Haut de 50 mètres, ce monument en bronze est sur l’une des collines des Mamelles, culminant à une centaine de mètres d’altitude, dominant la presqu’île de Dakar. Du rivage de la capitale sénégalaise, le monument surplombe l’océan Atlantique et son symbolisme est une référence à la « libération de l’Afrique » vis-à-vis de plusieurs siècles d’ignorance, d’intolérance et de racisme. A l’instar de la statue de la liberté aux Etats-Unis, l’Arc de Triomphe et la Tour Eiffel à Paris, il donnerait une certaine image de la Renaissance africaine : après six siècles de ténèbres, nous allons vers la lumière.
Présentation du monument
Le monument de la « Renaissance africaine » se présente sous les traits d’un homme aux muscles saillants jaillissant d’un volcan, ses vêtements sont enroulés autour de sa taille et il porte un enfant à son bras gauche, alors que son bras droit retient une femme par la taille. Ce monument montre « une Afrique sortant des entrailles de la terre, quittant l’obscurantisme, pour aller vers la lumière, l’homme, la femme et leur enfant face au soleil symbolisent l’ouverture du continent au reste du monde. C’est une force de propulsion dans la grandeur, la stabilité et la pérennité de l’Afrique. »
Le Monument de la Renaissance africaine, dans son contexte, ses attendus et son époque, en particulier les différents maillons symboliques avec lesquels il forme un système global destiné à marquer dans la conscience des Africains et du Monde le recouvrement par l’Afrique et les Africains et les Diasporas africains de l’initiative historique qui avait été perdue depuis, en particulier les premières mondialisations qui débutent au 16e siècle, prémisses de l’époque mercantiliste, de la traite, puis de la colonisation. Pour arracher le continent à cette période dont il est question de tourner la page dans les délais les plus rapides, à l’échelon individuel et collectif, territorial, national, sous-régional et interafricain, voire continental et dans les diasporas, l’Afrique doit forcément exprimer son identité nouvelle et ses aspirations dans les différentes formes d’expression universelle que sont l’art, la culture, la littérature, la technologie et la science en particulier.
Un constat amer !
Alors que la société s’interroge à mesure que la sphère politico-religieuse s’enflamme, et achève de déstabiliser une République dont les priorités sont ailleurs, le silence des clercs se fait lourd. Il est difficile de comprendre aujourd’hui cette violence des débats et cette démesure des arguments. Voilà que se substitue au débat citoyen une controverse qui s’approfondit de jour en jour, non sur la Renaissance africaine, qui est pourtant à l’ordre du jour, mais sur des histoires de statues et de monuments ! Ces gens veulent-ils réduire l’africanité du Continent et des diasporas aux querelles internes des compatriotes de Senghor !
Toujours est-il que les intellectuels, l’intelligentsia, demeurent paradoxalement absents du débat, alors que tout leur commande de voler au secours d’une opinion publique perplexe et dubitative qui se demande où cette polémique politico-religieuse va mener le pays.
Certes, ces deux segments qui monopolisent la parole - les politiques et les religieux - ne manquent point de prestige ni d’allant, mais la question est de savoir jusqu’où l’exclusion des citoyens et des intellectuels du débat qui les concerne pourtant au premier chef, peut-elle rester généreuse et providentielle sans être suspectée en définitive d’unilatéralisme et de sectarisme. Et puis encore, jusqu’où ces protagonistes du jeu public sont-ils fondés de parler en lieu et place de la société entière dont ils se sont institués les seuls représentant autorisés et impératifs ? Car, pour dire les choses comme elles sont - la violence des discours et l’abondance de propos comminatoires, les surenchères exclusivistes et les dérapages langagiers et autres ne semblent guère le fait de Lumières qui éclairent [les dynamiques sociétales], mais bien plutôt, l’expression de conservatismes décidés à camoufler de manière impériale voire despotique la nature licite des questions sociétales en jeu, avant que les citoyennetés émergentes aient eu le temps de dire ouf.
