Pratiques esclavagistes : Ould Ciré parle de 5 formes de l’esclavage



Pratiques esclavagistes : Ould Ciré parle de 5 formes de l’esclavage
Mohamed Yahya Ould Ciré est un mauritanien affranchi, un Haratine. Au cours d’une présentation sur les pratiques esclavagistes, à une conférence organisée, en l’auditorium de l’Hôtel de Ville de Paris, le 24 avril dernier, il a décliné cinq formes d'esclavage.

Il a parlé également des différentes communautés mauritaniennes et des rapports qui les lient les unes aux autres. Selon Ould Ciré, les 5 formes de l’esclavage sont l’esclavage traditionnel, administratif, politique, moderne en plus du néo-esclavage. Dans ses développements, il les présente l’un après l’autre comme suit.

Mohamed Ould Ciré évoque également ces études qui lui ont permis de s’extraire de cet obscurantisme et de la complexité socioéconomique de ses frères non encore affranchis de se tirer de ce statut esclavagiste, si d’importants efforts ne sont pas entrepris.



Dans sa présentation des formes de l’esclavage, Mohamed Ould Ciré dit, il en existe 5 types fondamentaux:

- L'esclavage traditionnel: l'esclave est dit “attaché à la tente”, les maures étant un peuple de nomades. L'esclave est en charge des travaux domestiques: cuisiner, traire, aller chercher l'eau, s'occuper des animaux...

- L'esclavage administratif: Près des administrations françaises (entre 1904 et 1960), se sont crées des villes par l'arrivée massive d'affranchis ou de pauvres qui se sont installés là. L'Arabo-berbère fonctionnaire, recrute son esclave. Celui-ci a une fiche de paye qu'il ne voit jamais, et encore moins son salaire. Il doit travailler à la place de son maître.

- L'esclavage politique: Lors des élections, il suffit d'acheter le maître qui, à son tour, fait voter ses esclaves.

- L'esclavage moderne: Pour les Maures, le travail est avilissant car il est né noble et libre. Certains cas de cet esclavage ont un temps défrayé la chronique sur le territoire français.

- Le néo-esclavage: L'affranchi en réalité ne l'est pas, car exploité «à distance». C’est le cas de M. Ciré, quand il envoie de l'argent à sa mère, il sait qu'elle en réserve une partie pour le maître. Il n'a pas d'autre choix que de continuer, car priver le maître de cet argent, c'est en priver sa mère.

Selon Monsieur Ciré, la population de la Mauritanie se compose de trois groupes: les Arabo-berbères appelés Maures mais comportant une majorité de Berbères. Ce groupe a participé à la traite négrière saharienne en étant fournisseurs et consommateurs.

Le deuxième groupe, les Haratines, les affranchis. Il n’y a pas de statistiques, et pour cause, un esclave "ça" n’existe pas. Les seules statistiques connues, faites par la France en 1964, estiment que les Haratines constituent les 43% de la population mauritanienne, mais Monsieur Ciré ne doute pas qu’ils soient majoritaires.

Le troisième groupe est constitué par les Négro-mauritaniens (Soninké, Wolof, Bambara…). On pourrait se dire que les "noirs" étant majoritaires, il serait simple pour eux de "prendre le pouvoir" et en finir avec l’esclavage dans ce pays.

Mais voilà, à supposer que l’État mauritanien soit démocratique, il faudrait que cette question de l’esclavage soit inscrite dans le programme d’un parti politique. A cela, il faut ajouter, un phénomène que les descendants d'esclaves connaissent bien, à savoir la dépendance psychologique à l'ancien maître.

Dans le cas de Monsieur Ciré, il a travaillé six ans à l'ambassade de Mauritanie. Il a pu y vivre le phénomène. Cette ambassade ne fonctionnait qu'avec quatre esclaves ou affranchis. Les dignitaires n'y étant jamais, mais “en Allemagne, en Belgique” ou ailleurs.

Les descendants d'esclaves Guadeloupéens ou Martiniquais connaissent également bien cette dépendance psychologique: combien de fois n'ont-ils entendus que « sé blan-la ka ban manjé », ou les « po chapé » ou encore «nèg pé pa koumandé nèg»[3].

Et pourtant, ils sont citoyens depuis 160 ans alors que les haratines ne le sont pas encore. Ciré souligne également, que l'État n'écoute pas l'affranchi en cas de démarche administrative ou autre, mais demande à ce que vienne le maître…

Toujours selon lui, la colonisation a atténué l'esclavage négro-mauritanien. Dans son, c'est durant cette période de la colonisation qu'on a forcé son père à l'emmener à l'école. Mais le groupe au pouvoir est celui des Arabo-berbères, groupe qui a accepté la colonisation à condition qu'on ne touche pas à l'esclavage.

A tel point, qu'aujourd'hui, l'État mauritanien nie sa responsabilité dans l'esclavage actuel en mettant en avant que la féodalité maure est antérieure. Aujourd'hui encore, l'affranchi n'est pas l'égal du maure ou du négro-mauritanien (il ne peut être chef de village, par exemple). Chacun est maintenu dans son statut, et vit le quartier de ceux de sa catégorie.

Capturé à 10 ou 15 ans, un prénom est donné à l’esclave et on fait table rase de son passé, de son identité propre. Enfin, rappelons que Mohamed Yahya Ould Ciré est un ancien diplomate. Il a été Consul général de Mauritanie en Guinée-Bissau avant son exil politique en France.

Il est président de l’Association des Haratines de Mauritanie en Europe (AHME) dont l’objectif premier est l'abolition de l'esclavage en Mauritanie. A écrit « L'abolition de l'esclavage en Mauritanie et les difficultés de son application ».

Mohamed Ould Mohamed Lemine
mdhademine@yahoo.fr


Mardi 26 Mai 2009
Boolumbal Boolumbal
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