Trois questions à Moustapha Ould Abeiderrahmane, président du Renouveau Démocratique (RD)



Trois questions à Moustapha Ould Abeiderrahmane, président du Renouveau Démocratique (RD)
et député à l’Assemblée Nationale

’L’opposition a fait campagne, sur une longue période, non pas pour faire élire un de ses candidats, mais pour faire revenir au pouvoir le président Sidi, avec lequel elle a si peu de choses en commun ‘’


Moustapha Ould Abeiderrahamane est un des hommes politiques très connus de la scène politique mauritanienne. Qualifié d’ « animal politique » par les observateurs, l’homme se distingue par des prises de position qui, souvent, déconcertent ses anciens amis Kadihines. Ayant choisi de soutenir le mouvement rectificatif du 6 août, Ould Abeiderrahmane a été de toutes les campagnes de lobbying menées, non sans difficultés, pour la junte militaire. Une attitude difficilement compréhensible et indéfendable, pour ses amis opposés au putsch.
Dans cette interview, l’homme explique les raisons tantôt de la défaite de l’opposition, tantôt de la victoire du candidat que son parti avait choisi de soutenir, dès le 6 août, évoque les chantiers prioritaires du nouveau président élu et ébauche les probables modifications de la Constitution, pour parer aux éventuels coups d’Etat.

Le Calame : Notre pays vient de vivre une élection présidentielle en un seul épisode. Qu’est-ce qui, à votre avis, explique la facilité de la victoire de votre candidat, dès le premier tour, face à huit adversaires ? Victoire d’Aziz ou défaite de l’opposition ?

Moustapha Ould Abeiderrahmane : Avant de rentrer dans le vif du sujet, je voudrais saisir l’occasion que votre journal m’offre pour adresser mes chaleureuses félicitations et mes sincères remerciements à tous les militants et électeurs du Renouveau Démocratique, pour le travail accompli, au cours de la campagne pour l’élection présidentielle dont nous espérons qu’elle va apporter stabilité, paix et progrès à notre pays. Quant à votre question, je voudrais souligner les éléments suivants :

Depuis le déclenchement de la crise, entre la majorité parlementaire et l’ancien président monsieur Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi ; en tout cas, depuis le 14 septembre 2008, date de l’adoption de la résolution n° 49 de la sortie de crise, adoptée par le Parlement ; tout notre camp, qui était et demeure majoritaire dans le pays, s’est mis en ordre de bataille pour une nouvelle élection présidentielle et pour la gagner.

Très tôt, il est apparu clairement que nous avions, pour cela, un seul candidat réellement viable, malgré notre diversité, une ébauche de programme qui s’affinait, au fur et à mesure de l’évolution de la situation politique, économique et sociale dans notre pays, pour aboutir à une mobilisation populaire, sans précédent, en faveur de notre favori, appelé, désormais, par la majorité des déshérités le président des pauvres.
-Il est clair, pour tous les observateurs attentifs, que l’opinion nationale a été conquise par notre programme, fondé sur les mots d’ordre de lutte contre la pauvreté, contre la gabegie, la corruption et pour la refondation de l’Etat de droit et de justice sociale.
-Avec l’effort consenti pour le règlement du retour des réfugiés et les engagements pris pour en finir avec les séquelles du passif humanitaire, il devint évident que notre candidat emporterait l’adhésion quasi-unanime de l’électorat négro-mauritanien.
-L’opposition, quant à elle, a fait campagne, sur une longue période, non pas pour faire élire un de ses candidats, mais pour faire revenir, au pouvoir, le président Sidi, avec lequel elle a si peu de choses en commun et qui, de toutes les façons, ne pouvait, raisonnablement, espérer en cette issue.
-Avec l’accord de Dakar, pour lequel nous avons consenti des concessions essentielles, l’opinion publique nationale s’est renforcée en notre faveur, nous créditant du consensus national obtenu, alors que l’opposition pensait pouvoir exploiter celles-ci et reporter, pour mieux se préparer, la date de l’élection, arrêtée, pourtant, de commun accord.
-Enfin, il convient de souligner les soubresauts de l’opposition qui ne laissaient aucune place sérieuse pour fonder un réel espoir de victoire et surtout de stabilité du pays, dans une éventuelle victoire d’un de ses candidats.