Force est de se poser la question, que dans un Etat laïque, devrait-on demander leur avis ou essayer de convaincre une partie quelconque de la communauté religieuse à accepter ce monument ? La réponse est évidemment la négative.
Que doivent faire les intellectuels face au sectarisme et au dogmatisme ?
Ce que nous constatons présentement, c’est une opinion publique en désarroi, parce que malmenée, face aux rhéteurs et prêcheurs, aux dialecticiens et aux politiciens, aux marabouts des grandes religions et aux curés de toutes les confessions, sans compter les prédicateurs et les journalistes, les amateurs et les dilettantes qui ont pris la place de l’intelligence nationale et parlent au nom d’une conscience publique réduite à la clandestinité et à l’exil intérieur, sinon à la passivité complice, face à cette prise en otage d’un authentique débat sociétal par une poignées de centres de pouvoir, de groupes d’intérêts et/ou de pressions.
Face à cette situation, les intellectuels peuvent-ils rester cois et suivre le courant en attendant que passe la vague ou au contraire convient-il d’aller contre le courant et de livrer bataille grâce aux armes de la critique et de l’autocritique ? Devant tant de déferlement de sectarisme et de dogmatisme qui agressent la citoyenneté et la culture, la foi véritable et la science, l’intelligentsia peut-elle garder le silence et renoncer à ses tâches premières de clarification des enjeux et des options ? Telle sont les interpellations auxquelles nous nous proposons de répondre.
Mais, les lieux de production des savoirs, de transmission des connaissances et de mise en équation prospective des défis nouveaux ont-ils seulement les moyens sinon de résoudre le problème, du moins de garantir la conscience publique et l’opinion, l’Etat et la société, la culture et la civilisation contre les errements et l’incertitude résultant des manquements et des carences des sphères politique et religieuse, les exclusivismes et les excommunions, les psychoses et les impostures, les peurs et les hantises de toutes sortes qui menacent la société de confusion, l’Etat de paralysie, la foi de fondements solides et la morale publique de vague à l’âme et de désorientation ?
A considérer que l’Université et les foyers de savoir et de culture disposent encore des capacités heuristiques et didactiques que la recherche et la culture, la science et l’éducation ont mises à leur disposition selon une tradition multiséculaire remontant aux universités de Tombouctou et Gao ou, plus près de nous, Pire et Njarno, Coki, etc., manquent-ils de courage et de volonté au point de sacrifier, par son « retraitisme » de capitulation et son mutisme de tour d’ivoire, les équilibres basiques et les consensus négociés qui fondent la société sénégalaise et, au-delà, la pérennité de la Nation tout entière ?
Si rien ne retient plus les segments sociaux pourtant privilégiés et généralement nantis dont l’action menace l’ensemble de l’édifice de stagnation et de régression, et perturbe de manière insupportable le jeu régulier des rôles et des fonctions, des missions et des institutions, au nom des seuls avantages attachés à l’exercice du pouvoir, à la jouissance de la hiérarchie, à la possession d’un intérêt économique matériel, à l’abus de profit, à l’avidité de gain sans limite, à l’affairisme sans nuance, pendant combien de temps, ces manières de solidarité négative seront-elles capables de soutenir et de reproduire, d’étayer et conforter la cohésion la plus élémentaire sans laquelle des nations ou groupes de nations avaient sombré dans l’Histoire sans avoir le temps de réaliser ce qui leur arrivait ?
En résumé, si la nation ne manque point de compétences ni l’Etat d’acquis et la société de potentiel, la question est de savoir si ces points positifs doivent être mis au service de la République pendant qu’il en est encore temps, ou s’il faut la mort de la patiente pour appeler le médecin ? Aussi le problème n’est-il pas d’avoir les connaissances et les savoirs stockés quelque part en attendant doctement que l’âme collective s’étrangle ou que les institutions sommeillent, mais de prendre sur soi, à l’échelon individuel comme aux échelons intermédiaires et au niveau global et collectif, le courage de convoquer les savoirs qui sauvent, de décliner les connaissances qui libèrent, en les portant à l’Opinion afin de prévenir l’entropie qui frappe à la porte de la Cité de mille façons.
