation de revenus ne s’effectue pas généralement par le travail, tenter de justifier une politique création légitime de richesse relève de la mauvaise plaisanterie.

Les maures aiment à dire que la mère du voleur ne vocifère pas éternellement des youyous de joie. Soit, le slogan de lutte contre la gabegie a tout de même porté le Général aux nues quand bien même le discours était parfois excessif ou inégal.
A ce sentiment bien partagé d’unanimité autour du tombeur de Sidi Ould Cheikh Abdallahi pour son message rassembleur autour de la lutte pour les pauvres, tous les pauvres, s’ajoute le relent de patriotisme crée chez les mauritaniens contre les ingérences extérieures vraies ou supposées alimentées par le discours des militaires du HCE et des partisans du pouvoir parvenu au prix d’un coup d’Etat que peu de personnes n’osent publiquement qualifier de coup d’état de trop, car justifié par des motifs tirés par les cheveux, au nom de l’éternel concept sécuritaire dans un pays comme la Mauritanie, pays fragile s ’il en est.
En bref, le coup du 6/8/08 a pu être tout à fait porteur pour le nouvel homme fort du pays et jusqu’au 31 mars 2009, Ould Abdel Aziz semblait pouvoir caresser tout légitimement ses chances de diriger la Mauritanie en tant que chef incontesté au plan interne et de surcroît béni par la communauté internationale.
Qu’a t- il pu bien se passer par la suite pour que, de mouvement ascendant, le général se retrouve brutalement dans un effet de serre inexorable tant et si bien que tout le monde se demande aujourd’hui quelles sont ses chances d’être au second tour des élections du 18 juillet 2009 ?
Les réponses se retrouvent peut être dans les inscriptions à l’envers de la médaille portée par le Général comme un fétiche porte - bonheur depuis son accession au pouvoir fort décriée par les principales forces politiques d’opposition du pays au lendemain du coup d’Etat.
Premier argument, la démission de l’homme fort, même si elle apparaît « un bon jeu » dans la partie de poker menée tambours battants par les forces impliquées dans la lutte pour le pouvoir a été mal comprise par le principal réservoir électoral potentiel du Général, à savoir les pauvres mauritaniens, ceux qui, exclus d’une vie honorable dans leur propre pays, se retrouvaient parfaitement dans les messages politiques téméraires de Aziz au mépris du reste.
En « démissionnant », le général n’avait plus le pouvoir. Ce faisant, le jeu s’était reporté de l’épicentre originel « gagant à coup sûr » vers un autre pole « gagnant inconnu » du simple public. Sans repère clair et balisé dans le jeu politique, l’électorat de base, jusqu’ici dévolu au général, s’en remet alors aux brookers du marché. Dans ce jeu subtil, les partisans de Ould Abdel Aziz ne se sont pas forcément montrés bon joueurs.
Deuxième argument, alors que les accords de Dakar allaient dans le sens d’une consécration du coup d’Etat, la démission de « Sidi » étant acquise et la candidature du général l’étant également, ce qui renforçait la position du Général, les communicateurs pro HCE ont négligé l’effet choc de cette nouvelle, vite déchiffrée par l’opinion comme une revanche, voire une victoire du FNDD contre son principal challenger dans la crise politique.
Cela est d’autant plus vrai que le report des élections mal gérées sur le plan communication par le camp du Général, celui-ci pris en délit de « mensonge par omission » en déclarant jusque le dernière minute que les élections se dérouleraient à la date prévue, a été fatal pour Ould Abdel Aziz. En effet, le simple citoyen ne pouvait comprendre la subtilité de ce jeu de poker menteur et très vite il assimilé ce « recul du général » a une perte de vitesse dans la course au pouvoir.
Troisième argument, s’il peut en être, l’évolution de la configuration politique au fil du temps a été en quelque sorte au désavantage du général, cela favorisé par d’autres évènements liés à la campagne avortée du 6/6.
D’abord, l’apparition de Ely Ould Mohamed Vall dans la nouvelle donne. Cousin et mentor du Général jusque la veille du 3/08/05, Ely garde de nombreux contacts locaux et régionaux dans le système, aidé en cela non seulement par sa position d’ancien DG de la sûreté de l’Etat et par son passage en tant que Président de la République sous la houlette du CMJD pendant 19 mois, mais aussi par sa supposée immense fortune personnelle aujourd’hui indiscutable.
Le camp de Aziz a, ici, commis la faute d’un « délit de pauvreté » qui ne pardonne pas dans le cadre des élections présidentielles.

La campagne était sobre et froide. On « prétextait » dans le camp du Général que seuls les candidats corrompus investissaient de l ’argent dans les campagnes ; aussi les 15 jours de campagne du Général ont ils donné l’impression que le Général était peu prompt à « donner ».

Les maures aiment aussi à dire que seul l’éclair peut annoncer la pluie et qu’il n’ y donc pas de pluie sans éclairs ».

La gestion parcimonieuse de la campagne passée a donné l’impression au public qu’il ne fallait plus s’attendre à grand chose de ce côté là, sentiment si généralisé que le taux de fréquentation des quartiers de campagne du général étaient pratiquement désertés au profit de son cousin, sa belle demeure devenue un véritable site de pèlerinage pour de milliers de mauritaniens.
Enfin la position du Général est également inconfortée par la tournure désormais légaliste des évènements.

Alors que « Sidi, le président légitime, a été en quelque sorte oublié tout au long des 10 premiers mois, voilà qu’il revient en force au souvenir de ses concitoyens. Il n’est plus le « porte malheur » si décrié, ni le vieux président sénile comme une partie de l’opinion aimait le présenter.

Tout d’un coup il devient le sage qui a permis d’amortir les chocs, l’homme qui par sa sagesse et sa clairvoyance a fait « échouer le coup d’Etat » sans avoir d’armes que son intelligence et sa force morale.
Aujourd’hui tout se passe comme si le général a été pris à son propre piège et tout nouveau mouvement lui porte à chaque fois un autre coup fatal.

A la veille du deuxième tour des négociations de Dakar, le camp du Général donne l’impression de naviguer à vue, sans stratégie et sans crédo politique.
Le manque d’expérience des équipes en place, l’absence de planification rigoureuse dans les actions, et le temps aidant, le Général Aziz risque d’être le dindon de la farce générée par coup d’Etat qui s’avère être finalement un coup d’Etat inutile et ayant eu un coût économique et social élevé pour un pays devenu divisé plus que jamais.
Le général peut-il désormais gagner ?
MAOB

Source: Tahalil

Dimanche 21 Juin 2009
Boolumbal Boolumbal
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