Dans quelques jours, les Mauritaniens seront, officiellement, en campagne pour l’élection présidentielle. D’ici là, les directoires de campagne planchent sur les projets de société à soumettre aux électeurs. Un contrat avec le peuple pour un bail de cinq ans. Comment entendent-ils nous convaincre de voter pour eux ? Avec de véritables projets alternatifs de société ou de l’argent? Les Mauritaniens, habitués à la fraude, à l’achat des voix, au clientélisme, sauront-ils, après un long combat pour le retour à la démocratie, accepter qu’on leur achète leurs voix ?
Les Négros-Mauritaniens, qui risquent, fort, avec les manœuvres en cours, notamment de leurs présumés leaders, d’être les dindons de la farce, réfléchiront-ils au programme pour se décider? Lequel des candidats leur promettra-t-il la place qu’ils réclament, depuis toujours? Autant de questions qu’il convient de poser, à la veille du démarrage de la campagne électorale, où l’argent risque de jouer, comme toujours, le rôle de l’arbitre.
Les programmes électoraux sont, souvent, des canevas de généralités, consignées dans des brochures distribuées à l’occasion des campagnes. Elles ne font aucune lecture sérieuse de la part même des acteurs politiques ou de l’élite. Que dire, alors, des électeurs lambda? Leurs extraits sont, ordinairement, publiés dans des journaux que tiennent les directions de campagne des candidats. Pas plus.
Or, le principal argument d’un programme électoral doit être une feuille de route cohérente, pour un gouvernement choisi au terme du parcours. Ce pacte que le nouvel élu a contracté avec le peuple devrait, par conséquent, faire l’objet d’une étude rigoureuse, de la part des candidats et de leurs experts en concepts. Quant à l’exécution des engagements, c’est, évidemment, une autre paire de manches, parce qu’il dépend de plusieurs autres facteurs, endogènes et exogènes.
Pas de questions taboues!
Au temps des nombreuses manipulations et intoxications, les observateurs ont des grilles d’analyses complètement bouleversées. Mais, ce sur quoi ils ne divergent pas, c’est que le candidat Ibrahima Moctar Sarr ne saurait bénéficier, comme la dernière fois, d’un vote identitaire, une espèce de sursaut de dernière minute, qui lui avait valu, en 2007, 8% des voix. Beaucoup d’eau a coulé, de vent a soufflé. L’AJD/MR a été secoué par une dissidence, très active, qui, même si elle n’a pas, profondément, affecté le parti, a contribué, tout de même, à l’ébranler, à semer la zizanie au sein des militants. Il y a, aussi, l’entrée, dans l’arène, du candidat Kane Hamidou Baba, qui pourrait, lui aussi, attirer une partie de l’électorat négro-mauritanien. Ce candidat, dissident du RFD, semble, pourtant, connaître quelque souci, lui aussi. Nombre de ceux qui lui avaient été envoyés, par «on sait très bien qui», pour «améliorer son score», ont commencé à le quitter, après avoir utilisé les fonds de campagne.
Ceux qui ont quitté le pari d’Ibrahima Sarr auraient tenté, avec Balas, de fonder un parti, mais, en vain. Cette aile dissidente semble, aujourd’hui, épouser les thèses du collectif des victimes de la répression (COVIRE). Ce collectif des rescapés militaires fait campagne pour le candidat Ould Abdel Aziz. Pour ce collectif et certains dissidents de l’AJD/MR, le général démissionnaire aura eu le courage de reconnaître et de réparer les exactions commises contre les Négros-Mauritaniens, entre 89 et 91. Mais la question qui se pose, au sein de l’électorat négro-mauritanien, est de savoir si le fait de reconnaître ces exactions, de verser quelques subsides aux ayant-droits suffit à régler les nombreux problèmes de cette composante ethnique de la Mauritanie. Les responsables de COVIRE et les officiers négro-mauritaniens ayant travaillé sur le dossier n’ont fait que passer sous silence le véritable problème des Négros-Mauritaniens. Ces officiers, qui ont négocié, pour le HCE et les rescapés rassemblés au sein du Covire, n’ignorent pas que les portes de l’armée et de la sécurité sont fermées aux jeunes Négros-Mauritaniens, depuis 1987. Pourquoi les parties contractantes n’ont pas cherché à élucider les raisons de cette situation inique? Comment et pourquoi des Mauritaniens ont-ils été conduits à liquider leurs frères mauritaniens, en terre d’islam? Parce que les officiers de cette composante ont tenté de renverser le régime d’Ould Taya ? Ou parce qu’ils sont trop nombreux, en Mauritanie, à tel point, comme le disaient certains, qu’il fallait la «dénégrifier»? Pourquoi ceux qui prétendent parler au nom des Négros-Mauritaniens n’ont-ils pas demandé, alors qu’ils pouvaient l’exiger, l’institution d’un service militaire, obligatoire pour tous les jeunes Mauritaniens âgés de 18 ans, ainsi que le réclame, toujours, Ibrahima Moctar Sarr ? Pourquoi les «négociateurs» n’ont-ils pas mis, sur la table, les questions de la réforme agraire de 1983 et de l’expropriation dont sont, encore, victimes les populations de la vallée? Pourquoi ont-ils passé, sous silence, la question de l’état-civil? Aujourd’hui, un petit chef de service de l’état-civil, un chef d’arrondissement, un hakem ou un wali peut décider de la nationalité d’un natif du fleuve, souvent accusé de débarquer de l’autre rive. Pourquoi encore les parties contractantes n’ont-elles pas débattu de la question du quota qui leur est imposé, depuis les indépendances? Deux ministres, deux walis, quelques hakems… Et le problème des langues? Voilà les questions qui préoccupent les Négros-Mauritaniens. Des thèmes porteurs qui ont fait la force du président de l’AJD/MR, dont il faut reconnaître le rôle important qu’il a joué, pour faire avancer la question noire en Mauritanie. Que feront les autres?