Le Conseil constitutionnel vient de valider l’élection de votre candidat, à la tête du pays, rejetant, ainsi, les recours de trois concurrents accusant votre camp de fraude. Le président de la CENI a jeté l’éponge arguant, pour sa part, de « doute » quant à la « fiabilité » du scrutin. A votre avis, ces accusations ne ternissent-elles pas la fête ?

S’agissant des accusations de fraudes, proférées par l’opposition, il suffit de constater qu’elles n’ont été ni reprises, ni même comprises, par l’unanimité des observateurs internationaux et par les membres de la CENI, dont les 2/3 appartiennent à l’opposition, ou par le ministère de l’intérieur qui, malgré les pressions des dirigeants de l’opposition dont il est membre, a, en conscience, rejeté, a priori, les accusations en question, en proclamant élu, dès le premier tour et de manière transparente, notre candidat, Mohamed Ould Abdel Aziz, ce que le conseil constitutionnel a entériné, après enquête et délibération, dans les formes requise par la loi. Pour ce qui est des doutes, quelque peu tardifs, de l’ex-président de la CENI, il ne peut s’agir que de scrupules d’un intellectuel, certes de grande valeur, mais soumis à la pression d’un entourage véhément.

Aujourd’hui qu’il est élu à la tête du pays, quels sont, selon vous, les dossiers prioritaires auxquels le président doit s’attaquer ? Pourrait-il tendre et faire tendre les mains, entre majorité et opposition, pour réconcilier les vainqueurs et les vaincus ?

En affirmant clairement, dès sa première conférence de presse, dès la connaissance des résultats proclamés par le Ministère de l’Intérieur, qu’il est, désormais, le président de tous les Mauritaniens, qu’il est ouvert à toutes les opinions et qu’il souhaite l’enracinement de la démocratie dans notre pays, le nouveau président de la République cherche à apaiser et à signifier sa volonté d’ouverture, dans le cadre de l’application de son programme et du renforcement de sa majorité parlementaire et extra-parlementaire. Cependant, il convient de tirer toutes les leçons de la crise politique vécue par le pays et, notamment, de trouver les meilleurs moyens, politiques et institutionnels, pour renforcer les rapports entre l’exécutif et le législatif, d’une part, et entre le président de la République et la majorité qui l’a porté au pouvoir, d’autre part.

Cela posé, les grands dossiers de renforcement de l’unité nationale, en particulier pour le règlement, définitif et apaisé, du passif humanitaire, la mise en place d’un programme, cohérent et de longue haleine, pour lutter contre la gabegie-corruption, la réalisation, rapide, d’un programme de formation-emploi pour les jeunes, l’engagements des réformes d’amélioration et de développement des secteurs de la santé, de l’éducation, la conception des programmes d’investissements urgents, pour renforcer la croissance économique : tels sont, me semble-t-il, les grands dossiers, prioritaires, pour le quinquennat qui commence, sans oublier, bien évidement, le dossier institutionnel, qui exige un toilettage de la Constitution, afin de renforcer le rôle du Parlement et introduire une procédure d’empêchement pour se débarrasser d’un président qui cherche à outrepasser ses prérogatives, sans être obligé de passer par un coup d’Etat. C’est, en effet, à cette seule condition que notre pays peut espérer en finir avec des changements anti-constitutionnels, reléguant, définitivement, les coups d’Etat dans le domaine du passé.

Propos recueillis par Dalay Lam
Source: Le Calame


Mercredi 29 Juillet 2009
Boolumbal Boolumbal
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