Quel avenir pour l'opposition mauritanienne ? La difficile relève



Quel avenir pour l'opposition mauritanienne ? La difficile relève
Après l'élection présidentielle du 18 juillet 2009 marquée par la cuisante défaite de l'opposition, la question de la relève au sein de la vieille classe politique mauritanienne se pose avec acuité. Alors qu'Ahmed Ould Daddah devrait tirer sa révérence, atteint par la limite d'âge à la candidature à une présidentielle, sans laisser de dauphin, Messaoud Ould Boulkheïr devrait dès à présent réfléchir sur l'avenir de son parti APP et sur son successeur. Par delà l'aspect lié au renouvellement des hommes qui ont fait jusque-là la scène politique, c'est la recomposition de la scène elle-même qu'impose la nouvelle donne née du 18 juillet.

Les lampions du scrutin présidentiel du 18 juillet 2009 se sont éteints, emportant dans les replis de l'histoire toute une classe d'hommes politiques qui, quoi qu'on dise, a dominé la scène nationale durant le dernier quart de siècle. Ahmed Ould Daddah, figure emblématique de l'opposition démocratique en Mauritanie devrait s'éclipser, au crépuscule d'une vie pleine de combats, laissant derrière lui un parti politique tout à son effigie et qui trouverait du mal à assurer la relève. Messaoud Ould Boulkheïr, qui pourrait suppléer à Ould Daddah au titre de leader de l'Opposition démocratique, s'est certainement mis à penser passer un jour la main à la jeune génération de son parti. Avec eux devra disparaître bien de compagnons de lutte qui avaient peu ou prou une autre vision de la Mauritanie et que l'implacable vérité des urnes n'a jamais hélas permis de réaliser. Restent d'autres opposants qui occuperont certainement le vide que laisseront les icônes du mouvement, à l'image de Mohamed Ould Maouloud de l'UFP, Ould Ebeidna le président l'Inad, entre autres, qui animent aujourd'hui le Front anti-putsch… Ahmed Ould Daddah : la fin d'un opposantLe destin avait certainement voulu qu'Ahmed Ould Daddah restât un éternel opposant, uniquement conçu pour servir de challenger malheureux aux présidents successifs que la Mauritanie démocratique a connus depuis dix-sept ans, Maaouiya Ould Sid'Ahmed Taya, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, Mohamed Ould Abdel Aziz. Il vient de tirer sa dernière cartouche le 18 juillet 2009, emportant avec lui plus de deux décennies de déception et plusieurs "victoires usurpées". En 1992, lors de la première présidentielle pluraliste en Mauritanie, il aurait "gagné" les élections, que le régime de Ould Taya lui aurait refusé. S'en suivirent deux autres présidentielles, en 1997, boycottées par l'opposition, et en 2003 où pour le ridiculiser, on lui affecta moins de 8 % des suffrages. En 2007, Ahmed Ould Daddah croyait de nouveau à ses chances, d'autant que le régime militaire qui avait renversé Ould Taya en 2005 n'était pas partant et que l'administration avait juré la neutralité. Il passera de justesse à côté, du fait de l'aide apportée à son concurrent, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, par le général Aziz et le pan du CMJD qui comptait. Certains soutiennent même que la victoire appartenait à Ould Daddah, qui avait obtenu au second tour 48 % des suffrages. Alors qu'il devait attendre 2012 pour se lancer dans la course, le coup d'Etat du 6 août 2008 fut comme une providence, d'où son empressement à le cautionner et à faire un bon bout de chemin avec les militaires. L'ambition déclarée de Mohamed Ould Abdel Aziz de briguer le fauteuil présidentiel mit fin à l'idylle et Ahmed Ould Daddah retourna à ses vieux amours, à côté de l'opposition au putsch. La suite est connue. Bras de fer avec le clan de Ould Abdel Aziz, qui aboutira à l'Accord de Dakar, puis un calendrier électoral de 45 jours, dont la moitié sera gaspillée en confrontation au sujet du Haut Conseil d'Etat. L'opposition n'avait plus qu'un peu plus de deux semaines pour battre Ould Abdel Aziz, en campagne depuis plus de dix mois. Une gageure. Pourtant, mathématiquement, Ahmed Ould Daddah et plusieurs de ses partisans avaient cru à la victoire, sur la base de l'acquis de 2007 et des renforts inattendus reçus durant la campagne de 2009. De puissants lobbies des finances et de la politique s'étaient en effet joints à lui, alors que des cascades de défections éclaircissaient les rangs de Ould Abdel Aziz. D'où, le 18 juillet 2009 jour du scrutin de la présidentielle, la stupeur affichée par son camp face à la marée de voix qui emplissait l'escarcelle de son adversaire et les zéro pointés de Ould Daddah dans des bureaux qui lui ont toujours été acquis. Ce quelque chose de "magique " qui avait fait disparaître les voix de Daddah reste la principale équation qui taraude sa direction de campagne et ses principaux soutiens.Cette défaite inattendue