Le général Ould Abdel Aziz aura, donc, été le seul, à ce jour, à reconnaître le tort fait aux Négros-Mauritaniens, par le pouvoir d’Ould Taya. Mais, les ayant-droits des victimes, qui saluent ce geste, oublient que c’est sous le court magistère de Sidi Ould Cheikh Abdallahi que la question du retour des déportés et le règlement du passif humanitaire ont été, sérieusement, inscrits à l’ordre du jour et qu’il était, pratiquement, impossible de faire machine arrière. Même si le geste d’Ould Abdel Aziz est un pas qui mérite d’être salué, force est de reconnaître que les candidats qui aborderont, de façon dépassionné, ces questions, mais aussi les thèmes liés à la mauvaise gestion des deniers publics, la répartition équitable des ressources de ce pays, entre tous les citoyens, une autre manière de la lutter contre la pauvreté, l’esclavage et ses séquelles, bénéficieront de l’électorat négro-mauritanien.
A en croire les responsables de COVIRE, le candidat Aziz s’est engagé – comment? Engagement verbal ou écrit? – à «normaliser» la situation des Négros-Mauritaniens, une fois élu. L’homme est peut-être sincère, mais, par les temps qui courent – l’accord de Dakar est là pour inciter à la prudence – même si le général est animé de bonne intentions, il reste entouré par des présumés tortionnaires et d’autres chauvins qui n’hésiteront pas à dissuader de toute action réellement efficace.
Dalay Lam
Source: Le calame
Les Négros-Mauritaniens, qui risquent, fort, avec les manœuvres en cours, notamment de leurs présumés leaders, d’être les dindons de la farce, réfléchiront-ils au programme pour se décider? Lequel des candidats leur promettra-t-il la place qu’ils réclament, depuis toujours? Autant de questions qu’il convient de poser, à la veille du démarrage de la campagne électorale, où l’argent risque de jouer, comme toujours, le rôle de l’arbitre.
Les programmes électoraux sont, souvent, des canevas de généralités, consignées dans des brochures distribuées à l’occasion des campagnes. Elles ne font aucune lecture sérieuse de la part même des acteurs politiques ou de l’élite. Que dire, alors, des électeurs lambda? Leurs extraits sont, ordinairement, publiés dans des journaux que tiennent les directions de campagne des candidats. Pas plus.
Or, le principal argument d’un programme électoral doit être une feuille de route cohérente, pour un gouvernement choisi au terme du parcours. Ce pacte que le nouvel élu a contracté avec le peuple devrait, par conséquent, faire l’objet d’une étude rigoureuse, de la part des candidats et de leurs experts en concepts. Quant à l’exécution des engagements, c’est, évidemment, une autre paire de manches, parce qu’il dépend de plusieurs autres facteurs, endogènes et exogènes.
Pas de questions taboues!
Au temps des nombreuses manipulations et intoxications, les observateurs ont des grilles d’analyses complètement bouleversées. Mais, ce sur quoi ils ne divergent pas, c’est que le candidat Ibrahima Moctar Sarr ne saurait bénéficier, comme la dernière fois, d’un vote identitaire, une espèce de sursaut de dernière minute, qui lui avait valu, en 2007, 8% des voix. Beaucoup d’eau a coulé, de vent a soufflé. L’AJD/MR a été secoué par une dissidence, très active, qui, même si elle n’a pas, profondément, affecté le parti, a contribué, tout de même, à l’ébranler, à semer la zizanie au sein des militants. Il y a, aussi, l’entrée, dans l’arène, du candidat Kane Hamidou Baba, qui pourrait, lui aussi, attirer une partie de l’électorat négro-mauritanien. Ce candidat, dissident du RFD, semble, pourtant, connaître quelque souci, lui aussi. Nombre de ceux qui lui avaient été envoyés, par «on sait très bien qui», pour «améliorer son score», ont commencé à le quitter, après avoir utilisé les fonds de campagne.