Notons pour finir que quant à l’opportunité ou non de ce Monument de la Renaissance, l’avenir nous donnera raison.
Par Serigne Samba NDIAYE
Enseignant, chercheur, phytothérapeute
Source : seneweb.
Présentation du monument
Le monument de la « Renaissance africaine » se présente sous les traits d’un homme aux muscles saillants jaillissant d’un volcan, ses vêtements sont enroulés autour de sa taille et il porte un enfant à son bras gauche, alors que son bras droit retient une femme par la taille. Ce monument montre « une Afrique sortant des entrailles de la terre, quittant l’obscurantisme, pour aller vers la lumière, l’homme, la femme et leur enfant face au soleil symbolisent l’ouverture du continent au reste du monde. C’est une force de propulsion dans la grandeur, la stabilité et la pérennité de l’Afrique. »
Le Monument de la Renaissance africaine, dans son contexte, ses attendus et son époque, en particulier les différents maillons symboliques avec lesquels il forme un système global destiné à marquer dans la conscience des Africains et du Monde le recouvrement par l’Afrique et les Africains et les Diasporas africains de l’initiative historique qui avait été perdue depuis, en particulier les premières mondialisations qui débutent au 16e siècle, prémisses de l’époque mercantiliste, de la traite, puis de la colonisation. Pour arracher le continent à cette période dont il est question de tourner la page dans les délais les plus rapides, à l’échelon individuel et collectif, territorial, national, sous-régional et interafricain, voire continental et dans les diasporas, l’Afrique doit forcément exprimer son identité nouvelle et ses aspirations dans les différentes formes d’expression universelle que sont l’art, la culture, la littérature, la technologie et la science en particulier.
Un constat amer !
Alors que la société s’interroge à mesure que la sphère politico-religieuse s’enflamme, et achève de déstabiliser une République dont les priorités sont ailleurs, le silence des clercs se fait lourd. Il est difficile de comprendre aujourd’hui cette violence des débats et cette démesure des arguments. Voilà que se substitue au débat citoyen une controverse qui s’approfondit de jour en jour, non sur la Renaissance africaine, qui est pourtant à l’ordre du jour, mais sur des histoires de statues et de monuments ! Ces gens veulent-ils réduire l’africanité du Continent et des diasporas aux querelles internes des compatriotes de Senghor !
Toujours est-il que les intellectuels, l’intelligentsia, demeurent paradoxalement absents du débat, alors que tout leur commande de voler au secours d’une opinion publique perplexe et dubitative qui se demande où cette polémique politico-religieuse va mener le pays.
Certes, ces deux segments qui monopolisent la parole - les politiques et les religieux - ne manquent point de prestige ni d’allant, mais la question est de savoir jusqu’où l’exclusion des citoyens et des intellectuels du débat qui les concerne pourtant au premier chef, peut-elle rester généreuse et providentielle sans être suspectée en définitive d’unilatéralisme et de sectarisme. Et puis encore, jusqu’où ces protagonistes du jeu public sont-ils fondés de parler en lieu et place de la société entière dont ils se sont institués les seuls représentant autorisés et impératifs ? Car, pour dire les choses comme elles sont - la violence des discours et l’abondance de propos comminatoires, les surenchères exclusivistes et les dérapages langagiers et autres ne semblent guère le fait de Lumières qui éclairent [les dynamiques sociétales], mais bien plutôt, l’expression de conservatismes décidés à camoufler de manière impériale voire despotique la nature licite des questions sociétales en jeu, avant que les citoyennetés émergentes aient eu le temps de dire ouf.
Force est de se poser la question, que dans un Etat laïque, devrait-on demander leur avis ou essayer de convaincre une partie quelconque de la communauté religieuse à accepter ce monument ? La réponse est évidemment la négative.
Que doivent faire les intellectuels face au sectarisme et au dogmatisme ?
