Le président Ould Abdel Aziz Six mois déjà !



Le président Ould Abdel Aziz Six mois déjà !
Dans quatre jours, c'est-à-dire, le 5 février prochain, Mohamed Ould Abdel Aziz bouclera ses six premiers mois comme président de la République élu démocratiquement. S'il est loisible à ceux qui l'ont soutenu de revenir, toujours et toujours sur son bilan durant la " Rectification " pour dire qu'il est " l'homme de la situation ", " le Sauveur " tant attendu, " le président des pauvres ", il est clair aussi que les observateurs et analystes politiques qui ont accepté de remettre les compteurs à zéro, le 5 août 2009, ne jugeront, désormais, l'action de son gouvernement que sur les réalisations présentes. Et, en fait, de quelles réalisations peut-on parler après la présidentielle de 2009 ?
C'est une évidence : il y a un Avant et un Après juillet 2009. L'Avant a comme particularité d'avoir soumis le pouvoir militaire de l'époque à une exigence de bilan. Les réalisations, il y'en a eu, comme ne peuvent pas le nier les adversaires les plus connus du président Aziz. Pêle-mêle, ce passé récent englobe la distribution de terrains à " Hay Sakène ", la diminution des prix de l'essence et du gaz butane, la construction de routes, l'opération Ramadan… la rupture des relations avec Israël. Le pouvoir de l'époque répondait à deux impératifs : revenir à la constitutionnalité , comme l'exige la communauté internationale toute entière et persuader les électeurs Mauritaniens que Ould Abdel Aziz est vraiment l'homme de la situation. Tous les moyens du pays ont été mobilisés pour s'inscrire dans l'optique de ce " changement constructif " qui allait par la suite devenir le slogan de campagne du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz. C'est ce qui justifie le discours, à relents de propagande, qui visait à faire passer la pilule du coup d'Etat et à présenter l'opposition sous les traits du diable.

Maintenant, la donne est toute autre. Il n'y a pas de campagne en vue, à part peut-être celle qui conduira, dans à peu près une année aux élections législatives. Mais Ould Abdel Aziz a une renommée à défendre : " le président des pauvres " est un label devenu bien de chez nous. Et on ne peut pas dire qu'il a choisi le meilleur moyen de le faire !

En reconduisant le Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf et une partie de l'ancienne équipe cooptée à l'époque par le Haut Conseil d'Etat (HCE), il s'inscrit dans la pure tradition du credo de " on prend les mêmes et on recommence ". Ce qui constitue un coup dur pour tous ceux qui ont œuvré pour le changement, en dehors même de l'appartenance au " système " qui a conduit la Fronde contre le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, roulé pour les militaires pour faire accepter leur rectification sur le plan international, et travaillé pour le retour du général dans ses habits civils. Reconduit, le PM n'a pas jugé bon de se départir d'un style de gouvernance qu'il croit avoir fait recette. Les ministres qui ont travaillé avec lui, dans la Rectification, le connaissent si bien que, eux aussi, ne voient aucune nécessité de changer.

Tout donc est question de changement. Incapables de changer eux-mêmes en bien, les ministres de la " Nouvelle République ", point de départ supposé de la Nouvelle Mauritanie, sont incapables, à ce niveau de leur parcours, de donner le moindre signe de changement positif. N'est-ce pas ce qui se dégage comme impression du malaise perceptible au sein de populations prises à la gorge par une flambée des prix sans précédent ? N'est-ce pas aussi la lecture que les fonctionnaires et agents de l'Etat (les masses laborieuses) font de la manière dont les gros bonnets de l'Administration publique ont accaparé les 10 milliards d'ouguiyas destinés au versement d'indemnités de transport et de logement ? Et ce ne sont pas les 125 kilomètres de bitume à Nouakchott, dont la Communauté Urbaine réclame une partie réalisée sur financement de la Caisse française de développement (CFD), qui pourront atténuer les protestations de plus en plus fortes. S'ajoutent à un tel malaise la crainte d'enregistrer la pire saison agricole depuis plusieurs années, à cause du problème du crédit, l'absence d'une campagne digne de ce nom, et la grogne sociale qui couve. A croire que le gouvernement s'ingénue à rendre la tâche difficile au président de la République ! Fallait-il vraiment que la politique fiscale soit orientée vers les produits de consommation courante (riz, blé, sucre, huile) pour arriver à renflouer les caisses de l'Etat ? Une taxation plus raisonnable des produits de luxe et même un impôt sur la fortune, comme cela se pratique dans certains pays, pouvait s'inscrire mieux dans l'optique des égards pour les pauvres, en favorisant une meilleure redistribution des richesses.


Aux grands maux…



Il est certain que le président Mohamed Ould Abdel Aziz a besoin de revoir sa stratégie. Le bilan mitigé de l'avant 18 juillet 2009 risque tout simplement de basculer vers le bas, si le pouvoir ne se rend pas compte, au plus vite, de ses erreurs. Certes, la lutte contre la gabegie est, en principe, porteuse. Elle permet à Ould Abdel Aziz de maintenir la pression sur une administration aux instincts rédhibitoires, tournés vers le mauvais usage des biens de l'Etat, consacre son statut de justicier et atténue les critiques de l'intérieur et de l'extérieur. Mais contre ce Mal, le président de la République gagnerait à passer à la " guerre totale ". L'on ne comprend pas, en effet, cette tendance à arrêter ou à limoger pour l'exemple, en dehors d'une stratégie nationale, à moyen et long termes, qui puisse apporter plus de sérénité à la moralisation de la vie publique.

L'autre grand défi du président Aziz est certainement aussi le maintien du cap dans l'attention accordée aux pauvres. Une attitude qui ne peut se comprendre que par une maîtrise réelle et durable de la structure des prix au niveau des produits de consommation courante. Le président doit savoir que les pauvres qui l'ont élu regardent les nouveaux goudrons de Nouakchott comme une réalisation destinée aux riches ! Eux n'ont pas de voitures et les prix du transport risquent de grimper, avec la hausse du prix de la vignette et celle, probable, des hydrocarbures.

Il y a enfin la position diplomatique de la Mauritanie à propos de questions régionales et internationales. Relations poussées avec l'Iran au moment où ce pays se débat contre les USA, et à certains égards, contre les pays arabes, retenue dans les rapports avec la Libye, absence d'une politique claire à l'endroit des pays africains… Concernant le problème du Sahara, tout le monde est d'accord que la Mauritanie doit s'en tenir à sa " neutralité positive ", une sorte d'équilibrisme certes pas aisé, mais qui a l'avantage de ne vexer personne. Cette position donne l'avantage aux autorités de Nouakchott de jouer même au conciliateur dans le cadre des négociations menées par l'ONU et qui, souvent, passent par Nouakchott.

Cette affaire est si importante qu'elle pourrait même être liée à la question sécuritaire du pays.

Les terroristes et autres trafiquants d'armes et de cigarettes se comportent de plus en plus en terrain conquis dans le Grand Sahara, tout le long de ce no man's land que constituent les frontières entre la Mauritanie, le Maroc, l'Algérie et le Mali. Des ressortissants de ces divers pays ont probablement des liens avec ce trafic et peuvent même être soumis à des contingences politiques non favorables à la paix. C'est pourquoi, pour qui ne gagne que la paix et la stabilité dans l'apaisement de ce front, le mieux est de se tenir à l'écart de ces tiraillements géostratégiques.



Source: L´AUTHENTIQUE


Mardi 2 Février 2010
Boolumbal Boolumbal
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