Ceux qui ont quitté le pari d’Ibrahima Sarr auraient tenté, avec Balas, de fonder un parti, mais, en vain. Cette aile dissidente semble, aujourd’hui, épouser les thèses du collectif des victimes de la répression (COVIRE). Ce collectif des rescapés militaires fait campagne pour le candidat Ould Abdel Aziz. Pour ce collectif et certains dissidents de l’AJD/MR, le général démissionnaire aura eu le courage de reconnaître et de réparer les exactions commises contre les Négros-Mauritaniens, entre 89 et 91. Mais la question qui se pose, au sein de l’électorat négro-mauritanien, est de savoir si le fait de reconnaître ces exactions, de verser quelques subsides aux ayant-droits suffit à régler les nombreux problèmes de cette composante ethnique de la Mauritanie. Les responsables de COVIRE et les officiers négro-mauritaniens ayant travaillé sur le dossier n’ont fait que passer sous silence le véritable problème des Négros-Mauritaniens. Ces officiers, qui ont négocié, pour le HCE et les rescapés rassemblés au sein du Covire, n’ignorent pas que les portes de l’armée et de la sécurité sont fermées aux jeunes Négros-Mauritaniens, depuis 1987. Pourquoi les parties contractantes n’ont pas cherché à élucider les raisons de cette situation inique? Comment et pourquoi des Mauritaniens ont-ils été conduits à liquider leurs frères mauritaniens, en terre d’islam? Parce que les officiers de cette composante ont tenté de renverser le régime d’Ould Taya ? Ou parce qu’ils sont trop nombreux, en Mauritanie, à tel point, comme le disaient certains, qu’il fallait la «dénégrifier»? Pourquoi ceux qui prétendent parler au nom des Négros-Mauritaniens n’ont-ils pas demandé, alors qu’ils pouvaient l’exiger, l’institution d’un service militaire, obligatoire pour tous les jeunes Mauritaniens âgés de 18 ans, ainsi que le réclame, toujours, Ibrahima Moctar Sarr ? Pourquoi les «négociateurs» n’ont-ils pas mis, sur la table, les questions de la réforme agraire de 1983 et de l’expropriation dont sont, encore, victimes les populations de la vallée? Pourquoi ont-ils passé, sous silence, la question de l’état-civil? Aujourd’hui, un petit chef de service de l’état-civil, un chef d’arrondissement, un hakem ou un wali peut décider de la nationalité d’un natif du fleuve, souvent accusé de débarquer de l’autre rive. Pourquoi encore les parties contractantes n’ont-elles pas débattu de la question du quota qui leur est imposé, depuis les indépendances? Deux ministres, deux walis, quelques hakems… Et le problème des langues? Voilà les questions qui préoccupent les Négros-Mauritaniens. Des thèmes porteurs qui ont fait la force du président de l’AJD/MR, dont il faut reconnaître le rôle important qu’il a joué, pour faire avancer la question noire en Mauritanie. Que feront les autres?
Le général Ould Abdel Aziz aura, donc, été le seul, à ce jour, à reconnaître le tort fait aux Négros-Mauritaniens, par le pouvoir d’Ould Taya. Mais, les ayant-droits des victimes, qui saluent ce geste, oublient que c’est sous le court magistère de Sidi Ould Cheikh Abdallahi que la question du retour des déportés et le règlement du passif humanitaire ont été, sérieusement, inscrits à l’ordre du jour et qu’il était, pratiquement, impossible de faire machine arrière. Même si le geste d’Ould Abdel Aziz est un pas qui mérite d’être salué, force est de reconnaître que les candidats qui aborderont, de façon dépassionné, ces questions, mais aussi les thèmes liés à la mauvaise gestion des deniers publics, la répartition équitable des ressources de ce pays, entre tous les citoyens, une autre manière de la lutter contre la pauvreté, l’esclavage et ses séquelles, bénéficieront de l’électorat négro-mauritanien.
A en croire les responsables de COVIRE, le candidat Aziz s’est engagé – comment? Engagement verbal ou écrit? – à «normaliser» la situation des Négros-Mauritaniens, une fois élu. L’homme est peut-être sincère, mais, par les temps qui courent – l’accord de Dakar est là pour inciter à la prudence – même si le général est animé de bonne intentions, il reste entouré par des présumés tortionnaires et d’autres chauvins qui n’hésiteront pas à dissuader de toute action réellement efficace.
Dalay Lam
Source: Le calame