Ce que nous constatons présentement, c’est une opinion publique en désarroi, parce que malmenée, face aux rhéteurs et prêcheurs, aux dialecticiens et aux politiciens, aux marabouts des grandes religions et aux curés de toutes les confessions, sans compter les prédicateurs et les journalistes, les amateurs et les dilettantes qui ont pris la place de l’intelligence nationale et parlent au nom d’une conscience publique réduite à la clandestinité et à l’exil intérieur, sinon à la passivité complice, face à cette prise en otage d’un authentique débat sociétal par une poignées de centres de pouvoir, de groupes d’intérêts et/ou de pressions.
Face à cette situation, les intellectuels peuvent-ils rester cois et suivre le courant en attendant que passe la vague ou au contraire convient-il d’aller contre le courant et de livrer bataille grâce aux armes de la critique et de l’autocritique ? Devant tant de déferlement de sectarisme et de dogmatisme qui agressent la citoyenneté et la culture, la foi véritable et la science, l’intelligentsia peut-elle garder le silence et renoncer à ses tâches premières de clarification des enjeux et des options ? Telle sont les interpellations auxquelles nous nous proposons de répondre.
Mais, les lieux de production des savoirs, de transmission des connaissances et de mise en équation prospective des défis nouveaux ont-ils seulement les moyens sinon de résoudre le problème, du moins de garantir la conscience publique et l’opinion, l’Etat et la société, la culture et la civilisation contre les errements et l’incertitude résultant des manquements et des carences des sphères politique et religieuse, les exclusivismes et les excommunions, les psychoses et les impostures, les peurs et les hantises de toutes sortes qui menacent la société de confusion, l’Etat de paralysie, la foi de fondements solides et la morale publique de vague à l’âme et de désorientation ?
A considérer que l’Université et les foyers de savoir et de culture disposent encore des capacités heuristiques et didactiques que la recherche et la culture, la science et l’éducation ont mises à leur disposition selon une tradition multiséculaire remontant aux universités de Tombouctou et Gao ou, plus près de nous, Pire et Njarno, Coki, etc., manquent-ils de courage et de volonté au point de sacrifier, par son « retraitisme » de capitulation et son mutisme de tour d’ivoire, les équilibres basiques et les consensus négociés qui fondent la société sénégalaise et, au-delà, la pérennité de la Nation tout entière ?
Si rien ne retient plus les segments sociaux pourtant privilégiés et généralement nantis dont l’action menace l’ensemble de l’édifice de stagnation et de régression, et perturbe de manière insupportable le jeu régulier des rôles et des fonctions, des missions et des institutions, au nom des seuls avantages attachés à l’exercice du pouvoir, à la jouissance de la hiérarchie, à la possession d’un intérêt économique matériel, à l’abus de profit, à l’avidité de gain sans limite, à l’affairisme sans nuance, pendant combien de temps, ces manières de solidarité négative seront-elles capables de soutenir et de reproduire, d’étayer et conforter la cohésion la plus élémentaire sans laquelle des nations ou groupes de nations avaient sombré dans l’Histoire sans avoir le temps de réaliser ce qui leur arrivait ?
En résumé, si la nation ne manque point de compétences ni l’Etat d’acquis et la société de potentiel, la question est de savoir si ces points positifs doivent être mis au service de la République pendant qu’il en est encore temps, ou s’il faut la mort de la patiente pour appeler le médecin ? Aussi le problème n’est-il pas d’avoir les connaissances et les savoirs stockés quelque part en attendant doctement que l’âme collective s’étrangle ou que les institutions sommeillent, mais de prendre sur soi, à l’échelon individuel comme aux échelons intermédiaires et au niveau global et collectif, le courage de convoquer les savoirs qui sauvent, de décliner les connaissances qui libèrent, en les portant à l’Opinion afin de prévenir l’entropie qui frappe à la porte de la Cité de mille façons.
Notons pour finir que quant à l’opportunité ou non de ce Monument de la Renaissance, l’avenir nous donnera raison.
Par Serigne Samba NDIAYE
Enseignant, chercheur, phytothérapeute
Source : seneweb.