et brutale marque cependant la retraite définitive d'un homme qui a longtemps marqué la scène nationale. Avec lui, disparaissent les chances d'une relève dans le clan Daddah. Ahmed ne reprendra jamais les flambeaux de son frère, Mokhtar Ould Daddah, premier Président de la République islamique de Mauritanie. Tel en a voulu l'histoire, même s'il reste pour la postérité un grand leader politique qui a marqué son époque par son patriotisme, la rigueur de ses principes et son ambition pour la Mauritanie. Ahmed Ould Daddah parti, le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) devient orphelin et risque même de connaître le sort du PRDS, éclaté en mille lambeaux dont aucun n'a plus d'existence politique, depuis le départ du père-fondateur. En effet, comme tous les partis politiques formés autour d'un homme et pour lui, le RFD qui ne fut en réalité qu'une formation politique taillée à la dimension de l'ambition personnelle d'Ould Daddah, risque de ne pas survivre à son chef. Le RFD en réalité, c'était Ahmed Ould Daddah. Sans lui, il ne sera plus qu'une coquille vide où chaque courant politique qui le nourrissait risque de migrer vers d'autres horizons. Sans dauphin, Ould Daddah laisse un RFD certes truffé d'éminents cadres bardés de compétences et d'expérience, mais sans le charisme qui fait la marque des grands chefs. Messaoud Ould Boulkheïr: Leader de l'opposition démocratiquePour l'opposition, c'est une chance d'avoir encore dans ses rangs, une icône de l'envergure de Messaoud Ould Boulkheïr, qui dispose d'années supplémentaires pour affronter en 2014 Mohamed Ould Abdel Aziz, sauf si le destin en décide autrement. Il aurait été en effet dramatique de perdre coup sur coup Ahmed Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkheïr. Promu Leader de l'opposition démocratique, avec un score de plus de 16 % des suffrages, Messaoud Ould Boulkheïr reste, parmi d'autres leaders comme Mohamed Ould Maouloud, Boïdiel Ould Houmeid, Mohamed Ould Borboss entre autres, l'une des dernières effigies de l'opposition pure et dure. Une partie de l'opposition radicale a en effet déserté ce clan pour se rapprocher du pouvoir, à l'image de Sarr Ibrahima Mokhtar, Mohamed Gemil Mansour et Saleh Ould Hanena, comme certains caciques de l'ancien pouvoir ont regagné l'opposition dans une recomposition de la scène politique entamée depuis quelques mois.La victoire de Mohamed Ould Abdel Aziz sera certainement le prélude d'une autre réalité politique, marquée par une nette dichotomie entre le détenteur du pouvoir et l'opposition, dans un schéma qui rappelle dramatiquement l'ère de Ould Taya, où la philosophie dominante était celle des blocs étanches et la maxime de règle "être avec ou contre moi ".L'opposition dans sa forme traditionnelle, un ensemble de partis au discours et au calcul égocentrique, n'est plus de mise. Le Front national pour la défense de la démocratie (Fndd), creuset de forces politiques à grande envergure, doit servir de cadre unificateur au sein de laquelle l'ensemble des formations politiques doivent se reconnaître. Que les leaders qui composent cet ensemble acceptent de signer un pacte commun où chacun acceptera de renoncer à son égo démesuré pour se fondre dans un ensemble solide pour la conquête du pouvoir. Dix-sept ans d'éparpillement au sein de partis politiques tissés à la gloire des chefs doivent servir de leçon à une opposition qui semble ne pas vouloir apprendre les leçons de l'histoire, arc-boutée sur des idéologies désuètes qui ont péri ailleurs. Car il serait difficile dans les années à venir de bouter hors du pouvoir un général soutenu par l'armée et une administration entièrement soumise à sa cause, si en face, une véritable machine politique unie et non désunie, soudée et non éparpillée, n'est pas mise en branle.Autre leçon que le scrutin du 18 juillet 2009 vient d'administrer à l'opposition, la défaite d'une vision politique partisane bâtie sur le charisme d'un guide autour de qui tout tourne et qui disparaît comme un château de carte une fois le leader disparu de la scène. Le schéma classique des grands hommes qui font l'histoire n'est plus d'époque. Nulle part en Europe ou en Amérique, ne subsistent des systèmes politiques bâtis sur et autour de grands hommes, comme ce fut le cas au temps de Lénine, de Mao ou du Mahatma Gandhi. L'ère est au rassemblement des forces politiques autour de programmes minima, au sein de formations où la collégialité des décisions et les débats contradictoires sont la règle. L'homme orchestre est certes nécessaire dans tout regroupement humain, mais la politique, c'est avant tout des projets de société avant d'être l'effigie d'un simple mortel.


Source: l'authentique

Jeudi 23 Juillet 2009
Boolumbal Boolumbal
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